Critique de film : Encanto enchante par ses chants
Une musique magnifique, des animations superbes et une histoire qui ne pourrait pas être plus bienfaisante : « Encanto » répond à toutes mes attentes. Et bien plus encore.
Avant toute chose : cette critique de film ne contient aucun spoiler. Vous ne lisez que les informations connues grâce aux bandes-annonces déjà diffusées.
Des « Colombia ! » et de la musique résonnent en fond des bandes-annonces. Ce ne sont pas ces dernières qui ont fait monter mes attentes en flèche pour le dernier film d’animation de Disney. C’est un nom :
Lin-Manuel Miranda.
Il n’est ni le réalisateur ni un doubleur, mais la personne qui a écrit les chansons du film. Et quelles chansons ! Je me suis moi-même retrouvé à chantonner les mélodies et à tapoter en rythme sur le clavier. Dans ma tête résonne « We don’t talk about Bruno-no-no-no-no » en écrivant ces lignes.
Le film m’a attiré dans son sillage, en grande partie grâce à sa musique.
De quoi ça parle ?
La famille Madrigal est loin d’être banale. Leur maison, située en plein milieu de la jungle colombienne, entourée de collines et de montagnes, très loin de la civilisation, ne l’est pas non plus. Seul un petit village pittoresque avec ses étranges et sympathiques habitants et habitantes se trouve aux frontières de la maison magique.
Je ne vous divulguerai pas la raison, sous peine de spoil. Juste une petite remarque pour la route : un encanto (un enchantement) pèse sur la maison et la famille Madrigal. La casa est elle-même vivante et tous les rejetons de la famille Madrigal possèdent un don magique : force surhumaine, superouïe, vision de l’avenir, pouvoir de guérison. Tous, sauf Mirabel (Stephanie Beatriz).
Personne n’en connaît vraiment la raison. Elle essaie néanmoins d’apporter son aide quand elle le peut, mais empire souvent la situation plutôt que de l’améliorer. La famille Madrigal s’est donné pour mission de mettre ses dons au service du village. Un choix des plus louables. Cependant, l’encanto commence peu à peu à se dissiper. Pendant que la famille sombre dans le désespoir, seule Mirabel semble avoir encore l’esprit assez clair pour essayer de comprendre les raisons des facultés magiques vacillantes.
Sa chance de devenir un membre honorable de la famille Madrigal arrive enfin.
Une musique tout simplement magique
Revenons à la musique et à Lin-Manuel Miranda. Il mériterait une distinction pour ses chansons dans le film, même s’il n’est plus un petit nouveau dans le milieu. Sur la scène musicale, l’homme d’origine portoricaine est déjà considéré depuis longtemps comme un génie, en grande partie à cause de ses multiples talents : non content d’être auteur-compositeur, Lin-Manuel Miranda excelle aussi comme rappeur et acteur. Il se fait maintenant aussi un nom à Hollywood.
Vous connaissez probablement déjà quelques-unes de ses œuvres. Sa comédie musicale Hamilton a remporté en 2015 le prix Pulitzer ainsi que plusieurs Tony et Grammy Awards. Il s’est déjà fait connaître en 2008 avec In the Heights, également récompensé de plusieurs Tony et Grammy Awards. Dans les deux comédies musicales, il ne se contente pas d’écrire la musique, mais tient également le rôle principal.
In the Heights vient d’ailleurs d’être adapté au cinéma. Un festival pour les yeux et les oreilles.
Revenons-en à Encanto. C’est la première collaboration entre Disney et Lin-Manuel Miranda. Pour Vaiana : La Légende du bout du monde, il avait aidé Mark Mancina et Opetaia Foa’i à écrire les chansons. Le titre principal, How Far I’ll Go, a même été nominé pour un Oscar en 2016. Encanto est toutefois le premier film pour lequel Lin-Manuel Miranda a écrit les chansons tout seul. Le résultat est bluffant.
