Acheter chez Temu ? Attention aux effets secondaires
En coulisse

Acheter chez Temu ? Attention aux effets secondaires

Martin Jungfer
30/12/2024
Traduction: Martin Grande

Oui, c’est très bon marché. Et oui, avec un peu de chance, la qualité est au rendez-vous. Néanmoins, je vous conseille d’y réfléchir à deux fois avant de passer commande auprès de la boutique en ligne Temu. C’est une catastrophe pour l’environnement et cela pourrait nuire à votre santé.

En tant que membre du personnel d’une boutique en ligne basée en Suisse, j’ai quelques mots à dire à Temu, la boutique en ligne originaire de Chine. Je vous l’accorde, il aurait été peu probable qu’un supporter du FC Barcelone écrive un poème sur les meilleures actions du Real Madrid. Par conséquent, je vous pardonne si vous considérez que ma vision du monde est biaisée.

L’intérêt que je porte à ce sujet est notamment dû au fait que Galaxus élargit actuellement son assortiment avec ses propres marques. J’ai déjà publié des articles à ce sujet ici et ici.

La communauté a souvent fait part de réactions comme : les produits ressemblent à ceux de Temu, mais plus chers. Pourquoi Galaxus fait cela alors que Temu existe déjà ? Made in China ? C’est sûrement de la camelote. Et ainsi de suite.

Le fait est que les produits Galaxus proviennent en grande partie de Chine, tout comme les produits de Temu. Permettez-moi toutefois de m’attarder sur plusieurs différences déterminantes.

Pas de contrôle de qualité

Un lot de quatre culottes à 9,64 CHF, une mini-machine à karaoké avec deux haut-parleurs à 12 CHF ou une douzaine de crayons de couleur arc-en-ciel à 3,38 CHF, c’est à peu près le niveau de prix que Temu affiche. Une paire de chaussures pour hommes pour 10 €, une robe en velours pour femmes pour moins de 15 CHF... C’est tellement peu cher que ma collègue experte en mode Stéphanie a voulu tester la qualité des produits.

Pour rester gentil, disons que c’est au petit bonheur la chance. Il est tout à fait possible d’atteindre une qualité suffisante à prix bas. Le hic, c’est que dans de nombreux cas, Temu livre des produits totalement différents de ceux qui apparaissent sur les photos. Au bureau, nous avons aussi testé des écouteurs qui ressemblent étrangement aux AirPods Max d’Apple.

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À la rédaction de Galaxus, nous savons de quoi nous parlons quand nous effectuons des tests de produits, et nous ne sommes pas les seuls à avoir vérifié la qualité des marchandises de Temu. Des experts de l’Association allemande de l’électrotechnique (VDE) ont récemment examiné douze produits commandés pour un documentaire ARD sur Temu (lien en allemand). Leur bilan est accablant. Des multiprises ont fait fondre des câbles, une tronçonneuse électrique ne comportait aucun mécanisme de sécurité, un fer à boucler produisait à peine la moitié de la puissance annoncée. Les spécialistes ont même trouvé une marque de contrôle « VDE » sur la fiche d’un appareil électrique. Le collectif n’avait pourtant jamais vu une fiche comme ça et ne l’avait jamais testée, et encore moins certifiée.

Lors d’un essai réalisé par l’association européenne des industries du jouet d’Europe (TIE), 18 des 19 produits testés achetés ont échoué (lien en allemand). Selon l’organisation, aucun de ces jouets n’est entièrement conforme à la législation européenne, et 18 d’entre eux présentent un risque pour la sécurité des enfants. Elle note les risques de coupure, d’étouffement, de strangulation, de blessure par arme blanche et d’intoxication. Par exemple, les clochettes métalliques d’un hochet pour bébé présentaient des bords tranchants.

Si cet ours en peluche Temu est aimé trop fort, il se désintègre.
Si cet ours en peluche Temu est aimé trop fort, il se désintègre.
Source : Association suisse des jouets

Lorsque Temu est confronté à de tels résultats de tests, l’entreprise réagit presque toujours en retirant le produit en question de la boutique. Jusqu’à présent, l’utilité de ce processus semble limitée. En effet, les commerçants référencent des millions de produits, et des centaines ou des milliers de nouveaux produits arrivent chaque jour sur la plateforme de vente de Temu. Certes, selon Temu, les distributeurs doivent respecter des obligations et garantir la sécurité de leurs produits. La qualité du contrôle interne est-elle vraiment fiable, si presque chaque documentaire télévisé et article de magazine juge des produits peu sûrs, voire nocifs ?

