Musculation : faut-il aller jusqu’à l’échec musculaire ?
31/3/2022
Collaboration: Patrick Bardelli
Traduction: Sophie Boissonneau
Quelle influence a l’échec musculaire sur la force et la croissance des muscles ? Est-il nécessaire de s’entraîner jusqu’à l’échec musculaire ? Découvrez toutes les réponses à ces questions ici.
Par échec musculaire volontaire, on entend l’incapacité neuromusculaire à effectuer une contraction concentrique sur toute l'amplitude du mouvement [1-3]. On part du principe que l'entraînement jusqu'à l’échec musculaire entraîne le recrutement complet des unités motrices, constituant ainsi une condition possible pour la stimulation de la croissance des muscles [4].
De quoi parle-t-on ?
Si la charge externe est élevée (≥ 85 % 1-RM), les unités motrices avec un seuil de recrutement plus élevé (type FF et FR) sont immédiatement recrutées pour garantir une production de force élevée. Lors d'efforts de faible intensité, ces unités motrices ne sont pas recrutées immédiatement, car une production de force élevée n'est pas nécessaire dans un premier temps [5]. Au fur et à mesure de l'augmentation de la fatigue neuromusculaire, des unités motrices avec un seuil de recrutement plus élevé sont progressivement recrutées pour compenser les unités motrices qui n'ont pas pu maintenir plus longtemps la production de force [6]. Par conséquent, lorsque l’échec musculaire volontaire est atteint, toutes les unités motrices du pool ont été recrutées à leur tour pour la tâche correspondante [6]. Ainsi, si la charge d'entraînement est réduite, l'entraînement jusqu'à l’échec volontaire joue un rôle important. En outre, l'entraînement jusqu'à l'échec peut également influencer la croissance musculaire via une charge métabolique accrue [7].
Littérature sur le sujet
Mitchell et al. [8] ont montré qu'une variété d'intensités (c'est-à-dire 30 % versus 80 % du 1-RM) peut être utilisée pour induire l'hypertrophie musculaire chez des personnes non entraînées (21 ± 1 ans, n = 18) si l'entraînement est effectué jusqu'à l'échec musculaire. Dans leur étude, les chercheurs ont utilisé différentes intensités (30 % versus 80 % de 1-RM) et volumes d'entraînement (1 ou 3 séries) trois fois par semaine pendant 10 semaines. Les participants à l'étude ont entraîné les muscles du quadriceps en répétant des legs extensions jusqu'à l'échec musculaire. Tous les participants ont vu leur musculature cible augmenter. Aucune différence significative n'a été observée entre le groupe qui s'est entraîné à 80 % de 1-RM, avec une ou trois séries, et le groupe qui s'est entraîné à 30 % et trois séries. Aucune différence significative n'a été observée dans le groupe qui s'est entraîné à 80 % de 1-RM, mais la différence était significative avec le groupe qui s’est entraîné à 30 % et trois séries.
Morton et al. [9] ont montré chez des personnes entraînées qui suivaient un entraînement du corps entier que l'intensité n'a pas d'influence sur l'augmentation de l'hypertrophie ou de la force provoquée par les exercices de musculation. 49 hommes entraînés (23 ± 1 an) se sont entraînés pendant 12 semaines. Les participants ont été répartis au hasard dans un groupe d'intensité plus ou moins élevée, s'entraînant soit à ~30-50 %, soit à ~75-90 % du 1-RM jusqu'à l'échec musculaire. La force a augmenté dans les deux groupes, sans différence significative entre les groupes. Les chercheurs ont constaté la même chose pour l'hypertrophie. La conclusion des auteurs était que l'intensité n'a pas d'influence sur l'hypertrophie ou l'augmentation de la force chez les individus entraînés, si l'entraînement se poursuit jusqu'à l'échec musculaire.
Etudes qui n’ont trouvé aucun avantage à l’entraînement jusqu’à l’échec musculaire
Contrairement aux études ci-dessus, Sampson et Groeller [2] ont trouvé des adaptations similaires dans trois protocoles d'entraînement de force d'intensité différente, ce qui suggère que l'entraînement jusqu'à l’échec musculaire n'est pas déterminant pour les changements neuraux et structurels des muscles squelettiques. Ils ont soumis 28 hommes à une période de 4 semaines d'accoutumance à la musculation. Ensuite, les sujets ont été répartis en trois groupes en fonction de l'augmentation de leur force:
- contraction rapide sans échec musculaire (rapide concentrique, 2 s excentrique),
- entraînement rapide sans échec musculaire (rapide concentrique, 2 s excentrique),
- groupe de contrôle : entraînement jusqu’à l’échec musculaire (2 s concentrique, 2 s excentrique).
