Cinq conseils pour se rapprocher dans le conflit : disputes à la loyale
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Cinq conseils pour se rapprocher dans le conflit : disputes à la loyale

Remarques désagréables ou silence ostentatoire, les disputes sont fréquentes dans la vie de tous les jours, au travail comme dans le couple. Mais il est possible d’apprendre à se disputer de façon juste, même à l’âge adulte !

Les disputes, ça rapproche… Ou pas. Il est souvent difficile de ravaler des paroles cinglantes dans le feu de l’action. Nous sommes souvent blessants, voire injustes lors de disputes. Le passé revient sur le tapis, les reproches fusent et, si l’on a évité le conflit pendant trop longtemps, les émotions réprimées peuvent remonter à la surface de façon explosive. Rester juste en cas de dispute est sans doute le Graal d’une bonne relation, dans un couple comme au travail.

« Une dispute doit nous permettre d’apprendre quelque chose. » C’est ce qu’affirme Irena Zweifel, médiatrice et formatrice en conflit, à l’origine du projet chili de la Croix-Rouge suisse pour la prévention de la violence et la résolution des conflits. Pour elle, « La solution ne devrait pas être au premier plan d’une dispute, mais bien la confrontation avec soi-même et avec l’autre. » L’experte nous explique comment rester juste lors d’une dispute, pourquoi faire une pause est si important et quand est-ce que nous sommes en droit de crier sur quelqu’un.

Équitabilité dans le conflit : faut-il toujours utiliser des affirmations en « je » ?

Lors d’une dispute, on dit souvent des choses que l’on regrette après coup. C’est tout à fait normal : nous sommes des êtres humains complexes et non des robots disposant d’un catalogue d’affirmations commençant par « je » (j’y reviens plus loin). C’est bien là l’intérêt d’une dispute : nous confronter à l’autre et nous positionner fermement en faveur de nos besoins. Les relations solides y survivent très bien.

63 % des couples allemands se disputent au moins une fois par mois et même une fois par semaine pour 14 % d’entre eux, nous indique le sondage représentatif de l’appli de rencontres Parship et de l’institut d’études de marché Innofact (en allemand). Même constat en Suisse où les couples avec enfants se disputent particulièrement souvent, d’après le Rapport sur les familles 2021 de l’Office fédéral de la statistique.

Pas étonnant : plus on partage de domaines de vie, plus les zones de frictions sont nombreuses. Les tâches domestiques, l’éducation des enfants, les investissements en commun : voilà les principaux sujets de discorde au sein des couples suisses, toujours selon l’Office de la statistique.

Venons-en à ces fameuses affirmations en « je ». Le conseil n° 1 en cas de dispute est effectivement de formuler sa contrariété avec une phrase commençant par « je » au lieu de faire des reproches à l’autre avec des phrases commençant par « tu ». L’experte émet toutefois un bémol : « L’affirmation en 'je' est judicieuse pour les sujets très importants concernant mes besoins. Plus le sujet me tient à cœur, plus je dois le préparer, entre autres avec ce genre de déclarations. Mais pour des broutilles de la vie de tous les jours, elles sonnent rapidement rigides, guindées et peu sincères. » Vous pouvez dire les choses comme elles sont lorsque le lave-vaisselle attend pour la énième fois d’être rangé : c’est ulcérant et ça ne fait pas partie de vos besoins, c’est simplement une tâche à se partager équitablement.

Vous avez aussi le droit de vous faire entendre lors d’une dispute

Il y a une autre bonne raison de ne pas employer les affirmations à la première personne à tout va, pas plus que toutes les autres suggestions basées sur la raison ! Rester objectif, ne pas critiquer directement, parler sur un ton doux… Le but est de ne pas heurter l’autre. Mais pour l’experte, un conflit tourne justement autour de l’affrontement.

« Le factuel peut être utile si je veux résoudre un problème, si je veux identifier des éléments et en discuter calmement. Mais pour empêcher qu’une situation ne s’envenime trop, mieux vaut s’exprimer de façon directe et avec force ». Exprimer haut et fort un malaise a un effet puissant : « Cela indique à l’autre qu’il a dépassé vos limites. Le conflit n’est pas résolu, mais cela attire l’attention. »

En outre, il est malsain de réprimer longtemps sa frustration, pour vous comme pour la relation. Une cocotte-minute à couvercle fermé explosera forcément à un moment ou à un autre. Tout comme le couvercle se heurte aux limites de la physique, vous arriverez tôt ou tard aux limites de ce qui est supportable. Une étude de l’université de Francfort-sur-le-Main sur des salariés de centres d’appel (en anglais) a montré que la tension artérielle augmentait plus chez ceux qui devaient rester aimables au téléphone que chez ceux qui pouvaient riposter.

