Samuel Buchmann
En coulisse

Impression Fine Art – partie 3 : le papier

Épais ou fin, mat ou brillant, lisse ou texturé… Il y a papier et papier. Facile de se perdre dans cette offre plurielle. J’ai donc testé dix sortes de papiers Fine Art pour vous aider à faire un choix !

Le choix du papier est une décision capitale dans l’impression Fine Art : c’est lui qui va déterminer l’effet, optique autant que tactile, qu’aura votre photo. Vous pourrez montrer une photo imprimée sur papier haut de gamme à vos petits-enfants dans 50 ans, elle n’aura pas bougé d’un iota. Les photos commandées en ligne à bas prix auront elles perdu toute couleur depuis belle lurette.

Qu’est-ce qui caractérise un papier de qualité ? Quelles sont les différentes sortes ? Quel type de papier choisir pour quelle application ? C’est le sujet de la troisième et dernière partie de ma série. Si vous avez raté la première ou deuxième partie, cliquez ici :

  • En coulisse

    Impression Fine Art – Partie 1 : supports et imprimantes

    par Samuel Buchmann

  • En coulisse

    Impression Fine Art — partie 2 : gestion des couleurs et paramètres

    par Samuel Buchmann

Les caractéristiques d’un papier de qualité

Si vous vous penchez tout juste sur le sujet de l’impression Fine Art, vous vous demandez peut-être à quoi bon dépenser 5 francs suisses pour une feuille A3 de Hahnemühle… Quelle arnaque ! Canon vend du papier photo au même format à 50 centimes la feuille !

Le choix de papiers est immense et la qualité a un prix.
Le choix de papiers est immense et la qualité a un prix.
Source : Samuel Buchmann

Le prix dix fois plus élevé s’explique aisément : les papiers photo bon marché sont des produits de consommation de masse. Ils se composent généralement de cellulose contenant de la lignine, d’un film en polyéthylène et d’un revêtement. Des azurants optiques bon marché permettent d’obtenir cette couleur blanc clair. Hélas, la lignine et les azurants tournent vite au jaune sous les rayons UV, causant la dégradation des revêtements au fil du temps. Une photo imprimée sur un papier bon marché sera ainsi toute délavée au bout de quelques années d’exposition à la lumière du jour. Par ailleurs, leurs surfaces ne peuvent restituer qu’un espace colorimétrique restreint.

Les papiers Fine Art sont quant à eux fabriqués en coton ou en alpha-cellulose. Depuis quelques années, on en trouve aussi en bambou, en chanvre, en agave ou en canne à sucre. Toutes ces matières ont un point commun : elles ne contiennent ni lignine, ni acide. À l’état naturel, elles présentent une surface mate et un coloris tirant vers le jaune. Comme cela ne conviendra pas à toutes les photos, il existe aussi des papiers Fine Art blanc clair et brillants. Pour les fabriquer, on ajoute à la couche réceptrice d’encre du sulfate de baryum qui est chimiquement stable et extrêmement résistant à la lumière.

Ces papiers onéreux ne jaunissent pas avec le temps ou alors très lentement. En général, on observe d’abord des décalages de couleur de l’encre. Selon l’institut de recherche Wilhelm Research (en anglais), un tirage sur un papier de qualité mis sous verre conserve des couleurs fidèles pendant au moins 60 ans, et 200 ans s’il est à l’abri de la lumière !

Outre leur longévité, les papiers Fine Art présentent d’autres propriétés :

  • Ils sont capables de restituer un large espace colorimétrique.
  • Ils permettent d’obtenir une densité de couleurs élevée, notamment un bon niveau de noir.
  • Ils peuvent absorber beaucoup d’encre en conservant des contours distincts.
  • L’encre ne transperce pas et n’est pas visible au verso.
  • Ils sont opaques.
  • Leur qualité est homogène.

La fabrication de ce type de papier est laborieuse et complexe. Le leader allemand du marché, Hahnemühle, produit du papier depuis 1584… en Allemagne. Le site de production explique aussi que le prix des papiers soit plus élevé que chez Canon ou Epson. Mais ce surcoût en vaut la peine, comme vous allez le constater.