La certification CE vise à documenter les produits sûrs, respectueux de l’environnement et inoffensifs qui peuvent être vendus dans l’UE (lien en français !). Les fabricants peuvent apposer le symbole CE sur leurs produits sans procéder à des essais externes, du moment qu’ils réalisent eux-mêmes les tests nécessaires. Apparemment, les produits Temu appliquent seulement la première partie de cette règle.

Maigre service après-vente

En plus d’une approche laxiste des règles de contrôle et de la sécurité des produits, Temu n’apporte quasiment aucune aide en cas de problème avec un produit. Il est tout à fait normal de se sentir dépassé en lisant un mode d’emploi en chinois. Conformément à la législation européenne, Temu ou le fabricant devrait vous indiquer un interlocuteur au sein de l’UE. Les contrôles aléatoires prouvent que, souvent, cette indication manque ou les données de contact sont erronées.

Contrairement au service clientèle qui semble inexistant, Temu vous prend par la main jusqu’à ce que vous appuyiez sur le bouton « Acheter ». Une garantie de retour de 90 jours, une garantie de prix et une garantie de livraison sont manifestement destinées à rassurer toute personne qui pourrait douter du sérieux de la boutique en ligne. En attendant, les posts de clientes et de clients qui n’ont jamais reçu la marchandise commandée chez Temu se multiplient sur les forums et les plateformes d’évaluation. Le cas échéant, vous pouvez le signaler à Temu pour être remboursé, à condition de réussir à joindre le service clientèle, basé on ne sait pas trop où.

En Suisse, Temu se limite à une adresse de bureau à Bâle. L’Aeschengraben 29 est certes un grand immeuble de bureaux, mais il sera difficile d’y dénicher un membre du personnel Temu. En effet, la société de location propose des bureaux virtuels. Sur son site Internet, on peut lire (en allemand ou anglais) :

Vous ne souhaitez pas mettre en place une infrastructure de bureau coûteuse ? Avec notre offre de bureaux virtuels, nous disposons des conditions optimales pour que votre entreprise soit représentée avec succès en Suisse.

On peut supposer que Temu utilise l’adresse bâloise uniquement comme domiciliation juridique.

Je voulais savoir, à titre de test, si les articles électroniques bénéficiaient d’une garantie de deux ans, comme c’est le cas dans l’UE et en Suisse. Le bot sur le site de Temu n’a pas su me répondre, et aucun lien n’indiquait où je pouvais envoyer ma question, par e-mail par exemple. Il n’y a pas non plus de possibilité d’inviter une personne réelle à participer au chat. La réponse serait la suivante : il n’y en a pas. Les fournisseurs chinois qui vendent des marchandises via Temu et ne donnent aucune garantie quant au bon fonctionnement ou à la durabilité de leurs marchandises.

À vos risques et périls

Temu évite les coûts dans la mesure du possible. En tant qu’intermédiaire entre vous, client en Europe, et le vendeur en Chine, Temu peut ignorer la garantie de deux ans, qui n’est valable que si vous achetez un produit auprès de commerçants dans l’UE ou en Suisse.

Temu n’est pas non plus responsable des produits achetés sur sa plateforme. Par conséquent, si un bloc d’alimentation qui a grillé met le feu à l’appartement, c’est votre problème. Dans l’UE et en Suisse, les fabricants et les commerçants doivent assumer la responsabilité si quelque chose arrive malgré une utilisation correcte. Cela implique des clarifications et des essais coûteux pour les marques et les distributeurs. Temu n’effectue pas de telles dépenses et semble investir cet argent dans le développement de son application mobile à la place.

Manipulation avec préméditation

L’appli de Temu rappelle les casinos. Des roues de la fortune virtuelles et des machines à sous promettent des réductions. L’appli m’incite en permanence à remplir mon panier grâce à des lots de bons d’achat, des lots de bons d’achat en plus, des liasses de bons d’achat, des secrets dans des œufs d’or ou des bons d’achat pour des évaluations de produits.

Des promesses de réductions absurdes sont censées me donner envie d’acheter.
Des promesses de réductions absurdes sont censées me donner envie d’acheter.
Source : Martin Jungfer

Ce n’est pas tout. Dans la boutique, on a l’impression qu’un prix sur deux est barré et remplacé par un prix plus bas. À côté, on peut voir combien de fois un article a été acheté dans la journée, combien sont encore en stock et comment les clients évaluent ce produit. Je vous le donne en mille : la moyenne des évaluations est à au moins 4,8 étoiles.

En raison de son interface truquée, Temu est dans le collimateur des associations de protection des consommateurs et des autorités européennes. Il y a quelques mois, Temu avait promis des améliorations après un procès (lien en allemand).

