« Jungle Cruise » : un bon film à défaut d’être un chef-d’oeuvre
e>« Jungle Cruise » : un bon film à défaut d’être un chef-d’oeuvre
Information importante : cette critique ne contient aucun spoiler. Vous n’y trouverez que des informations déjà présentes dans la bande-annonce.
Disney remet ça : un film basé sur une attraction d’un parc à thème Disney. L’immense succès de la saga « Pirates des Caraïbes » avait déjà prouvé la pertinence de cette idée, à tel point que l’attraction du parc a par la suite été modifiée pour mieux ressembler à l’univers des films. N’y voyez là aucune révolution : c’est une stratégie adoptée depuis toujours par Disney.
Jusqu’alors sans succès : « Le Manoir hanté et les 999 Fantômes » fut un échec retentissant. « Tomorrowland » s’en sort déjà bien mieux, sans pour autant être un franc succès. « Jungle Cruise » devrait suivre le même chemin. Le film répond aux attentes principales, sans pour autant être un chef-d’oeuvre.
J’ai été durant deux heures et douze minutes totalement diverti.
Amazonie, 1916
Selon la légende, il existerait en Amazonie un arbre dont les fleurs peuvent guérir toutes les maladies et malédictions imaginables. L’immortalité à portée de main ? Peut-être. Angleterre, 1916. La botaniste Lily Houghton (Emily Blunt) possède un artefact amazonien : un fer de lance en pierre. Il se pourrait qu’il indique l’emplacement de l’arbre guérisseur.
Mais personne ne la croit. Que peuvent bien savoir ces femmes ? Elle part donc seule avec son frère (Jack Whitehall) et engage sur place le supposé meilleur, mais controversé capitaine Frank Wolff (Dwayne Johnson). Après tout, personne ne connaît mieux que lui les enchevêtrements et les ramifications labyrinthiques de l'Amazone.
En avant pour l’aventure ! Le trio à l’écran : un prince allemand sociopathe (Jesse Plemons) qui souhaite se servir de l’arbre pour remporter la Première Guerre mondiale, un étrange magnat de la navigation (Paul Giamatti) et une myriade de conquistadors-zombies qui cherchaient déjà l’arbre il y a 400 ans, mais qui ont trouvé une malédiction à la place.
Cette copie remplit-elle le cahier des charges ?
De l’aventure. De l’action. Du fun. « Jungle Cruise » nous donne tout cela. Cela ne va pas du tout de soi. Du moins, pas pour ceux qui connaissent l'attraction du parc à thème dont « Jungle Cruise » s'inspire librement. Voilà de quoi il s’agit : durant leur navigation sur un bateau à travers une forêt amazonienne minutieusement recréée, les visiteurs rencontrent toutes sortes de créatures, dont des piranhas, des crocodiles et des hippopotames.
L’attraction ne s’avère pas plus passionnante que cela. Et à raison : elle a été pensée pour être agréable et relaxante. Un lieu où l’on peut lever le pied après avoir fait la queue sur des centaines de mètres. Comment diable cette attraction a-t-elle pu accoucher d’un film d’action ?
En volant des idées ça et là.
Et voilà les conquistadors-zombies. Des soldats de 400 ans rongés par la malédiction de la jungle. Toutes sortes de serpents, de vers et d’autres bestioles se baladent depuis lors à travers la peau et les os. Terrifiant. Idée malheureusement déjà vue dans « Pirates des Caraïbes ». Quelqu'un chez Disney a dû dire : « Des zombies effrayants ! Les gens adorent ça. »
Ou « La Momie » de 1999 réalisé Stephen Sommer. Les points communs entre les deux films sont criants. Les deux films reposent sur un trio : la femme dont tout le monde se moque, mais qui sait ce qu'elle veut ; le frère un peu niais qui n’a rien à faire dans l’aventure, mais s’y retrouve quand même pour diverses raisons ; et puis il y a le héros fourbe auquel il vaut mieux ne pas faire confiance, mais qui connaît le chemin. J’ai compris ton petit jeu, Disney.
Un autre exemple ? « Indiana Jones ». D'où vient donc l’idée du prince maléfique allemand qui cherche un MacGuffin (NDT : un prétexte au développement d’un scénario) légendaire et magique pour gagner la guerre mondiale et ainsi s’assurer au passage la domination mondiale ? Cela n’apporte strictement rien au récit. Mais on l’inclut quand même dans le film. Encore un autre élément scénaristique qui semble fonctionner à merveille dans les films d'aventure.
