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Les prix du streaming en Allemagne, en Suisse et aux États-Unis
En Suisse, de nombreuses personnes pensent payer plus cher que les pays voisins pour les services de streaming. J’ai fait le calcul et je peux vous affirmer que ce n’est pas si simple.
Vous l’avez peut-être lu en gros titres dans les journaux ou entendu au détour d’une conversation. Dans les commentaires, on s’indigne. Et pour cause, les services de streaming américains presseraient la Suisse comme un citron. C’est une injustice. Notamment, ce commentaire largement approuvé sous l’article concernant la dernière augmentation des prix de Netflix.
Ce qui me dérange particulièrement, c’est la majoration de plus de 50 % du prix en Suisse par rapport à l’Allemagne. Rien ne peut le justifier.
Le sujet est cependant plus complexe qu’il n’y paraît. Tout d’abord parce qu’on néglige souvent des détails comme le taux de change et la TVA, mais aussi parce qu’il peut y avoir différentes explications à la colère :
- les abonnements suisses sont plus rentables pour Netflix et compagnie ;
- le coût des services de streaming pèse plus lourd dans les budgets des foyers suisses.
Dans cet article, j’examine ces deux hypothèses d’un point de vue statistique. Pour ce faire, j’analyse cinq fournisseurs de streaming : Netflix, Disney, Apple, Spotify et YouTube. J’ajuste d’abord les prix en fonction des taux de change et des impôts, puis du pouvoir d’achat et de l’égalité salariale.
Les prix absolus
Les cinq services ont continuellement augmenté leurs prix au cours des dernières années. Voici les prix pour la Suisse (premier graphique), l’Allemagne (deuxième graphique) et les États-Unis (troisième graphique).
Dans tout l’article, j’utilise les prix des produits suivants :
- Netflix : abonnement standard ;
- Disney+ : abonnement le moins cher sans publicité ;
- Apple TV+ : abonnement standard ;
- Spotify Premium : abonnement individuel ;
- YouTube Premium : abonnement individuel.
L’augmentation très décousue des prix de Disney+ vous sautera peut-être aux yeux. Depuis 2020, le prix du service a augmenté de 129 % aux États-Unis, de 51 % en Suisse et de seulement 43 % en Allemagne. Aux États-Unis, Disney ne propose plus que l’abonnement Premium en 4K sans publicité, qui coûte automatiquement plus cher. En Europe, il existe encore un abonnement standard en Full HD sans publicité.
Netflix en Full HD est en outre presque deux fois plus cher en Suisse qu’Apple TV+ en 4K. Le leader du marché justifie cela par un choix de contenus massivement plus grand. Netflix propose 7663 films et séries, Apple n’en propose que 252 et Disney en propose 2526. Par contenu disponible, c’est donc chez Apple (4,33 centimes) que vous payez le plus cher et chez Netflix (0,27 centime) que vous payez le moins cher. Reste à savoir si la valeur ajoutée est proportionnelle à la quantité.
Les abonnements suisses sont-ils vraiment plus rentables ?
Pour une comparaison équitable entre les pays, je convertis tous les prix en dollars américains en utilisant les taux de change historiques. En outre, je déduis la TVA en Suisse et en Allemagne, car elle n’est pas comprise dans les prix américains. Ainsi, les chiffres montrent combien les entreprises gagnent réellement par abonnement. Sur le premier graphique, vous voyez le prix moyen, sur les suivants, ceux des différents fournisseurs.
En moyenne, un abonnement suisse rapporte 16 % de plus qu’un abonnement américain aux cinq fournisseurs. L’écart est particulièrement important pour YouTube (32 %), suivi de Netflix et Spotify (20 % chacun). C’est l’Allemagne qui présente les écarts les plus flagrants. Là-bas, un abonnement rapporte en moyenne 61 % de moins aux géants du streaming qu’en Suisse et 39 % de moins qu’aux États-Unis.