Malgré cela, l’entreprise continue à utiliser un stratagème qui a fait ses preuves. Tout est si bon marché que les consommateurs que nous sommes éteignons notre cerveau. Ai-je vraiment besoin de ce produit ? Vaut-il vraiment ce prix-là ? Pour Temu, moins vous vous posez de questions, mieux c’est.

Impact écologique du fret aérien

Quand les produits arrivent vraiment, les victimes des astuces de Temu reçoivent la marchandise commandée après quelques jours seulement. Temu promet une livraison dans un délai de six à douze jours ouvrables. Les colis de Temu arrivent en Europe par avion, et ce à grande, très grande échelle.

En collaboration avec le groupe de fast-fashion Shein, Temu submerge le fret aérien, écrit un magazine économique autrichien. Chaque jour, cent avions-cargos (!) décolleraient de Chine rien que pour Temu. Environ 4000 tonnes de marchandises arrivent chaque jour en Europe. Un Boeing 777 version cargo pouvant transporter environ 100 tonnes de marchandises, l’écobilan est catastrophique.

Le transport par avion nécessite 50 fois plus de carburant que par bateau, selon le groupe de recherche sur l’écologie de la ZHAW (lien en allemand). Pour une boîte de conservation commandée par Temu, 77 pour cent des émissions totales de CO₂ sont causées par le transport en avion. Si la lunchbox provenait d’un distributeur classique par bateau depuis la Chine, la part des émissions de CO₂ ne serait que de 12 pour cent. Comme Temu met les colis dans des avions, l’entreprise contribue beaucoup plus au réchauffement climatique que les entreprises qui misent sur le transport par bateau.

Plutôt que de remettre en question sa propre logistique et la logique des produits jetables, Temu préfère planter des arbres. Le groupe s’est associé à l’organisation Trees for the Future (lien en anglais). Selon les données du site Internet de Temu, près de 17 millions d’arbres ont déjà été plantés depuis le début du partenariat, financés par les acheteurs de Temu qui ont payé 32 centimes pour planter un arbre lors de leur passage en caisse. Du coup, le bilan écologique est bon, non ?

Non, justement. Concernant la plantation d’arbres, les experts estiment que le risque de greenwashing est considérable. Le nombre d’arbres plantés, impressionnant à première vue, est souvent contrebalancé par une faible utilité. Ils seraient plantés sans but précis, ils meurent souvent à l’état de jeunes pousses ou sont victimes d’incendies de forêt. Leur contribution réelle à la réduction des émissions de CO₂ est limitée. En clair, les émissions de CO₂ devraient être évitées plutôt que compensées.

Des fabricants sans scrupules

Temu fait également l’objet de critiques parce qu’elle évite les impôts et les taxes, et utilise des astuces pour éviter les droits de douane ciblés. En Suisse, par exemple, la limite d’exonération est de 62 francs suisses. Les marchandises d’une valeur inférieure ne sont pas taxées et sont donc exemptes de droits de douane et de taxes. Si vous commandez des produits d’une valeur totale supérieure, cela ne signifie pas pour autant que Temu paiera la TVA suisse. Astuce numéro un : Temu déclare simplement une valeur inférieure. La boutique justifie cela par le fait que les prix sont indiqués TVA comprise. Astuce numéro deux : Temu divise les commandes en plusieurs paquets, chacun d’une valeur inférieure à la limite douanière. Ce n’est pas légal, mais c’est quasiment indétectable à l’importation. Des centaines de milliers de livraisons sont effectuées chaque jour. Le flot de colis est tout simplement trop important.

Il manquerait donc à la Suisse des recettes de l’ordre de 24 millions de francs par an, tendance à la hausse. Temu exploite ici une lacune réglementaire en Suisse. En tant que soi-disant fournisseur de plateforme, Temu ne serait pas redevable de la TVA, comme l’écrit Watson (lien en allemand). Toujours est-il que la Suisse a comblé cette lacune au 1er janvier 2025. L’UE a été plus rapide. Temu y est déjà assujettie à la TVA depuis début 2024 et des efforts sont faits pour supprimer la franchise douanière de 150 euros.

Temu devrait être moins affectée par tout cela que les nombreux commerçants qui vendent via la plateforme. En effet, ils ont la responsabilité de s’assurer que l’achat se déroule correctement et qu’ils déclarent leurs marchandises conformément à la loi. En cas de mauvaise pratique, Temu bloque le vendeur. Cela peut coûter la vie à de nombreux petits fournisseurs qui espéraient s’enrichir par ce biais. Pas de problème pour Temu. De nouveaux fournisseurs se précipitent pour combler la brèche. Le pouvoir est clairement du côté de Temu. Le groupe dicte les conditions jusqu’au prix, impose des pénalités en cas de critique (lien en allemand) et se dégage de toute responsabilité en cas de problème.

