En coulisse
Grande tour avec puissance Voodoo : retro gaming PC build
par Martin Jud
Microsoft Windows 98 est né le 25 juin 1998. 25 ans plus tard, j’ai passé une semaine dessus pour écrire cet article, photos à l’appui.
Peut-on encore utiliser Windows 98 de manière productive de nos jours ? J’ai transformé mon PC de jeu rétro en PC de bureau rétro et décidé de m’en servir pour le travail pendant une semaine. Sur ce système d’exploitation Microsoft vieux de 25 ans, j’utilise Office 97 et Adobe Photoshop 7. Je possède le logiciel de traitement d’images, y compris le gros compendium (de Markt+Technik), depuis sa sortie il y a 21 ans.
Surfer sur l’Internet moderne entraîne fatalement de gros problèmes en raison du chiffrement. Après l’échec de mon plan A, je passe au plan B qui me permet enfin de gagner en productivité après un début de semaine compliqué. Et ce, malgré les distractions de Clippy, de quelques moutons et du solitaire.
C’est dans la joie et la bonne humeur que je commence ma semaine sous Windows 98, plus précisément avec la Second Edition (SE) de ce système d’exploitation, qui m’offre une meilleure prise en charge du réseau et de l’USB. Sans SE, il serait difficile de se connecter à Internet ou d’utiliser la vieille webcam Creative que j’ai achetée pour l’occasion. J’appuie sur le bouton d’alimentation de mon PC rétro et, pendant qu’il démarre, je me prépare un cappuccino. Voici mon PC, dont j’ai documenté la construction il y a un peu plus de deux ans.
Depuis, la boîte Voodoo contient un matériel légèrement différent. Je l’ai équipée, entre autres, d’une « nouvelle » carte mère Asus (P5A-B) et d’un AMD K6-2+/570ACZ, un processeur cadencé à 570 MHz au lieu de 233 MHz, ce qui m’a permis de mieux profiter de mes jeux. Pour bien commencer la semaine, je décide de m’offrir une petite partie de solitaire.
Je décide de ne pas assister à la réunion d’équipe virtuelle qui était prévue. Mon PC n’est pas encore prêt pour Internet et la webcam. Mais j’y travaille, après avoir éteint Windows 98 et dévissé mon PC. Je lui installe une carte d’extension (Asus USB MIR Rev. 1.11) afin d’obtenir deux ports USB pour webcam, clés et autres.
15 minutes plus tard, je réussis un essai avec une clé USB d’une capacité de 64 mégaoctets (!). Les deux connecteurs fonctionnent comme prévu. La clé contient encore quelques vieux fichiers MP3 que j’avais téléchargés autrefois avec un modem 128k, ce qui prenait bien 20 minutes par chanson. En revanche, la très ancienne clé USB 1.1 s’avère être une véritable fusée, avec quelques secondes par chanson.
Pour lire la musique, j’utilise le légendaire lecteur multimédia Winamp. Dès que l’ordinateur sera connecté au réseau, je téléchargerai d’autres chansons depuis le NAS. Il faut s’habituer à travailler avec un bruit de fond, car le ventilateur du boîtier et du processeur se fait constamment entendre en arrière-plan. On dirait un robinet qui ne s’arrête jamais de goutter. Ça me dérange plus qu’avant.
Passons à présent à la connexion Internet. En guise de préparation, j’ai posé derrière des plinthes 20 m de câble réseau plat qui va du routeur jusqu’à mon vieux PC. De même, j’ai installé une carte réseau d’Allied Telesyn (AT-2500TX V3 avec RTL8139C) ainsi que ses pilotes. Pour que le PC trouve d’emblée le réseau moderne, j’ai défini l’hôte DNS, la passerelle, l’adresse IP et le masque de sous-réseau dans la configuration de TCP/IP. Cela signifie qu’il me suffit d’éteindre le PC, de brancher le câble Ethernet, puis de le redémarrer.
Une fois le câble réseau branché, la boîte redémarre. Tout se passe bien jusqu’à l’apparition du fond d’écran. Pas de son de démarrage, mais un écran bleu qui s’affiche. L’erreur entraîne un plantage total, qui se répète deux fois quelques minutes plus tard. Lors de ma troisième tentative, j’entends tout de même un son de démarrage saccadé et je vois la barre des tâches apparaître brièvement avant que le plantage ne se reproduise.
Je parviens à régler le problème en utilisant une autre carte réseau qui traînait dans mon armoire. Je débranche à nouveau le câble Ethernet, redémarre le PC pour désinstaller les pilotes, l’éteins et l’ouvre à nouveau. La carte de type Intel PRO/100 S devrait faire l’affaire. Et c’est ce qu’elle fait environ une demi-heure plus tard, après que j’ai installé ses pilotes et configuré ses paramètres. Au premier essai, le PC démarre sans planter et me laisse aussi naviguer sans problème sur Google avec Internet Explorer. Mais c’est uniquement parce que Google fonctionne encore aujourd’hui avec « http » dans son adresse en plus de « https ». C’est pour ainsi dire le seul site Internet auquel je peux accéder.
