La fermeture éclair, un éclair de génie des plus frustrants
Une fermeture éclair mangeuse de tissu me conduit chez YKK. Si je n'ai pas trouvé de solution miracle à mon problème chez le leader du marché des pièces soi-disant universelles, j'ai pu y découvrir les fermetures du futur, mes propres erreurs et un nouveau respect pour ce produit sous-estimé qui a conquis le monde depuis la Suisse.
J'ai déjà fait subir toutes sortes de violences aux fermetures éclair. Fermeture tordue, dents cassées et valises bien trop pleines fermées sans aucun bon sens, mais avec la force du désespoir. J'ai souvent fermé là où je n'aurais pas dû, lavé comme je n'aurais pas dû, tiré comme je n'aurais pas dû. Et pourtant, j'attends de chaque fermeture qu'elle fonctionne toujours parfaitement, même si je les traite de manière brusque. En général, c'est le cas. Je ne sais pas combien de temps de vie cette formidable invention m'a déjà fait gagner, parce que je n'ai pas eu besoin de boutonner ou d'accrocher quoi que ce soit. Probablement plusieurs années. Mais quand ça ne fonctionne pas, ma colère se déverse sur cette petite pièce. Ça m'est arrivé récemment. Ma veste s'est transformée en camisole de force, car la fermeture éclair s'était fermement accrochée au tissu juste sous le menton. La faute, bien sûr, à cette fout*e fermeture éclair.
Je ne peux m'empêcher d'y repenser en passant devant le stand de YKK au salon du sport OutDoor by ISPO, la seule marque du monde de la fermeture éclair qui me dise quelque chose. Je me demande également si le problème ne pourrait pas être évité d'une manière ou d'une autre. Cela ne doit pas être si difficile, même si les fermetures éclair adorent manger le tissu. Je fais donc un arrêt au stand YKK pour leur demander ce que le secteur compte faire pour lutter contre mon problème. Jan Cees me reçoit. Ce Néerlandais aimable et posé m'offre un verre d'eau et prend le temps de répondre à mes questions au milieu de l'agitation du salon.
Bienvenue dans le monde des fermetures éclair
N'étant pas un des acheteurs à la recherche de 300 000 nouvelles fermetures éclair auxquels il a probablement souvent à faire en tant que directeur des ventes, je m'excuse de ne pas connaître grand-chose aux fermetures éclair. « Pas de problème, moi je m'y connais un peu », me répond-il en riant.
Jan Cees fait partie des plus de 44 000 personnes qui parcourent le monde au nom de la fermeture éclair. La Yoshida Kogyo Kabushikikaisha (YKK) produit encore quelques produits et autres techniques d'assemblage, mais c'est en fait un véritable empire qui se cache derrière nos fermetures. Il doit bien y avoir une solution à mon problème. Par exemple, la fermeture éclair anti-snagging (en anglais) dont j'ai découvert l'existence chez YKK. Ici, un revêtement en plastique au-dessus de la glissière est censé empêcher le tissu de se glisser entre les dents. Cela me semble pratique.
C'est une mauvaise approche, selon Jan Cees : « D'après mon expérience, 9 fois sur 10, une meilleure conception permet d'éviter un grand nombre de problèmes », dit-il, en faisant référence à la conception globale de la fermeture à glissière et du produit dans lequel elle est intégrée. « Une couture trop serrée peut par exemple être une des raisons pour lesquelles la fermeture à glissière se coince ». Vient ensuite la question du matériau approprié : « Si vous choisissez une fermeture à glissière trop légère pour des affaires de vélo, elle sera trop faible et provoquera des problèmes. Néanmoins, le plastique reste la meilleure solution, car lorsque les cyclistes transpirent, le sel peut faire s'oxyder les pièces métalliques. »
Tout en acquiesçant, je comprends que mon réflexe de colérique, qui consiste à rejeter la faute sur la fermeture éclair, est trop simpliste. Son univers est complexe, on le constate rien qu'à son histoire, qui est étroitement liée à celle de la Suisse. Martin Othmar Winterhalter (en allemand) est considéré comme l'inventeur de la fermeture à glissière moderne. Il a eu l'idée géniale de produire côtes et rainures de manière industrielle, a fondé RiRi et a vécu comme un roi avant de finir en hôpital psychiatrique. Tous ces succès ne lui ont pas pour autant garanti une vie simple.
Les situations compliquées font manifestement partie de l'ADN du produit. D'une manière ou d'une autre, nous échouons tous un jour ou l'autre à fermer une fermeture éclair. Sachant qu'échouer avec une fermeture éclair signifie le plus souvent échouer avec soi-même et sa propre impatience. Peut-être qu'une entreprise japonaise est devenue le leader mondial du marché parce qu'on y est attentif et qu'on y attache traditionnellement beaucoup d'importance à la cohésion ? Son fondateur, Tadao Yoshida, a fait du « cycle vertueux » une philosophie d'entreprise. L'idée est que personne ne peut réussir sans faire profiter les autres de son succès. En fait, c'est comme rouler sur une autoroute : pour que les choses se passent bien, il faut que tout le monde avance ensemble. C'est vrai. Et il faut avouer que la fermeture éclair a bien évolué, lentement mais sûrement. Je ne l'ai juste pas remarqué.
