Dormir seul·e : faire lit à part n’est pas un critère d’amour
En coulisse

Dormir seul·e : faire lit à part n’est pas un critère d’amour

Janina Lebiszczak
15/11/2022
Traduction: Anne Chapuis

Faut-il vraiment dormir dans le même lit pour s’aimer ? Ma réponse à cette question est clairement « non ». Pour moi, faire chambre à part n’est pas une indication sur la qualité d’une relation, mais sur la qualité de mon sommeil.

Le fait que toutes les personnes en couple ne partagent pas toujours un lit commun n’est pas nouveau. Le couple d’intellectuels Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir dormait et vivait déjà séparément pendant la majeure partie de leur liaison passionnée. Même si le milieu petit-bourgeois les regardait avec méfiance, ils sont restés fidèles au pacte qu’ils avaient conclu très jeunes. « Vous êtes la première pensée de mon cœur quand j’ouvre les yeux, la dernière avant que je ne les ferme, vous ne me quittez pas un instant », écrivait de Beauvoir dans l’une de ses fameuses lettres d’amour. Bon, personnellement, je ne suis pas prête à m’engager dans une relation ouverte comme l’a fait le couple français. Mais je suis tout à fait ouverte au « LAT », le modèle de vie « Living apart together ». Et si cela n’est pas possible pour une raison ou une autre, très probablement financière, je préfère personnellement le modèle « SAT », c’est-à-dire « Sleeping apart together », également appelé « Sleep Divorce ».

Faire lit à part n’est pas un synonyme d’amour perdu

« Sleep Divorce » : cette expression illustre parfaitement ce que les lits séparés signifient pour de nombreuses personnes. À savoir que cela n’a rien de bon. Je me suis habituée aux regards que l’on me lance quand je parle de mon choix de vie. Mon point de vue subjectif : on dénie volontiers le droit au grand amour aux personnes qui préfèrent dormir seules. La distance spatiale est assimilée à la distance émotionnelle.

Je n’ai rien contre la posture des cuillères, contre le fait de se faire des câlins et de se tenir la main au lit, je n’ai rien contre les longues soirées ciné à deux, ni contre faire l’amour le soir ou le matin. Mais entre les deux, je veux juste dormir. Je veux un sommeil profond et réparateur. Sans devoir supporter la télé dans le lit, dont certaines personnes ont besoin pour s’endormir. Sans devoir me retenir obligée de retenir une flatulence, sans avoir mauvaise conscience quand je ronfle, sans être agacée si mon partenaire ronfle ou s’il me vole la couverture. Sans avoir du mal à m’endormir, lorsque mon partenaire lit son roman policier à côté de moi jusque tard dans la nuit, sans me faire réveiller lorsque son sommeil est agité, qu’il parle en rêvant, qu’il grince des dents ou se lève beaucoup plus tôt que moi. Pour moi, le lit n’est pas un symbole d’amour ou un critère de qualité de ma vie amoureuse. Ce n’est qu’un lit, dans lequel on dort ; si possible, pendant environ huit heures sans interruption.

Dormir ensemble : les femmes se réveillent plus facilement

Déjà depuis 2007 je sais que mon besoin de sommeil n’a rien à voir avec un quelconque manque d’amour. Une étude réalisée cette année-là par le biologiste du comportement John Dittami de l’université de Vienne affirme que c’est lié à la biologie de l’évolution. L’étude a porté sur les habitudes de sommeil de couples hétérosexuels sans enfants et non mariés, et ce à l’aide d’appareils de mesure et de sondages. Résultat des courses ? Les femmes dorment nettement moins bien en présence d’hommes que l’inverse. L’hypothèse suivante est formulée : les femmes ne dorment pas aussi profondément, car dans le temps, elles devaient être plus vigilantes face aux dangers. La nature veille à ce que les femmes entendent plus rapidement lorsque leur enfant s’agite, par exemple la nuit, grâce à une sensibilité plus élevée aux bruits ambiants.Et aujourd’hui ? Les hommes agités sont aussi responsables de bruits ambiants. De plus, les femmes ont besoin de plus de sommeil que les hommes pour reposer leur esprit : une étude du célèbre Loughborough Sleep Research Centre britannique a démontré que les femmes utilisent leur cerveau de manière plus intensive et ont donc besoin de périodes de repos plus longues.

Les sentiments ne sont pas liés à un lit

En 2007, j’avais 32 ans. J’avais encore à vivre un bref mariage avec un homme qui ronflait énormément. J’étais tout le temps irritable, fatiguée, agitée et faisait mal mon travail. J’ai même provoqué un accident de voiture. C’est pour dire... Aujourd’hui, j’ai 47 ans, un âge où les gens dorment en moyenne moins bien que dans leur jeunesse. Partager durablement le lit d’un homme ne me vient plus à l’esprit ; sauf pendant les vacances ou quand nous sommes invités à dormir chez des amis. J’ai besoin de mon sommeil pour pouvoir profiter de la vie et faire face à ma charge de travail. Je ne veux plus faire d’essai ; je sais ce qui est bon pour moi et aussi pour ma relation. Cet hédonisme ne s’est toutefois pas développé d’un jour à l’autre : au cours de mon divorce, j’ai consulté une thérapeute et je profite encore aujourd’hui de ses sages conseils. Elle m’a dit que tout allait bien chez moi. Les modèles de couple pluralistes mettraient désormais davantage l’accent sur les libertés individuelles. Autrement dit, comme il n’existe plus de système de référence unique et obligatoire pour le grand bonheur, les gens osent désormais beaucoup plus souvent choisir ce qui convient le mieux à leur bonheur personnel.

Développer ses propres règles du jeu pour le besoin d’intimité

Il s’agit maintenant de voir parmi les nombreuses possibilités ce qui convient le mieux aux deux partenaires. Bien sûr, cela vaut aussi pour le choix du lit et d’où passer la nuit. Les couples qui font lit à part ou qui ne vivent pas dans le même appartement doivent développer leurs propres règles du jeu sur la manière dont ils veulent vivre leurs besoins d’intimité. Et les couples qui aiment partager un lit peuvent aussi être heureux.

Alors, étais-je simplement trop impatient avec mes partenaires ? Peu importe ; je dors bien, mais préfère dormir seule. Ce qui me semble primordial pour chacun d’entre nous est de pouvoir choisir. Sans mauvaise conscience, mais avec un effet de détente d’autant plus important. Avant de vous dire bonne nuit, j’aimerais bien savoir comment vous préférez dormir : seul·e ou ensemble ?

Photo d’en-tête : unsplash.com/andisheha

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Janina Lebiszczak
Autorin von customize mediahouse

Vivre hors des sentiers battus : qu'il s'agisse de santé, de sexualité, de sport ou de développement durable, chaque sujet demande à être découvert sans aprioris, mais toujours avec une bonne dose d'attention,d'autodérision et d'humour.


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