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« Madame Web » : cinquante nuances de nullité
Le Spiderverse de Sony se morfond entre ennui et mauvais goût. Si vous pensez que j’exagère, attendez donc d’avoir vu « Madame Web ». Même Dakota Johnson (« Fifty Shades of Grey ») ne peut pas sauver ce désastre.
Avant toute chose : cet article ne contient aucun spoiler. Vous n’y trouvez que des informations qui figurent dans les bandes-annonces officielles.
« C’est pour ça que j’ai raté le mythique burger 'Beef el Loco' de la cantine ? », bougonné-je alors que le générique de fin défile encore. La projection presse était effectivement programmée pour midi, et je me retrouve là, sans burger, avec 1001 interrogations. Des interrogations sur le (non-)sens de ce film qui n’a manqué aucune occasion de me torturer mentalement.
Vous vous souvenez de la fameuse réplique « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » qui ressort dans à peu près tous les films de Spider-Man ?
Eh bien, elle revient cette fois sous une forme légèrement différente, tenez-vous bien :
« Lorsque vous assumerez la responsabilité, un grand pouvoir viendra ».
Au secours.
L’intrigue de « Madame Web »
Cassandra Webb (Dakota Johnson) n’est pas une ambulancière comme les autres. Elle s’en rend compte lorsqu’elle commence à voir des bribes de l’avenir après une expérience de mort imminente. Ses visions lui montrent trois jeunes filles menacées par un homme en costume noir et masqué, Ezekiel Sims (Tahar Rahim).
D’où lui viennent ses pouvoirs et pourquoi voit-elle l’avenir de cet homme précisément et de ces filles ? Allez savoir. On entrevoit lentement une explication dans une toile de possibilités infinies : l’homme était aux côtés de la mère de Cassandra à son décès dans la jungle amazonienne alors qu’elle cherchait une mystérieuse tribu d’araignées aux superpouvoirs, Las Arañas. Cassandra comprend rapidement que son rôle dans la vie des autres personnages est bien plus important qu’elle ne le pensait au début.
L’absurdité dans toute sa splendeur
Si le pitch peut paraître génial, ne vous emballez pas : Madame Web est une catastrophe intégrale. Ce film illogique au possible est un lamentable échec, l’écriture du scénario et des personnages est incompréhensible. Plus j’y repense, plus j’en prends conscience. À commencer par l’antagoniste.
Sa motivation ? Il veut obtenir les superpouvoirs des araignées amazoniennes et n’hésite pas à tuer pour parvenir à ses fins. C’est donc ce qu’il fait lorsqu’il est le garde du corps de la mère de Cassandra. Cela ne m’aurait pas choqué s’il ne devenait pas soudainement blindé et ramenait des femmes dans son loft sur les toits de Manhattan. Ça, c’est ce que font les méchants. Mais les gardes du corps ? Comment est-il devenu aussi riche ? Pas la moindre idée. Une chose est sûre en tout cas : ça n’avait rien à voir avec les pouvoirs des araignées.
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Source : Sony Pictures
Quoi qu’il en soit, il a maintenant suffisamment d’argent et d’influence (impossible de savoir d’où et pour quoi faire) pour s’acheter le même équipement de surveillance que la NSA. Et il a même engagé une femme pour le servir. « I’ll pay you a fortune », lui répond-il lorsqu’elle le soupçonne de pourchasser et de tuer des adolescents avec cet équipement. Red flag sur red flag. Elle acquiesce de bon cœur, je lève les yeux au ciel.
Tout ça a le niveau intellectuel de mes rédactions d’école primaire. Mais il y a pire. Les pouvoirs de Cassandra par exemple. L’explication de leur provenance et de leur finalité est aussi risible que futile. Le fait qu’elle se soit rendue au fin fond du Pérou et en soit revenue en ce qui semble être un seul et unique après-midi n’est même pas le plus gros problème. Je pourrais continuer indéfiniment… Mais je vous spoilerais alors l’entièreté du film. Cela dit, ce serait peut-être mieux ainsi.
Je me retrouve du côté du méchant
Plus ironique encore : je suis du côté du méchant malgré toutes ces âneries. La faute aux trois gamines que Cassandra Webb doit protéger pendant les deux tiers du film.