Aperçu des sortes de papiers

Quatre caractéristiques permettent de distinguer les papiers Fine Art :

  1. Le revêtement : Les revêtements brillants exacerbent les couleurs et les contrastes. Le noir est ainsi vraiment noir. Mais un papier brillant est plus réfléchissant ; en fonction de l’endroit d’exposition, les reflets pourraient être gênants. En plus d’être plus élégant et plus sobre, un papier mat n’aura pas ce problème. En revanche, les couleurs seront moins éclatantes et le noir se rapprochera davantage d’un gris foncé. Les papiers satinés ou semi-glacé représentent donc un bon compromis.
  2. Texture : La plupart des papiers présentent une surface lisse ou presque lisse qui conviendra à la plupart des motifs. Mais il existe aussi des papiers avec des reliefs plus marqués qui conféreront une touche artistique à votre photo. Réfléchissez bien ! Une texture prononcée peut aussi être gênante et sera accentuée par une lumière oblique.
  3. Couleur : Le degré de blanc détermine la couleur des tons gris neutres. Un papier blanc ou blanc clair conviendra à la plupart des applications. Si vous voulez un ton plus chaleureux et authentique, optez pour un blanc naturel. Le charme opérera à coup sûr, pour des photos couleur ou en noir et blanc.
  4. Poids : Un papier d’impression normal pèse 80 g/m². Les papiers Fine Art sont eux nettement plus lourds, entre 150 et 350 g/m². Certaines sortes existent en différents grammages. Les papiers épais sont plus chers et il faut les insérer dans l’imprimante par une alimentation à plat. Ils sont plus massifs à manipuler, un effet appréciable pour un portfolio.
Les sujets avec des éléments réfléchissants ne sont pas vraiment mis en valeur sur un papier mat (à gauche). Un papier brillant (à droite) leur convient mieux et restitue aussi bien le noir.
Les sujets avec des éléments réfléchissants ne sont pas vraiment mis en valeur sur un papier mat (à gauche). Un papier brillant (à droite) leur convient mieux et restitue aussi bien le noir.
Source : Samuel Buchmann

10 papiers à l’essai

Pour ma série, je me suis donc procuré différents papiers auprès des fabricants d’imprimantes Canon et Epson ainsi qu’auprès d’Hahnemühle. Je teste un papier brillant, un mat lisse et un mat texturé pour chacun d’entre eux. Et en bonus, je teste même un papier exotique en bambou ! N’ayant pas mis au point de méthode d’essai scientifique, les impressions qui suivent sont purement subjectives.

Le FineArt Baryta Hahnemühle fait partie de mes préférés. Ce papier blanc clair en alpha-cellulose est brillant, mais pas trop. On aperçoit encore un léger relief sous le couchage en sulfate de baryum. Le rendu des couleurs est exceptionnel sur cette teinte blanc clair, le noir paraît aussi riche. Ce formidable papier polyvalent conviendra à tous les sujets ou presque.

Hahnemühle FineArt Baryta brillant (325 g/m², A3+, 25 x)
Papier photo

Hahnemühle FineArt Baryta brillant

325 g/m², A3+, 25 x

Brillant mais pas ennuyant : j’aime beaucoup le FineArt Baryta de Hahnemühle.
Brillant mais pas ennuyant : j’aime beaucoup le FineArt Baryta de Hahnemühle.
Source : Samuel Buchmann

Le Traditional Photo Paper d’Epson est aussi brillant que le FineArt Baryta, mais plus lisse. Certaines feuilles présentent des motifs en forme de bande, ce qui me dérange un peu. Et bien que le papier soit aussi réfléchissant que celui de Hahnemühle, les contrastes paraissent plus mats. Ce n’est donc pas idéal pour des photos percutantes qui doivent détoner. C’est un papier correct mais qui ne me convainc pas à 100 %. L’avantage, c’est qu’il est moins cher.

Epson Traditionnel (330 g/m², A3+, 25 x)
Papier photo
−18%
EUR109,56 avant EUR133,39

Epson Traditionnel

330 g/m², A3+, 25 x

On distingue des différences de structure en forme de bandes sur le Traditional Photo Paper d’Epson.
On distingue des différences de structure en forme de bandes sur le Traditional Photo Paper d’Epson.
Source : Samuel Buchmann

Le papier photo Pro Platinum de Canon coûte deux fois moins que le FineArt Baryta de Hahnemühle, et ça se voit. La surface n’a aucune structure et brille comme un miroir. Malgré un poids assez élevé de 300 g/m², le papier est trop doux au toucher et se courbe de manière irrégulière. Je n’ai pu trouver aucune indication relative à la composition. Canon évoque simplement une « excellente résistance à la décoloration », quoi que cela veuille dire… Je ne peux donc pas franchement recommander ce papier.