Les fermetures du futur sont déjà là
Il existe déjà un système Quickburst (en anglais) qui permet d'arracher facilement des vêtements ou des parties de vêtements. Il existe aussi des fermetures éclair résistantes à l'eau et au feu ou des variantes incurvées pour plus de liberté au niveau du menton. Il existe également le système click-TRAK qui évite de s'emmêler les pinceaux lors de la fermeture. Et il existe même des fermetures à glissière TouchLink qui, grâce à des tags NFC, agissent comme « digital ID » pour fournir des informations sur le produit ou comme « LifeKey » pour fournir aux services de secours des informations de santé.
Des dents jusqu'à la glissière, ce produit que je croyais fini est en train d'évoluer. Tout existe presque déjà, sauf une astuce infaillible contre les tissus coincés. Je continue d'espérer secrètement cette révolution, d'attendre que Jan Cees sorte « one more thing » de sa poche, à la Steve Jobs. Mais en vain. « Il y a de nombreuses possibilités d'éviter les problèmes lors de la fabrication », souligne-t-il tel un moulin à prières. « Je pense que c'est mieux qu'une solution de contournement comme la fermeture éclair anti-snagging ». Dommage. Mais je m'y attendais. En effet, même lors de ce test de sac de couchage, cette pièce si prometteuse n'a eu qu'un succès limité et s'est parfois accrochée à du tissu fin.
Je n'ai pas trouvé de solution miracle à mon problème de départ, mais j'ai au moins compris que l'histoire de la fermeture éclair n'était pas terminée. Elle était déjà intelligente avant de pouvoir transmettre des données, mais elle doit également faire face aux défis de son époque.
Fermetures circulaires
Tous les secteurs sont confrontés aux mêmes questions en matière de durabilité. Et il s'agit souvent de trouver des réponses communes. Ce n'est que comme cela que l'on arrivera à concevoir des produits plus respectueux de l'environnement. « Pour certains, la durabilité signifie qu'un produit a une longue durée de vie. D'autres pensent d'abord aux matériaux, qui ne doivent pas être nocifs pour l'environnement. Pour d'autres encore, il s'agit d'un mélange des deux. Et pour certains, il s'agit de créer une circularité, ce qui est plus précis », fait remarquer Jan Cees. « Si nous fabriquons un produit à partir d'un seul matériau, comme le nylon, la circularité est meilleure, car il sera plus facile de le recycler. »
Bien sûr, il existe depuis longtemps des fermetures éclair en plastique marin et des projets écologiques ambitieux. Mais de nombreuses questions relatives aux fermetures à glissière nous concernent également, nous consommateurs, qui tirons dessus tous les jours. Car lorsqu'une fermeture est cassée, son vêtement finit trop souvent à la benne. « L'un des souhaits du secteur est d'améliorer les possibilités de réparation », m'explique-t-on, tandis que je me promets d'accorder à l'avenir plus d'attention à l'entretien des fermetures éclair pour éviter d'en arriver là.
Ce que l'on peut faire pour nos fermetures éclair
Que faire, Grand Maître ? Que dois-je prendre en compte à l'avenir ? « Lavez toujours vos vêtements avec les fermetures éclair fermées et à l'envers », m'explique Jan Cees en souriant. « Cela évite d'endommager la fermeture éclair et les autres tissus ». Pris sur le fait : j'avoue que je ne le fais presque jamais. Moi c'est par paresse, d'autres n'ont juste pas le temps de le faire. « Dans les blanchisseries industrielles, on ne le fait jamais non plus. » Vu la manière dont je traite mes fermetures éclair, je peux difficilement me plaindre si quelque chose se coince. La violence n'est pas une solution. Mieux vaut en prendre soin. De la cire de bougie, un crayon ou un spray silicone peuvent par exemple aider à maintenir la fermeture éclair en bon état.
Au terme de mon voyage dans le monde des fermetures éclair, mon regard sur ce principe fondamentalement génial a changé. Je ne remercierai jamais assez cet éclair de génie. Les huit commandements (en anglais) que je trouve sur le site de YKK se résument tous à une chose : faites attention lorsque vous utilisez une fermeture éclair. Ouvrez-la et fermez-la complètement. Ne faites pas comme moi. Ne vous laissez pas induire en erreur par le mot « éclair ». C'est peut-être là que réside le plus grand défaut de ce produit : il faudrait simplement l'appeler fermeture à glissière.
Scientifique dans le domaine du sport, père haute performance et télétravailleur au service de Sa Majesté la tortue.