Keycap Kevin : un gadget superflu, même pour moi
J’ai acheté un appareil pour roder les switches ou break-in machine. Son rôle : actionner mécaniquement les interrupteurs des claviers mécaniques. Après quelques centaines de milliers de frappes, ces derniers devraient ainsi être plus agréables au toucher et au son.
Deux pièces d’entraînement sont fixées à un moteur et actionnent deux bras imprimés en 3D sur lesquels sont fixés les switches. J’ai acheté cet appareil sur DingKey Designs. Voilà ce qu’elle donne en action.
Les switches doivent être rodés, au même titre que le moteur d’une voiture. Si vous ne savez pas comment les switches sont fabriqués, je vous recommande l’article suivant. Il est en effet indispensable de connaître le fonctionnement des switches et leurs différents composants pour comprendre la suite de cet article.
Mais pourquoi ?
La machine fait un boucan d’enfer et peut actionner 36 interrupteurs jusqu’à 1500 fois par heure. À quoi bon ? Après avoir été actionnés plusieurs milliers de fois, les interrupteurs sont censés être plus souples et sonner moins éraillé que des nouveaux interrupteurs. Comme lorsque l’on ponce du bois, la friction du mouvement vertical de la tige dans le boîtier retire un peu de matière tant sur la tige que sur le boîtier, les deux surfaces sont ainsi lissées et glissent mieux. Pour obtenir un résultat similaire, on peut également lubrifier les switches ce qui rendra la frappe plus souple et adoucira le son. Cette méthode demande cependant plus de temps et d’efforts à l’utilisateur·rice.
Premier essai
J’installe 36 interrupteurs Hippo tout neufs dans la machine et je la laisse fonctionner pendant 12 heures, ce qui lui permet d’actionner les switches linéaires 222 000 fois. Voici la différence entre un nouveau switch et un switch rodé :
Je suis déçu. Le nerd du clavier que je suis en attendait bien plus. Et « plus » est généreux ici, car je n’entends ni ne sens absolument aucune différence. Cela peut s’expliquer par le fait que la tige du switch Hippo switch est en partie composée d’UHMWPE (ultra high molecular weight polyethylene). Le polyéthylène de masse molaire très élevée se caractérise par un excellent coefficient de frottement. Les tiges fabriquées dans ce matériau glissent naturellement mieux dans le boîtier que les tiges du fabricant Cherry, par exemple.
Deuxième essai
Je décide ensuite d’essayer de roder des switches Cherry. Le fabricant ne précise pas le matériau exact dans lequel sont fabriqués ses switches et indique simplement « plastic polymer » pour ses composants en plastique. Je suppose que le matériau utilisé à un coefficient de frottement plus élevé et donc moins bon que les tiges en UHMWPE des interrupteurs Hippo. J’ai encore des Cherry MX Silent Blacks qui traînent et décide de les utiliser. Ce sont des switches linéaires.
Cette fois-ci, je laisse la machine tourner pendant 36 heures, ce qui lui permet d’actionner les switches plus de 600 000 fois. Voici une nouvelle vidéo de comparaison :
Cette fois, je remarque une différence. On la sent plus qu’on ne l’entend, mais ça, je ne peux pas vous le montrer. De manière générale, le switch rodé donne une sensation et un son moins éraillés. Le résultat n’est cependant toujours pas à la hauteur de ce qu’on obtient avec des interrupteurs lubrifiés.
Mais un autre point me dérange bien plus : les deux interrupteurs font un bruit de ping, bruit émis par le ressort lorsqu’il revient dans sa position initiale. C’est agaçant et me donne envie de lubrifier ou de remplacer le ressort. Mais pour cela, il faudrait que j’ouvre tous les interrupteurs... Tant qu’à faire, autant en profiter pour lubrifier aussi les tiges dans un gobelet en plastique. Dans ce cas, la machine ne fait pas le travail à ma place et ne me fait pas gagner de temps.
Troisième essai
Pour ma troisième tentative, j’utilise des switches que j’ai déjà lubrifiés, mais que je n’ai pas encore utilisés. Lorsque j’utilise de nouveaux switches, j’ai toujours l’impression que je dois taper deux ou trois semaines dessus avant d’obtenir la sensation recherchée. Je suppose que c’est parce que la graisse se répartit encore mieux au fur et à mesure que j’actionne les touches. Je me munis donc des switches Penyu de Rebult et les laisse une heure dans la machine. Les interrupteurs linéaires sont ainsi actionnés 188 000 fois.
Je n’entends pas de différence entre les switches rodés et les autres, mais j’en ressens une. Les premiers offrent l’agréable sensation que je recherche. Ils glissent encore un peu plus souplement que ceux qui n’ont pas été actionnés autant de fois.
Verdict : je n’en ai pas vraiment besoin, mais...
Je possède désormais plus de 20 claviers. Ai-je besoin d’un si grand nombre de claviers ? Pas vraiment. Il en va de même pour la break-in machine... Sur mes trois essais, une seule application semble m’apporter quelque chose : actionner quelques milliers de fois des switches déjà lubrifiés pour bénéficier d’une frappe souple dès le début. J’obtiendrais certes le même résultat sans machine en utilisant le clavier tous les jours pendant deux ou trois semaines.
Mais comme j’aime changer de clavier tous les deux ou trois jours, la machine me permettrait de ne pas avoir à utiliser un seul et même clavier plusieurs semaines d’affilée. C’est un gros point fort à mes yeux et je continuerai donc à utiliser la machine pour roder mes switches.
La technologie et la société me fascinent. Combiner les deux et les regarder sous différents angles est ma passion.