On oscille entre le vol et la copie d’idées. Terrible. Que peut-on donc y trouver de bon ? Et puis il y a encore et toujours Disney. L’antre de la souris. La personnification même de la cupidité et du capitalisme. Une telle chose devrait tout simplement être boycottée.
Sauf que « Jungle Cruise » est en fait sacrément divertissant.
Les bons vieux films d’aventure
Même si j'aimerais être indigné par la culture du vol éhonté de « Jungle Cruise », je ne peux pas dire que le film soit ennuyant. Bien au contraire.
L'alchimie entre Wolff et Houghton, qui se chamaillent constamment, se révèle tout simplement excellente et comique. La réalisation de Jaume Collet-Serra se montre sobre et efficace : durant les scènes d'action, je sais toujours exactement quel personnage se bat où et contre qui. La musique entraînante du maestro James Newton Howard, inspirée par « Indiana Jones » de John Williams, ne manque pas d’éveiller en nous une douce nostalgie à la limite de la ringardise.
En fait, « Jungle Cruise » ne se prend jamais pour ce qu’il n’est pas. Un bon vieux film d’aventure du samedi après-midi. Il y a quelque chose de désarmant et d'honnête là-dedans, au milieu de toutes ces idées volées. Ou plutôt au milieu de tous ces hommages ?
Hommages. Ou plutôt : révérences. Des révérences respectueuses pour ce qui a été, mais qui n’est peut-être plus. Parfois, « Jungle Cruise » donne l'impression qu'il aurait dû sortir dans les années 90. Il a hiberné dix ou vingt années de trop avant sa sortie. Il arrive en 2021.
Cette sortie déclenche chez moi un élan de nostalgie.
Voilà : le film m'a pris par les sentiments. Je ne peux en sortir. Impossible. Wolff parcourt l’Amazone dans son vieillissant Tucker (NDT : bateau à vapeur), qui a déjà failli à plusieurs reprises tomber en panne. Ce bateau est très joliment reproduit à l’écran, sens du détail esthétique que l’on retrouve d’ailleurs dans les décors tout au long du film. En effet, ce long-métrage s’avère magnifique, que ce soit au niveau des paysages du port pittoresque, de la jungle, des murs des temples anciens et longtemps enfouis ou encore des costumes.
À aucun moment du film, il ne m'est difficile de plonger dans « Jungle Cruise" » et de me laisser emporter par les dangereux courants de l’Amazone. Oui, ça me parle. Oui, rien de tout cela n'est nouveau ou ne réinvente le film d’aventure. Mais vous savez quoi ? Je m'en fiche. C’est exactement ce que j’attends de ce type de film. Ce sentiment de « retour aux sources. »
Conclusion : examen de passage réussi
« Jungle Cruise » s’essaie à tout, mais ne réinvente rien. Pas vraiment un problème. Ce film est porté par l’amour nostalgique du spectateur pour l’aventure et le charisme irrésistible de ses deux vedettes : Dwayne Johnson, toujours des plus sympathiques, et Emily Blunt, stoïque, en pantalon et cette fois, attention au scoop, sans diplôme de doctoresse.
En fait, « Jungle Cruise » parvient même parfois à surprendre. Le réalisateur Jaume Collet-Serra parvient à aborder des thèmes tels que les discriminations fondées sur le sexe, l'ethnie et la classe sociale sans que cela ne paresse forcé ou moralisateur. Ou encore quand... non, pardon. Je ne vais rien divulgâcher.
Ce film reste très divertissant et n’a rien à envier à « Pirates des Caraïbes » ou « La Momie » au niveau du contenu, de l’action et de l’humour, même s’il ne marquera probablement pas autant les esprits sur le long terme.
« Jungle Cruise » est en salle depuis le 28 mai et disponible sur Disney+ depuis le 30 mai via l'accès VIP payant (29 CHF). À partir du 12 octobre, « Jungle Cruise » sera disponible pour tous les comptes Disney+, même sans accès VIP.
Vivre des aventures et faire du sport dans la nature et me pousser jusqu’à ce que les battements du cœur deviennent mon rythme – voilà ma zone de confort. Je profite aussi des moments de calme avec un bon livre sur des intrigues dangereuses et des assassins de roi. Parfois, je m’exalte de musiques de film durant plusieurs minutes. Cela est certainement dû à ma passion pour le cinéma. Ce que j’ai toujours voulu dire: «Je s’appelle Groot.»