Vous souvenez-vous de la publicité AOL avec Boris Becker ? C’est si simple... L’Internet, on y est en un clin d’œil.
Aujourd’hui, le matériel rétro ne fonctionne plus aussi simplement qu’à l’époque. Les navigateurs web d’autrefois peuvent certes encore être utilisés aujourd’hui, mais seulement pour une infime partie des sites Internet. Cela est dû au chiffrement. Cela fait de nombreuses années que la plupart des sites Internet exigent le protocole de chiffrement Transport Layer Security (TLS) en version 1.2 pour sécuriser la transmission des données.
C’est là qu’intervient mon plan, qui est malheureusement mal conçu : j’installe KernelEx qui me permet d’utiliser sous Windows 98 des programmes qui ne fonctionnent normalement que sous Windows 2000 ou XP. J’utilise ensuite des navigateurs web modifiés qui ont été mis à jour avec TLS 1.2. Il y a là, à première vue, un grand choix de versions spéciales de Firefox ou d’Opera, du navigateur Phoenix, de K-Meleon et d’autres encore. Mais malheureusement, malgré la prise en charge de Windows 2000 que je viens d’ajouter, la plupart ne sont pas compatibles, car mon processeur ne prend pas en charge les instructions SSE. Cette prise en charge permet des opérations rapides en virgule flottante et est requise par pratiquement tous les navigateurs rétro avec TLS 1.2.
SSE est apparu pour la première fois sur Intel Pentium III. Mon AMD K6-2+ est doté d’une prise en charge des instructions fonctionnant de manière similaire, appelée 3DNow!, qui a reçu moins de soutien que SSE et SSE2 parmi les développeurs de logiciels. Je dois donc miser sur un navigateur web qui fonctionne également sans SSE, ce qui réduit les candidats possibles à moins d’une douzaine.
Je passe deux bonnes heures à tester différentes versions d’Opera, Seamonkey, New Moon et Firefox, jusqu’à ce qu’enfin j’arrive à surfer sans SSE ou SSE2 grâce à une version adaptée de Firefox 31.8 ESR.
Mais tout ne fonctionne pas aussi bien que je l’espérais. Mon navigateur ne démarre pas. Si je surfe sur www.digitec.ch, l’image de la page d’accueil met plusieurs minutes à apparaître, comme si j’utilisais un modem 56k. Les autres sites ne s’en sortent pas mieux.
Ce n’était pas prévu. Un peu perdu, je connecte mon serveur de stockage en réseau à Windows 98, ce qui me permet d’ouvrir mon propre petit cloud directement depuis l’explorateur. Le téléchargement local se fait à 55 mégabits par seconde. C’est plus que suffisant pour un Internet rapide, mais ça ne fonctionne pas. Je ne sais pas si cela est dû aux anciennes commandes MMX, utilisées ici à la place des SSE. Peut-être que les modifications du navigateur ne sont simplement pas assez bien programmées.
Ma première journée de travail rétro se termine dans la déception.
Le deuxième jour, je commence ma journée une heure avant la prochaine réunion virtuelle à laquelle j’ai bien l’intention d’assister. Je mets donc rapidement mon plan B à exécution. Mon idée : utiliser un bureau à distance, c’est-à-dire commander à distance dans Windows 98 un notebook équipé de Windows 11, afin de pouvoir accéder à l’Internet actuel depuis mon vieil écran. Pour y arriver, j’ai fait différents essais en amont de cette semaine et j’ai trouvé un logiciel qui fonctionne : TightVNC.
Je l’ai déjà installé sur mon notebook Windows 11. Le serveur de bureau à distance démarre automatiquement en même temps que le notebook. J’ai fixé la résolution de son écran à 1024×768 pixels, soit la même résolution que celle que j’utilise sur Windows 98 sur mon écran 21 pouces de Fujitsu Siemens. Il me suffit donc d’ouvrir mon notebook pour qu’il démarre. Je veille ainsi à ne travailler vraiment que sur mon ancien PC.
Point positif, une ancienne version de ThightVNC compatible avec Windows 98 fonctionne avec la version plus récente sous Windows 11. Du moins, une fois avoir découvert, après de nombreuses galères, que sous Windows 98, la profondeur de couleur ne doit pas être de 32 bits (True Color). Ce n’est qu’à 16 bits (High Color) ou moins que je peux recevoir une image du PC moderne.
Le logiciel étant de petite taille, j’ai pu le copier au préalable sur une disquette de 3,5 pouces que je glisse dans ma boîte rétro afin d’installer ThightVNC. Ensuite, je saisis l’adresse IP de l’ordinateur portable au démarrage du bureau à distance et je souris.
Mon plan a fonctionné, le desktop de Windows 11 est facile à utiliser. Je peux désormais effectuer des recherches sur Internet, traiter ma boîte mail et accéder à la réunion sur Teams.
J’avoue que je suis un peu triste de ne pas pouvoir utiliser ma webcam rétro et d’apparaître avec netteté via la webcam de l’ordinateur portable. Le transfert de Windows 11 vers Windows 98 rend le flux vidéo tout sauf fluide, mais ça ne me dérange pas. Après tout, l’image s’actualise au moins deux fois par seconde.