Quelques années plus tard, une étude américaine (en anglais) démontrait à son tour que les relations interpersonnelles compliquées accroissaient le risque d’infarctus. Au travail aussi, les émotions réprimées sont néfastes pour la santé. C’est ce qu’a prouvé une étude à long terme de l’université de Stockholm (en anglais) : les salariés qui se sentent injustement traités mais ne peuvent pas exprimer leur contrariété souffrent plus fréquemment de maladies cardiaques.

Même si ça n’en a pas l’air, la chose la plus constructive à faire est parfois de tout balancer et de crier sur l’autre.

Désaccords au travail et avec les enfants : jusqu’à quel point puis-je crier ?

Les situations conflictuelles peuvent émerger dans tous les domaines de votre vie, à table en famille comme au bureau. Hélas, le lieu de travail n’est pas vraiment propice aux éclats de colère et aux cris. « Il faut savoir faire la distinction entre le cadre privé et le cadre professionnel », déclare Irena Zweifel. « Je peux aussi poser mes limites au travail, mais cela doit rester globalement factuel. » Pourquoi ? Parce que les relations professionnelles sont généralement moins solides. « Si une situation de travail dégénère, cela peut causer des dommages irréversibles à la relation professionnelle. Les relations personnelles sont plus à même de gérer un tel cas de figure. »

Amis, conjoints, parents ou frères et sœurs : toutes ces relations supportent les paroles sincères et les conflits activement gérés. Mais quid des disputes avec les enfants ? Comme pour le bureau, il faut là aussi contenir ses émotions et communiquer calmement ses besoins.

Mais pour l’experte, les enfants doivent apprendre à se disputer. C’est pourtant rarement encouragé au sein des familles, car « Nous délestons bien trop vite les enfants de la responsabilité de la dispute et leur donnons directement la solution pour régler le plus rapidement possible le différend ».

Pourtant, les disputes sont bénéfiques pour l’enfant ! Elles renforcent la confiance en soi et la notion d’auto-efficacité, c’est-à-dire la croyance en sa capacité à résoudre un conflit par ses propres moyens. « Personne n’aime entendre les enfants se chamailler. Mais il faut changer notre façon de voir les choses : lorsque les enfants se disputent, ils apprennent une compétence dont ils se serviront toute leur vie. »

Pour un conflit d’égal à égal réussi

Si vous vous demandez à présent comment « bien » se disputer, l’experte Irena Zweifel a encore un conseil : « Un conflit est un processus qui demande du temps. À la fin, soit on a trouvé une solution, soit on a compris pourquoi il n’y a pas de solution. » Une dispute juste n’atteint donc pas toujours son objectif rapidement. Voici cinq astuces pour des disputes équitables et quelques interdits.

1. L’arbitre intérieur

Pour rester juste dans un conflit, il faut s’observer soi-même. C’est ce qu’Irena Zweifel désigne comme l’arbitre intérieur : « Écoutez toujours votre voix intérieure pendant une dispute pour protéger vos limites. » Posez-vous des questions telles que : dois-je battre en retraite ? Ai-je besoin d’une pause ? Ma façon de me disputer est-elle correcte ou suis-je en train de dépasser les limites de mon interlocuteur ? « Pas de dispute juste sans réflexion sur soi », affirme Irena Zweifel. Prendre un peu de recul et réfléchir à son propre comportement dans l’altercation peut aider à atteindre un objectif commun.

2. Le bon environnement

Certes, on ne peut pas toujours prévoir les disputes. La plupart du temps, ça nous tombe dessus d’un coup. Pour une dispute réglo, il est tout de même conseillé de s’y préparer un peu et d’au moins trouver un cadre adéquat. Irena Zweifel conseille de « ne pas se disputer dans un moment de stress. Mieux vaut trouver un créneau commun et attendre un peu. On a ainsi le temps de réfléchir, de décolérer et de se mettre à la place de l’autre. »

Une fois la date trouvée, reste à décider du lieu. Une atmosphère calme sans public est idéale pour se lancer dans une altercation : « Je trouve ça toujours super lorsqu’un couple part se promener en forêt pour discuter de sujets difficiles », note la formatrice en conflit. Pour une dispute juste, il faut que chacun se sente autorisé à tout dire sans se censurer (difficile à faire en public par exemple).

3. Choisir la bonne stratégie

Chacun a sa manière de se disputer… En fonction du sujet de discorde et de votre humeur ce jour-là, vous adopterez sans doute une approche différente. Il est en revanche toujours judicieux d’indiquer avant la conversation houleuse à quel point ce sujet vous tient à cœur et jusqu’où vous pourrez dévier de votre position.