Canon PT-101 Pro Platinum (300 g/m², A3+, 10 x)
Papier photo
−7%
EUR32,75 avant EUR35,10

Canon PT-101 Pro Platinum

300 g/m², A3+, 10 x

Le Pro Platinum de Canon n’a rien d’un papier Fine Art.
Le Pro Platinum de Canon n’a rien d’un papier Fine Art.
Source : Samuel Buchmann

Du côté des papiers mats, le Photo Rag Hahnemühle est un grand classique. Il existe en différents grammages, mais le 308 g/m² représente un bon compromis. Ce papier blanc (et non blanc clair) en coton présente une belle structure au toucher agréable. Comme sur tous les papiers mats, le noir rend moins bien que sur un papier brillant mais, au moins, il n’y a pas de reflets. J’aime beaucoup le Photo Rag ; il ne s’impose pas en tête de liste, mais c’est clairement un bon papier Fine Art.

Le très classique Photo Rag de Hahnemühle possède une texture correcte au toucher naturel.
Le très classique Photo Rag de Hahnemühle possède une texture correcte au toucher naturel.
Source : Samuel Buchmann

Le Velvet Fine Art d’Epson est aussi en coton et affiche un couchage jet d’encre qui permet un bon rendu des couleurs. Plus clair que le Photo Rag de Hahnemühle, il présente en outre une texture plus marquée. Cette surface qui ressemble à de la peau d’orange est trop régulière à mon goût. Et en même temps, la texture n’est pas assez marquée pour paraître vraiment voulue. Assez mitigé sur ce coup, je lui préfère d’autres papiers.

Epson Velvet Fine Art (260 g/m², 20 x, A3+)
Papier
EUR89,88

Epson Velvet Fine Art

260 g/m², 20 x, A3+

Le Velvet Fine Art d’Epson est plus clair que le Photo Rag, sa structure ne me plaît pas des masses.
Le Velvet Fine Art d’Epson est plus clair que le Photo Rag, sa structure ne me plaît pas des masses.
Source : Samuel Buchmann

Chez Canon, je commence par tester le Papier Photo Premium Mat Pro au prix abordable. Il me plaît davantage que la version brillante Platinum. Là encore, la surface est presque totalement lisse, mais je trouve ça moins gênant sur un papier mat. Hélas, le papier est légèrement transparent. Pour une photo encadrée sur un support blanc, ça n’est pas trop grave, mais ça l’est déjà un peu plus dans une boîte portfolio. La teinte est encore plus chaude que celle du Photo Rag. On ne trouve aucune mention quant à la longévité. Le Papier Photo Premium Mat Pro conviendra très bien à des tirages à petit budget qui ne doivent pas durer dans le temps.

Canon Prime PM-101 (210 g/m², A3+, 20 x)
Papier photo
EUR51,47

Canon Prime PM-101

210 g/m², A3+, 20 x

Le Premium Mat Pro de Canon est le papier mat le plus fin de ce test.
Le Premium Mat Pro de Canon est le papier mat le plus fin de ce test.
Source : Samuel Buchmann

Un vent d’exotisme souffle sur ce banc d’essai : le Hahnemühle Bamboo se compose à 90 % de fibres de bambou et à 10 % de coton. Le bambou ne contenant aucun azurant optique, ce papier vieillit extrêmement bien. Sa teinte très chaude ne convient néanmoins pas à toutes les photos et sa texture est assez prononcée. Je préfère personnellement le Photo Rag de Hahnemühle, mais le Bamboo n’a rien à lui envier en matière de qualité.

Hahnemühle Bamboo A 3+ 290 g, 25 feuilles, natural white (290 g/m², A3+, 25 x)
Papier photo
EUR174,–

Hahnemühle Bamboo A 3+ 290 g, 25 feuilles, natural white

290 g/m², A3+, 25 x

Plus écologique que les autres papiers, le Bamboo Hahnemühle affiche une teinte chaleureuse.
Plus écologique que les autres papiers, le Bamboo Hahnemühle affiche une teinte chaleureuse.
Source : Samuel Buchmann

Je passe à la catégorie des papiers très texturés avec le Fine Art Cotton Textured Bright d’Epson. Celui-ci est idéal pour offrir un look artistique à vos tirages. Moi, il ne me plaît pas du tout, comme le Velvet Fine Art. Sa texture est beaucoup trop régulière. Il paraît artistique et il l’est certainement, mais je trouve le prix trop élevé. Et le bon rendu des couleurs sur ce blanc clair n’y change rien.