Le refoulement comme stratégie

Temu est disponible aux États-Unis depuis 2022 et en Europe depuis 2023. Dans son propre récit de création, il est dit que Temu a été fondée en 2022 par d’anciens salariés de la plateforme de shopping chinoise Pinduoduo à Boston, au Massachusetts. Toutefois, l’indépendance vis-à-vis de la Chine n’est pas avérée. Temu est une filiale à cent pour cent de PDD Holding, un groupe notoirement élusif. Bien qu’il soit coté en bourse, peu d’informations sont connues sur son chiffre d’affaires et ses bénéfices. Le Financial Times a tenté d’éclaircir le sujet en mars 2024, sans grand succès.

Il semble que PDD Holdings finance son expansion aux États-Unis et en Europe grâce aux bénéfices qu’elle réalise sur son marché domestique. Les pertes de démarrage sont estimées à plusieurs milliards de dollars, notamment parce que Temu a parfois dépensé plus d’argent en publicité qu’elle n’a réalisé de chiffre d’affaires grâce aux ventes. Temu inonde des portails tels que Pinterest ou Instagram d’annonces et de vidéos d’influenceurs et d’influenceuses qui, contre rémunération de Temu, font l’éloge des produits qui y sont achetés.

Cette influenceuse se réjouit d’un sac plastique plein de nouveaux produits Temu.
Cette influenceuse se réjouit d’un sac plastique plein de nouveaux produits Temu.
Source : Martin Jungfer

La stratégie consiste à rafler les parts de marché des autres boutiques en ligne par une croissance agressive, et à augmenter la consommation en général, car la clientèle n’achèterait pas autant si les prix étaient plus élevés. Les experts du Financial Times estiment que Temu pourrait atteindre le seuil de rentabilité au plus tard en 2026.

Et après ?

L’avenir nous dira si les marchandises de Temu seront toujours aussi peu chères dans quelques années. D’une part, l’UE et les États-Unis s’efforcent actuellement de combler les lacunes que Temu exploite habilement. D’autre part, des réglementations supplémentaires sont en cours d’élaboration, ce qui signifie plus de responsabilités et donc plus de coûts pour Temu.

Le facteur le plus important, c’est nous, la clientèle occidentale. Continuerons-nous notre ruée sur les produits de pacotille ? Réaliserons-nous que la plupart des choses que Temu propose sont inutiles ? Admettrons-nous que nos assouvissons des désirs futiles attisés par des prix alléchants ?

Sans cette aubaine, auriez-vous pensé à vous réchauffer le nez ?
Sans cette aubaine, auriez-vous pensé à vous réchauffer le nez ?
Source : Capture d’écran Temu

Voulez-vous savoir comment de nombreux produits de Temu ont été fabriqués ? Est-ce que nous nous préoccupons de la manière dont ils doivent être jetés après une ou deux utilisations ?

Nous avons trouvé notre réponse, du moins pour Digitec et Galaxus. Nos produits de marque propre sont de grande qualité et ont un prix juste, car nous n’avons pas besoin d’investir de l’argent dans le marketing et nous pouvons profiter des avantages de notre propre logistique. Nous veillons à ce que l’empreinte écologique reste faible et que personne ne soit exploité dans la chaîne de création de valeur.

Que pensez-vous de Temu ? À vos claviers dans les commentaires ! J’ai hâte de vous lire.

En complément des sources indiquées dans le texte ci-dessus, voici des informations de fond sur le sujet. Le magazine en ligne « Republik » a écrit et enquêté sur la façon dont le Conseil fédéral suisse retarde l’adoption de règles plus strictes pour Temu (lien en allemand). Le podcast « Kassenzone » donne un aperçu intéressant de la manière dont Temu organise la logistique afin de réduire les coûts. Un reportage télévisé pour la chaîne ARD révèle « La vérité sur Temu » (sous-titres automatiques disponibles). Une compilation des astuces de vente et méthodes pour s’en protéger (en allemand) a été réalisée par la Centrale suisse des réclamations. Et l’Association suisse des jouets a documenté en détail les défauts des jouets Temu (en allemand).
Photo d’en-tête : Photo Focal / Flickr

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Je suis journaliste depuis 1997. Stationné en Franconie, au bord du lac de Constance, à Obwald, Nidwald et Zurich. Père de famille depuis 2014. Expert en organisation rédactionnelle et motivation. Les thèmes abordés ? La durabilité, les outils de télétravail, les belles choses pour la maison, les jouets créatifs et les articles de sport. 


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