Lorsque j’ai commencé ma formation d’employé de commerce il y a 23 ans, c’était sur un ordinateur de 1996 équipé de Windows NT 4.0. Son design et sa prise en main étaient très similaires à Windows 98. La grosse différence par rapport à l’époque, c’est que je dois aujourd’hui faire au moins trois fois plus de choses avec mon PC. Certes, mon entreprise formatrice m’offrait déjà Internet et une boîte mail. Mais comme la plupart de la correspondance se faisait encore par courrier, le travail était bien moins stressant.
La poste mettait entre un et trois jours pour distribuer les lettres et il fallait bien attendre une semaine avant d’avoir une réponse. Nous avions suffisamment de temps pour de longues parties quotidiennes de Crazy Chicken ou pour faire une pause après la pause. Plutôt qu’un burn-out, je devais me méfier du bore-out.
Aujourd’hui, on ne joue presque plus au travail car on n’a plus le temps : je dois à la fois rédiger trois textes, en relire deux, répondre à 15 e-mails et au téléphone, et décider des produits que nous allons bientôt tester. Une fois la connexion au bureau à distance établie, Windows 98 ne m’empêche guère d’accomplir toutes ces tâches. À partir du deuxième jour, c’est comme si j’utilisais un PC moderne : mon article est terminé et je suis à nouveau pleinement intégré dans le système de travail. Et l’assistant trombone Clippy de mon Office 97 est là pour me remonter le moral lorsque je tape ces lignes dans Word.
Une fois mon texte rédigé, j’envoie le document Word sur mon NAS et je passe au bureau à distance pour publier l’article sur Internet dans la fenêtre de Windows 11. Je traite à nouveau les images localement dans Adobe Photoshop 7. Ce faisant, je dois penser à rétablir le profil de couleurs en 32 bits. Pour faire passer mes images de l’appareil photo à l’ordinateur, je connecte la carte SD à mon réseau de stockage via un lecteur de carte USB. J’ouvre ensuite l’explorateur Windows 98 et je charge les fichiers JPG directement à partir du dossier réseau intégré. Je ne peux malheureusement pas utiliser les photos en format RAW, car ma vieille version de Photoshop ne peut pas les ouvrir.
Le traitement des images se déroule sans problèmes et plus rapidement que prévu. Je corrige les tons, j’augmente le contraste et je diminue la saturation des couleurs pour que l’image retrouve son aspect naturel. Le vrai problème, c’est que le moniteur à tube cathodique a une luminosité maximale d’environ 140 cd/m². Ce n’est pas assez. Pour pouvoir travailler dans de bonnes conditions sur un écran actuel, même sans rayonnement du soleil, celui-ci doit être au moins à 300 cd/m². Je suis donc forcé de plonger mon bureau dans la pénombre pour voir si mes images sont bonnes.
Tout compte fait, Windows 98 est aujourd’hui encore un système d’exploitation utilisable pour quiconque maîtrise les astuces nécessaires et est prêt à faire des efforts. Si je l’apprécie autant, c’est parce que j’y ai passé des heures à jouer à Baldur’s Gate, Diablo, Quake et autres à la fin des années 90. De nos jours, mieux vaut éviter d’accéder à Internet avec ce type d’appareil en raison de son absence de correctifs de sécurité. De ce point de vue, c’est peut-être une bonne chose que je ne puisse pas accéder au réseau sans utiliser de bureau à distance.
Comme les principaux programmes dont j’ai besoin pour mon travail de rédacteur tech existaient déjà il y a plus de deux décennies, travailler sur un ancien ordinateur ne fait pas une grande différence. Office 98 ou 365, peu m’importe. Le point négatif, c’est l’image sombre de mon moniteur à tube cathodique qui s’avère gênante pour travailler sur les photos. Ma semaine dans ce monde nostalgique parallèle au monde du travail s’avère malgré tout bien différente : rien que l’animation de démarrage nuageuse de Windows 98 et le son qui retentit au démarrage et à l’arrêt suffisent à me faire sourire. La résolution plus faible, le design des années 90 du système d’exploitation et les démarrages lents des applications constituent eux aussi un véritable shot de nostalgie.
Pour finir, vous pouvez télécharger ici mon programme préféré de l’époque. Il s’agit d’une application 16 bits appelée sheep.exe. Elle fait apparaître comme par magie un mouton virtuel, voire tout un troupeau, sur votre ancien bureau Windows. Les moutons fonctionnent à partir de Windows 3.11 et ils sont un peu plus vivants que Clippy. Des animaux virtuels sympathiques qui se baladent, grignotent des fleurs ou font la sieste sur la barre des tâches ou des fenêtres ouvertes pendant que je travaille. J’aime particulièrement leurs réactions lorsque je les attrape avec ma souris.
Si vous voulez découvrir ces moutons, le Microsoft Store propose une version pour le Windows d’aujourd’hui.
Photo d’en-tête : Martin JudLe baiser quotidien de la muse stimule ma créativité. Si elle m’oublie, j’essaie de retrouver ma créativité en rêvant pour faire en sorte que mes rêves dévorent ma vie afin que la vie ne dévore mes rêves.