Elles sont jouées par Sydney Sweeney, Celeste O’Connor et Isabela Merced. Enfin, « jouées », il faut le dire vite : leurs personnages sont rarement plus qu’un ramassis de clichés sur la Gen Z. On a donc Mattie, la rebelle, Anya, la maligne, et Julia, l’asociale. Leur principale tâche consiste à compliquer le plus possible la mission de protection de Cassandra… et à me taper sur les nerfs.
Et c’est réussi. J’ai rarement été aussi énervé par des adolescentes insupportables. Chaque fois qu’une de ces pestes ouvrait la bouche pour émettre une blague stupide, un commentaire malvenu ou une idée idiote, j’avais envie de hurler. J’ai souvent prié intérieurement pour que le méchant les tue rapidement. Et je ressentais une pointe de déception à chaque fois qu’elles réussissaient à lui échapper.

Source : Sony Pictures
Les pouvoirs de médium de Cassandra aussi mystérieux qu’arbitraires sont vraiment la cerise sur le gâteau. Et nous n’avons qu’une pitoyable tentative d’explication à nous mettre sous la dent, bourrée de formules bateaux du genre « Comment ça marche ? » – « Je ne sais pas, ça arrive comme ça » ou « Non, ce n’est pas comme ça que ça marche ! ». Tu parles d’une alchimie entre acteurs…
Ughhhh !
Gaspillage en règle d’un beau potentiel
Pour couronner le tout, Madame Web n’a quasiment rien à voir avec les comics. Normalement, Cassandra Webb est une vieille voyante mystique, une médium aux dons hors du commun. Paralysée et aveugle à cause d’une forme grave de dystrophie musculaire, elle est clouée à son siège en forme de toile d’araignée. Ce support qui a quelque chose de dystopique la maintient en apesanteur (et en vie). Grâce à ses dons de clairvoyance, elle joue souvent le rôle de conseillère et de mentor auprès des superhéros, notamment de Spider-Man, même si ses véritables motivations sont souvent louches et opaques.

Source : Sony Pictures
La Madame Web de Dakota Johnson n’a aucun point commun avec celle-ci. Nous avons devant nous une ambulancière imprudente qui aime enfreindre les règles, peu à l’aise en société et qui déteste les gens en général. Tout ça, à cause d’un traumatisme mère-fille non résolu. Et pourtant, elle s’immisce dans le destin des trois jeunes femmes en risquant sa propre vie. Pourquoi ? Parce que sinon il n’y aurait pas de film, pardi ! Son destin est mêlé à celui des filles, comme dans une toile d’araignée.
Ha ha.
Pas d’inquiétude, elle finit évidemment par s’attacher aux filles. Dieu seul sait pourquoi, mais bon, on n’est pas là pour se poser des questions. Ça, je l’ai bien compris. À la fin, Cassandra déclare avec un sourire entendu « The best thing about the future is that it has yet to happen » (Le truc génial avec l’avenir, c’est qu’il n’existe pas encore).
Pitié…
Verdict : « Madame Web » est un naufrage
J’ai rarement été aussi tranchant dans une critique de film, par respect pour le travail des personnes impliquées. Personne ne se lève le matin en disant « Aujourd’hui, je vais faire un film nul ». Des centaines de gens ont mis toute leur âme dans Madame Web, ont fait des heures supplémentaires, se sont peut-être sous-payés pour un projet auquel ils croyaient. J’ai beaucoup de respect pour ça.
Je ne prends aucun plaisir à démolir leur travail comme je l’ai fait ici. Mais je suis obligé de me demander comment le scénario, le montage et le film fini ont pu passer entre tant de mains sans que personne n’ose dire « C’est sérieux, là ? On va sortir ça ? ».
Mon verdict est simple et sans appel : Morbius était mieux.
« Madame Web » est en salles depuis le 14 février 2024. Durée : 117 minutes. Interdit aux moins de 12 ans.
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Vivre des aventures et faire du sport dans la nature et me pousser jusqu’à ce que les battements du cœur deviennent mon rythme – voilà ma zone de confort. Je profite aussi des moments de calme avec un bon livre sur des intrigues dangereuses et des assassins de roi. Parfois, je m’exalte de musiques de film durant plusieurs minutes. Cela est certainement dû à ma passion pour le cinéma. Ce que j’ai toujours voulu dire: «Je s’appelle Groot.»