Juste bluffant.
D'autant plus que Lin-Manuel Miranda fait appel à ses recettes qui fonctionnent. Presque personne d’autre que lui ne maîtrise si bien le mélange entre des rythmes traditionnels d’Amérique latine et des styles comme le hip-hop, la pop ou le rap. C'est ce qui fait la particularité de In the Heights et Lin-Manuel Miranda a refait le coup dans Hamilton. Dans Encanto, il illumine le film de son talent de musicien. Vous pouvez parfois découvrir du « rock espagnol des années 90 », saupoudré d’un peu de vallenato colombien traditionnel, puis de la pop, avant que du rap ne fasse irruption. Et ça repart avec de la cumbia, avec beaucoup de salsa et de rythme. Derrière chaque chanson se cache une petite histoire, un petit univers.
Cela continue tout au long du film. Ce mélange sauvage ne donne jamais l’impression de manquer de cohérence.
J’aime les chansons d’Encanto, je pourrais les écouter en boucle toute la journée. Et elles se gravent vraiment dans les esprits au plus tard après avoir vu les images qui vont avec : ces dernières débordent d’énergie et de fantaisie. Imaginez-vous le Génie de Friend Like Me d’Aladdin. C'est à peu près comme ça que se présente visuellement chaque chanson. De la pure folie.
Ça m'amène au point suivant.
Quand l’état rencontre l’art : des animations somptueuses
D’accord, ça peut paraître redondant, parce que je le répète à chaque nouvelle de sortie de film d’animation Disney, mais : quand les films animations arrêteront-ils de s’embellir ?
Disney a certes des ressources considérables à disposition, mais c’est également le cas de Pixar, autre studio d’animations de la même maison. Il ne suffit pas d’avoir de l’argent pour tourner des œuvres de qualité : l’animation est un art qui nécessite beaucoup de talent. Celui de centaines de personnes qui travaillent d’arrache-pied et accordent un amour immense à peaufiner le moindre détail durant des mois. Évidemment, c'est aussi un peu une question d’argent. Réduire l’art à des questions pécuniaire serait néanmoins injuste envers les nombreuses personnes qui ne font pas partie des hautes sphères managériales de Disney et ne touchent pas des mille et des cents. Mais c’est un autre sujet.
Si cela vous intéresse, je vous invite à regarder absolument la surprenante série documentaire critique Into the Unknown : Makin Frozen 2 sur Disney+. Vous y verrez tout ce qui se cache véritablement derrière la sortie d’un film d’animation : de la sueur, des larmes, de la colère, de la tristesse et beaucoup de joie. Ce documentaire m’a ouvert les yeux :
Dans Encanto, la passion des artistes se ressent chaque seconde. Aucun plan n’est ennuyeux. Chaque image déborde de couleur. Il y a une si grande profondeur et tant d’idées créatives. Par exemple, le regard lancé par la grand-mère au début du film, ou le fait que presque chaque chambre de la maison enchantée mène à un propre minimonde : dans une jungle, dans une gigantesque caverne avec des escaliers en pierre qui semblent sans fin, ou encore dans une chambre composée uniquement de fleurs aux couleurs vives.
Le fait que l’intégralité du film se déroule dans cette maison ne joue vraiment aucun rôle. Le changement est extrêmement important et créatif, pour le plus grand plaisir des yeux. Si le long métrage n’est pas au moins récompensé par une nomination aux Oscar, je n’y comprends plus rien.
L’histoire la plus importante de Disney depuis longtemps
À côté de toute cette somptueuse opulence audiovisuelle, l’histoire pourrait presque tomber dans l’oubli. Elle ne mérite pas ce sort. Non pas qu’elle soit particulièrement complexe. Une histoire à la David Lynch ne s’adresserait pas au bon public cible :Encanto est et reste un film familial avec des valeurs simples, mais importantes.