Epson Fine Art Cotton Textured Bright + 25 feuilles (300 g/m², A3+)
Papier

Epson Fine Art Cotton Textured Bright + 25 feuilles

300 g/m², A3+

Trop ostentatoire, trop régulière : la texture du Fine Art Cotton Textured Bright d’Epson ne me plaît pas.
Trop ostentatoire, trop régulière : la texture du Fine Art Cotton Textured Bright d’Epson ne me plaît pas.
Source : Samuel Buchmann

Le Premium Fine Art Rough de Canon pêche aussi par sa texture trop régulière. Le relief est plus marqué que sur le papier texturé d’Epson et trop aléatoire pour moi. Dommage, car le toucher et le rendu des couleurs sont bons. Je pense que la version lisse de ce papier me plairait davantage, il se compose à 100 % de coton, comme la variante rugueuse.

La structure du Premium Fine Art Rough de Canon paraît elle aussi trop recherchée et artificielle.
La structure du Premium Fine Art Rough de Canon paraît elle aussi trop recherchée et artificielle.
Source : Samuel Buchmann

Une fois de plus, je trouve mon bonheur chez Hahnemühle : le Museum Etching en 350 g/m² a le même toucher qu’un carton fin. Il se compose à 100 % de coton sans azurant optique. La texture est clairement visible, mais elle semble naturelle et pas trop ostentatoire. Le Museum Etching s’apparente à une variante accentuée du Photo Rag. Il ne conviendra pas à tous les sujets, notamment à cause de sa couleur blanc naturel, mais les paysages subtils ou les portraits ressembleront à de vraies peintures.

La texture nette mais authentiquement aléatoire du Museum Etching de Hahnemühle m’a complètement séduit.
La texture nette mais authentiquement aléatoire du Museum Etching de Hahnemühle m’a complètement séduit.
Source : Samuel Buchmann

Verdict : un papier de qualité en vaut le coup

Si vous vous lancez dans l’impression Fine Art, ne lésinez pas sur le papier ! Pris séparément, la plupart des papiers de cet article semblent de très bonne facture. Mais en comparaison directe, le fabricant premium Hahnemühle se démarque nettement. Cette entreprise traditionnelle allemande fait le maximum pour créer des papiers aussi résistants que possible au vieillissement. Contrairement à Canon et Epson, elle joue la carte de la transparence totale et inspire confiance en indiquant systématiquement la composition des supports.

Les papiers Hahnemühle sont plus beaux, purement et simplement. Sensationnels au toucher, ils présentent des textures à l’effet naturel. C’est précisément là que le bât blesse chez Canon et Epson. Du moins dans ce test, la structure des papiers paraît artificielle, soit anormalement lisse, soit ostensiblement marquée et régulière. Chez ces deux fabricants, je vous conseillerais tout au plus les papiers mats simples, tels que le Premium Mat Pro de Canon ou le papier Enhanced Matte d’Epson. Ils ne conviendront pas à l’archivage mais, au moins, ils ne coûtent pas cher. Évidemment, je n’ai pas testé tous les fabricants de papier.

Pour trouver le papier idéal, il faut imprimer quelques photos sur différents supports. Les packs de test proposés par certains fabricants sont parfaits pour cela.
Pour trouver le papier idéal, il faut imprimer quelques photos sur différents supports. Les packs de test proposés par certains fabricants sont parfaits pour cela.
Source : Samuel Buchmann

Le choix d’un papier est une question de goût. Si vous voulez des photos percutantes, optez pour un support brillant. Les papiers mats restituent moins bien les contrastes, mais beaucoup de personnes les trouvent plus raffinés. Si les modèles texturés conviendront à certains sujets, leur aspect sortant de l’ordinaire peut aussi s’avérer perturbant. Ce genre de pack vous permet de tester différentes structures sans vous ruiner.

Nous voilà arrivés à la fin de cette série ! J’avais pour objectif de vous donner un petit aperçu du bel univers, complexe et coûteux, de l’impression Fine Art. Mes articles n’ont fait qu’effleurer la surface mais, si le sujet vous intéresse, je vous conseille le magazine « Fine Art Printer »… dans sa version papier, bien entendu !

Photo d’en-tête : Samuel Buchmann

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