Cela étant dit, cette comparaison n’est qu’une approximation. On ne peut effectivement pas dire combien il reste de bénéfices sur le chiffre d’affaires dans les différents pays, car Netflix et les autres services paient des droits de licence qui varient selon les régions et dépensent des montants différents pour la publicité. Il semble toutefois très probable qu’au bout du compte, les bénéfices par abonnement soient plus élevés en Suisse qu’en Allemagne.
Quel est le poids du streaming dans le budget d’un foyer ?
Les différents niveaux de prix ne sont pas le fruit du hasard. Les entreprises à but lucratif visent le profit. Pour elles, la question n’est pas de savoir combien elles doivent demander pour couvrir les frais, mais combien elles peuvent demander sans que vous vous en détourniez. Et cette limite varie selon les pays.
Le mot clé c’est le « pouvoir d’achat ». Un indicateur connu à cet égard est le Big Mac Index (en allemand) : plus le célèbre hamburger est cher dans un pays, plus le pouvoir d’achat de la population est élevé. À cet égard, les statistiques de l’OCDE sur les salaires moyens corrigés du pouvoir d’achat sont encore plus parlantes. Je calcule ainsi à quels coûts correspondraient nos prix de streaming aux États-Unis. Ou, en d’autres termes, la facilité avec laquelle nous pouvons nous offrir un abonnement Netflix.
Comme vous pouvez le constater, les courbes des prix corrigés en fonction du pouvoir d’achat sont assez proches les unes des autres. C’est entre la Suisse et l’Allemagne que l’écart est le plus faible. Il semble cependant que les services de streaming pèsent toujours moins lourd dans le budget des ménages aux États-Unis. Netflix pense-t-elle donc qu’en Europe, les gens sont plus enclins à renoncer à d’autres dépenses pour regarder Stranger Things ?
Pas forcément, car même cette statistique est encore trop simpliste. En effet, selon World Inequality Database, les salaires sont plus inégalement répartis en Amérique que dans nos pays. La moyenne reflète donc moins bien ce qu’un véritable « citoyen moyen » peut se permettre. Concrètement, les 90 % les plus pauvres de la population américaine ne touchent que 53 % de l’ensemble des revenus. En Suisse, ces mêmes 90 % les plus pauvres touchent 70 % des revenus et 63 % en Allemagne. On en vient donc aux graphiques suivants :
De ce point de vue, la Suisse et l’Allemagne se retrouvent actuellement en meilleure position, l’ordre changeant en fonction de l’année et du service de streaming. Les coûts des abonnements pèsent donc partout à peu près pareil sur les 90 % de revenus les plus bas. Il existe bien sûr des différences régionales supplémentaires au sein des pays, qui ne sont pas représentées ici.
Conclusion : plus cher, mais pas plus douloureux
Oui, le streaming coûte plus cher en Suisse que dans d’autres pays. La différence de prix avec les États-Unis est toutefois relativement faible. En moyenne, Netflix, Disney, Apple, Spotify et YouTube n’y gagnent que 16 % de plus. La différence est plus nette avec l’Allemagne, où les fournisseurs encaissent 61 % de moins que sur les abonnements suisses.
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Source : Shutterstock
On ne peut toutefois pas s’offrir deux fois plus de services à Berlin qu’à Zurich. En effet, si l’on tient compte du pouvoir d’achat et de l’égalité salariale, les abonnements de streaming font à peu près autant mal en Suisse qu’en Allemagne et actuellement même moins qu’aux États-Unis.
Comme la plupart des entreprises mondiales de services, Netflix et autres adaptent très précisément leurs prix à la situation économique de la population locale. Quant à savoir si cette réalité capitaliste est équitable, la question reste ouverte, mais vous avez désormais une base de données plus solide pour tenter d’y répondre.
À vos commentaires !
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Mon empreinte digitale change régulièrement au point que mon MacBook ne la reconnaît plus. Pourquoi ? Lorsque je ne suis pas assis devant un écran ou en train de prendre des photos, je suis probablement accroché du bout des doigts au beau milieu d'une paroi rocheuse.