Les exercices pour gagner en force et en masse musculaire
En coulisse

Les exercices pour gagner en force et en masse musculaire

Claudio Viecelli
1/11/2023
Traduction: Martin Grande

En musculation, la question se pose souvent de savoir s’il est plus bénéfique de travailler sur une seule articulation ou sur plusieurs en même temps. Je vous donne la réponse ci-dessous.

On parle d’exercices monoarticulaires lorsqu’une seule articulation est sollicitée dans un mouvement. En toute logique, les exercices polyarticulaires impliquent plusieurs articulations. Par exemple, le squat, polyarticulaire, fait surtout travailler les muscles antérieurs de la cuisse et les fessiers. En revanche, l’extension du genou simple fait travailler les muscles de la cuisse, mais seule l’articulation du genou joue le rôle de levier de force, ce qui en fait un exercice monoarticulé. Les deux types de mouvements permettent d’augmenter la force et la masse musculaire. Quels sont les exercices les plus efficaces ?

La science actuelle

L’étude la plus récente vient du Brésil et a examiné l’influence de l’entraînement mono et polyarticulaire sur les fléchisseurs du bras (m. brachialis, m. biceps brachii et m. brachioradialis) [1]. Afin de réduire l’influence de l’âge et du sexe sur l’adaptation, les chercheurs ont recruté 10 hommes non entraînés (âge : 29,2 ± 3,9 ans) et leur ont fait travailler les biceps pendant 8 semaines. Deux fois par semaine, les hommes ont effectué un exercice polyarticulaire de flexion avec un bras et un monoarticulaire avec l’autre bras. L’exercice polyarticulaire consistait à ramer avec un haltère court et une prise en supination (dessus de la main visible, pouce tourné vers l’extérieur), tandis que le curl du biceps a été choisi comme exercice monoarticulaire.

La conception de l’étude ainsi choisie élimine l’influence d’éventuels hauts-répondeurs ou non-répondeurs au sein des groupes, qui aurait pu survenir si ceux-ci étaient comparés entre eux, puisque chaque sujet représente son propre contrôle. Les bras ont été choisis au hasard. Sur une période de 8 semaines au total, les 4 premières ont consisté à effectuer 4 séries de 8 à 12 répétitions. Au cours des semaines 5 à 8, le nombre de sets a été élevé à 6. L’entraînement s’est poursuivi jusqu’à l’échec. Sur le plan nutritionnel, les volontaires ont été invités à suivre un régime riche en protéines et en calories et ont reçu un complément alimentaire composé de 132 g de glucides, 17 g de protéines de lactosérum et 1 g de lipides avant chaque entraînement.

L’épaisseur du muscle fléchisseur du bras a été mesurée par ultrasons à 3 endroits différents (25 %, 50 % et 75 % de la longueur proximale à distale), l’épaisseur représentant la distance perpendiculaire entre le muscle et l’humérus.

Résultat et discussion

Les 8 semaines d’entraînement musculaire ont engendré une augmentation de la force dans les deux bras, mais celle-ci était spécifique à l’exercice testé. L’augmentation de la force est considérable (p < 0,001) si l’on teste le bras entraîné à une articulation avec l’exercice à une articulation (biceps curl) par rapport au test du bras entraîné à une articulation avec l’exercice à plusieurs articulations (rameur avec haltères courts). Et vice-versa.

L’étude a l’avantage d’avoir mesuré l’épaisseur du muscle à plusieurs endroits, alors qu’une étude comparable [2] n’avait pris qu’une mesure à un seul endroit. Cela vaut la peine d’être mentionné, car la croissance musculaire du fléchisseur du bras n’est pas homogène. La musculation induit une croissance qui n’est pas uniforme sur toute la longueur du muscle [3] et il est par conséquent judicieux de mesurer l’épaisseur du muscle à plusieurs endroits. L’étalon-or serait ici la mesure du volume musculaire par imagerie par résonance magnétique, ce qui est toutefois bien plus coûteux qu’une mesure par ultrasons.

Dans une revue de Gentil et al. [4], les auteur·es concluent que les études qui ont examiné la force et la taille des muscles du haut du corps pour des exercices à une ou plusieurs articulations n’ont pas observé de différence significative entre les formes d’entraînement. L’affirmation selon laquelle il n’y a pas de grande différence entre les formes d’entraînement doit toutefois être prise avec précaution. Une revue systématique et une méta-analyse récemment publiées attestent en effet que les exercices à une seule articulation, comme l’étude décrite au début, présentent un léger avantage en termes de croissance musculaire par rapport à un exercice à plusieurs articulations [5].

L’étude a été menée sur des hommes non entraînés. Il ne faut donc pas se contenter ici de tirer les mêmes conclusions pour les hommes entraînés, les femmes, les personnes âgées ou les populations cliniques. Bien que les scientifiques aient tenu à choisir des exercices qui se ressemblent, la biomécanique et la force requise pour le fléchisseur du bras sont différentes. De plus, seul le biceps a été examiné. Nous ne pouvons donc pas émettre de déductions pour d’autres groupes musculaires.

Pour répondre à la question de savoir si les exercices à une ou plusieurs articulations sont plus efficaces, il faut davantage de recherches et, surtout, plus de connaissances mécanistiques. Personnellement, je préfère les formes d’exercice qui me permettent d’entraîner les groupes de muscles correspondants de manière isolée, c’est-à-dire avec une seule articulation, afin de les épuiser complètement. Un autre avantage est que les exercices avec une seule articulation sont moins exigeants en matière de coordination.

Références

  1. Mannarino P, Matta T, Lima J, Simão R, Freitas De Salles B. Single-Joint Exercise Results in Higher Hypertrophy of Elbow Flexors Than Multijoint Exercise. J Strength Cond Res. 2021;35 : 2677-2681. doi:10.1519/JSC.0000000000003234
  2. Gentil P, Soares S, Bottaro M. Single vs. Multi-Joint Resistance Exercises : Effects on Muscle Strength and Hypertrophy. Asian J Sports Med. Brieflands ; 2015;6 : 1-5. doi:10.5812/ASJSM.24057
  3. Matta T, Simão R, De Salles BF, Spineti J, Oliveira LF. Strength training’s chronic effects on muscle architecture parameters of different arm sites. J Strength Cond Res. 2011;25 : 1711-1717. doi:10.1519/JSC.0B013E3181DBA162
  4. Gentil P, Fisher J, Steele J. A Review of the Acute Effects and Long-Term Adaptations of Single- and Multi-Joint Exercises during Resistance Training. Sport Med. Springer International Publishing ; 2017;47 : 843-855. doi:10.1007/S40279-016-0627-5/TABLES/3
  5. Rosa A, Vazquez G, Grgic J, Balachandran AT, Orazem J, Schoenfeld BJ. Hypertrophic Effects of Single- Versus Multi-Joint Exercise of the Limb Muscles : A Systematic Review and Meta-analysis. Strength Cond J. 2023;45 : 49-57. doi:10.1519/SSC.0000000000000720
Photo d’en-tête : shutterstock

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Biologiste moléculaire et musculaire. Chercheur à l'ETH Zurich. Athlète de force.


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