Mais le long métrage repose sur deux piliers. D’un côté, Mirabel est une héroïne avec des lunettes qui, malgré ses doutes, ne se laisse pas abattre. Peut-être même la première héroïne à lunettes de Disney ? Étant donné que j'en porte aussi, je trouve ça super. Un bon point pour cette décision. De l’autre, et plus important encore, Mirabel n’a ni don ni superpouvoirs. Alors que les adaptations de comics dominent les salles de cinéma et les divertissements familiaux depuis plus d'une décennie, et dieu sait si j’aime ces adaptations, je trouve ce changement bienvenu.
Les enfants grandissent aujourd’hui dans un monde où les protagonistes se distinguent des autres grâce à leurs superpouvoirs ou à leur fortune. Le fait de montrer des héroïnes et héros sans superpouvoirs constitue un message important. C’est une autre perspective, surtout quand tout le monde autour d’eux en possède.
Le village célèbre tous les membres de la famille Madrigal comme des célébrités, sauf Mirabel, et cette dernière en souffre. Elle ne ressent néanmoins pas de jalousie : Mirabel aime ses frères et sœurs, ses parents, ses tantes, ses oncles et ses cousins. Elle se réjouit de leurs dons. C’est aussi important pour les enfants de le voir. Mirabel tient son côté adorable de cela. Ce qui la caractérise, c’est tout simplement un désir désespéré d’appartenir à ce monde, de ne pas être écartée.
Ne pas être oubliée.
Un sentiment avec lequel je peux m’identifier, comme probablement de nombreux enfants et adultes. Pour nous, spectateurs, il est facile d’être ensorcelés par le charme de Mirabel. C'est pourquoi un film comme Encanto est d'autant plus bienfaisant. Sans divulgâcher, la fin ne déroge pas aux habitudes du studio d'animation Disney ou Pixar : elle met la larme à l’œil. Toujours. Sérieusement, pourquoi, Disney ?
Le choix de la Colombie comme lieu ne joue qu’un rôle secondaire dans tout cela : l’histoire aurait très bien pu se dérouler ailleurs. Encanto ne tombe pas dans le piège des clichés grossiers sur l’Amérique latine. Pour autant que je puisse en juger en tant qu'Européen blanc, le film témoigne à la culture colombienne tout le respect qu’elle mérite.
Après tout, le film est réalisé par Jared Bush et Byron Howard, deux réalisateurs qui ont déjà abordé le thème du racisme avec une sensibilité étonnante dans Zootopie. Encanto traite par contre de tout autre chose, à savoir de notre valeur en tant qu’individus, en tant qu’humains.
Un beau message universel, que je ne veux pas divulgâcher ici.
Bilan : un superbe film avec une musique envoûtante
À la fin du long métrage, je continue de chantonner les chansons de Lin-Manuel Mirandas en me balançant sur ma chaise, tout en me remémorant le film. Sans surprise, ses chansons sont un fabuleux hommage à la culture colombienne, combinées à une bonne dose de musique moderne – la marque de fabrique du compositeur.
Pour ce faire, il aura fallu le talent des artistes des Disney Animation Studios, qui livrent ici un film visuellement bluffant : on ne pouvait rêver plus beau. Comme si cela ne suffisait pas, il y a en plus une protagoniste qui ne se distingue pas des autres par des superpouvoirs ou des dons magiques, mais simplement en étant elle-même.
En conclusion : « Colombia ! »
- « Encanto » est disponible dans les cinémas à partir du 24 novembre. Durée du film : 99 minutes.*
Vivre des aventures et faire du sport dans la nature et me pousser jusqu’à ce que les battements du cœur deviennent mon rythme – voilà ma zone de confort. Je profite aussi des moments de calme avec un bon livre sur des intrigues dangereuses et des assassins de roi. Parfois, je m’exalte de musiques de film durant plusieurs minutes. Cela est certainement dû à ma passion pour le cinéma. Ce que j’ai toujours voulu dire: «Je s’appelle Groot.»