L’experte cite ici les cinq styles de gestion du conflit selon la méthode Thomas-Kilmann. Irena Zweifel a choisi des animaux pour incarner ces approches lors de ses interventions scolaires : « Pendant une dispute, j’ai plusieurs façons de réagir. Idéalement, je choisis une stratégie à laquelle je reviens toujours. »

  • La stratégie du requin (s’imposer) : c’est la stratégie des demandes non négociables, lorsqu’un sujet est si important à vos yeux que n’en démordrez pas. Ici, vous bataillez ferme et défendez votre position : cela demande beaucoup d’énergie.

  • La stratégie du paresseux (céder) : ici, c’est l’inverse. Vous cédez rapidement, vous vous adaptez et faites beaucoup de concessions. C’est la stratégie des causes qui vous tiennent moins à cœur ou l’approche adoptée par défaut lorsque l’énergie vous manque.

  • La stratégie de la tortue (éviter) : vous vous défilez, évitez le conflit ou nécessitez plus de pauses. Nous avons recours à cette stratégie lorsque les émotions nous submergent et que nous préférons éviter certains sujets et certaines situations.

  • La stratégie du renard (négocier) : l’objectif est de trouver un compromis. On négocie et on débat jusqu’à trouver une solution qui convient à tous. C’est la stratégie que l’on choisit lorsque l’on tient à la relation ; elle exige toutefois du temps, de la patience et beaucoup de force.

  • La stratégie du hibou (coopérer) : ici, on va chercher de l’aide et du soutien à l’extérieur.

    1. Temps mort : faire des pauses pour mieux se disputer

Même en matière de dispute, nous vivons dans une société régie par la productivité : les décisions prises à la va-vite, les enchaînements explosifs et la nécessité de trouver rapidement une solution pour classer la dispute sans suite caractérisent la culture du conflit. Hélas, cela ne fonctionne que rarement.

« C’est une grossière erreur que de gérer des conflits à évolution rapide avec une injonction de réussite et de ne pas prendre le temps de se disputer », déclare Irena Zweifel. Faites des pauses plus souvent lorsque vous vous retrouvez dans une situation conflictuelle. Interrompez la dispute au bon moment, réfléchissez, laissez votre colère retomber et revoyez peut-être votre stratégie. « Lorsqu’on est au bout du tunnel, on n’arrive à rien. Une dispute doit faire l’objet de plusieurs discussions. On fait un pas l’un vers l’autre à chaque fois. »

5. Savoir gérer sa propre frustration

Les disputes étant pesantes et frustrantes, il est d’autant plus important d’avoir des stratégies pour gérer sa propre frustration et évacuer les émotions de tension déclenchées par la discussion. Cela nous aide à prendre du recul et à reprendre la dispute de manière plus juste, éventuellement à un autre moment. Notre façon de gérer notre frustration émotionnelle est donc essentielle : qu’est-ce qui vous aide lorsque vous êtes en colère et frustré, que vous ne faites que céder et accumuler les émotions négatives ? « Certains boivent un peu d’eau, d’autres sortent prendre l’air », suggère l’experte en précisant qu’il est capital de détourner son attention des émotions. De toutes petites tâches suffisent parfois. Bref, une bonne gestion de la frustration vous sera bénéfique, pour vous comme pour la relation.

À éviter à tout prix

Tous ces conseils nous aident à revoir notre vision de la dispute et à nous rapprocher en cas de conflit. Il est facile de dépasser les bornes lors d’un différend et de blesser l’autre, mais tout ça est évitable ! Il y a donc quelques interdits :

  • vouloir changer l’autre en profondeur ;
  • ne pas accorder de temps au conflit ;
  • ne pas se laisser la possibilité de changer d’avis.

Et pour les différends au sein du couple, référez-vous à la méthode du couple de psys américains John Gottman et Julie Schwartz Gottman. Leurs études à long terme pour l’université de Washington leur ont permis de définir quatre « cavaliers de l’Apocalypse » pour un conflit de couple :

  • les critiques sur la personne (critiquer la personnalité de sa moitié au lieu d’un incident concret) ;
  • le mépris (remarques cyniques, lever d’yeux au ciel ou piques manquant de respect) ;
    -la contre-attaque (renvoyer les points soulevés à l’autre sans réfléchir) ;
    -l’évitement (retrait du conflit).

Selon les Gottman, si deux personnes se retrouvent dans ce cercle vicieux, il n’existe que très peu de possibilités de revenir l’un vers l’autre. Alors, soyez justes et adoptez les conseils ci-dessus !

Photo d’en-tête : shutterstock

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Olivia Leimpeters-Leth
Autorin von customize mediahouse

J'aime les formulations fleuries et le langage symbolique. Les métaphores bien tournées sont ma kryptonite, même si parfois, il vaut mieux aller droit au but. Tous mes textes sont rédigés par mes chats : ce n'est pas une métaphore, mais je crois à « l'humanisation de l'animal de compagnie ». En dehors du bureau, j'aime faire des randonnées, jouer de la musique autour d'un feu de camp ou faire du sport, voir parfois même aller à une fête. 


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