La période d'essai a duré 12 semaines et comprenait trois fois par semaine un entraînement de musculation des biceps sur un bras à 85 % de 1-RM avec 4 répétitions à chaque fois. Le groupe de contrôle a reçu pour consigne de s'entraîner jusqu'à l'échec musculaire dans chacune des 4 séries. La force a été déterminée par la mesure du 1-RM, tandis que la section transversale du muscle a été mesurée par IRM. Aucune différence n'a été constatée entre les groupes, ce qui suggère que l'entraînement jusqu'à l'échec musculaire n'est pas une condition nécessaire à l'adaptation de l'entraînement.
Nobrega et al. [10] ont étudié un entraînement de musculation dans lequel les participants devaient s'entraîner soit jusqu'à l'échec musculaire, soit jusqu'au point où ils choisissaient d'arrêter l'exercice. La période d'intervention a été de 12 semaines, au cours desquelles 32 hommes non entraînés (23,0 ± 3,6 ans) ont effectué deux fois par semaine une extension de la jambe sur une seule jambe. Les jambes des participants ont été réparties au hasard dans les groupes suivants, en fonction de la taille des 1-RM et de la section transversale des muscles :
- intensité élevée (80 % du 1-RM) jusqu’à l’échec musculaire,
- intensité élevée (80 % du 1RM) jusqu’à l’arrêt décidé par le sujet,
- faible intensité (30 % du 1-RM) jusqu’à l’échec musculaire,
- faible intensité (30 % du 1-RM) jusqu’à l’arrêt décidé par le sujet.
Chaque participant a effectué trois séries à chaque fois. La surface de la section musculaire et le 1-RM n'étaient pas différents 6 et 12 semaines après l'intervention. Les auteurs estiment que tous les protocoles d'étude ont été aussi efficaces pour l'induction de l'hypertrophie et de la force. Par conséquent, un entraînement interrompu juste avant l’échec musculaire pourrait être plus efficace. Il convient toutefois d'être prudent dans cette interprétation, car la charge volumique était très similaire dans les groupes d'intervention et constitue donc un facteur de confusion potentiel.
Neves da Silva et al. [11] ont étudié les adaptations musculaires du quadriceps à un entraînement combiné de force et d'endurance chez des hommes âgés. L’étude a duré 12 semaines et consistait en un entraînement de musculation qui précédait toujours un entraînement d'endurance au sein de la même séance d'entraînement deux fois par semaine. Comme les quadriceps étaient étudiés, l'entraînement musculaire comprenait la presse à cuisses et l'extension du genou sur deux jambes. Cinquante-deux hommes âgés (66 ± 5 ans) ont été recrutés et répartis en 3 groupes :
- environ 70 % du 1-RM, 2 ou 3 séries jusqu’à l’échec musculaire,
- 50 % du 1-RM, 2 ou 3 séries de 8 à 10 répétitions,
- 50 % du 1-RM, même volume d’entraînement que le groupe qui va à l’échec musculaire.
L'épaisseur du quadriceps a été mesurée à l'aide d'ultrasons. Une modification significative de la taille des quadriceps a été observée dans le groupe qui s'est entraîné jusqu'à l'échec musculaire comme dans le groupe qui a effectué le même volume d’entraînement. Une différence statistiquement significative a pu être constatée après 12 semaines dans le groupe qui a effectué 2 ou 3 séries de 8 à 10 répétitions à 50 % du 1-RM. Tous les groupes ont gagné en force, sans que l’on puisse constater de différence significative entre les groupes.
Conclusion
En résumé, les résultats des études citées montrent que des charges faibles peuvent être aussi efficaces que des charges plus élevées, si l'entraînement est effectué jusqu'à l'échec musculaire. Cependant, le sujet n'est pas encore complètement résolu, car certaines études ont démontré que l'entraînement jusqu'à l'échec musculaire en musculation dynamique pouvait avoir des avantages [12-14], tandis que d'autres n’y ont trouvé aucun bénéfice supplémentaire [2,10,15].
Le volume d'entraînement et la répétition jusqu'à l'échec semblent être tout aussi efficaces pour induire l'hypertrophie et la force chez les hommes âgés non entraînés, tandis que les personnes plus jeunes et habituées à l'entraînement en force pourraient bénéficier de l'entraînement jusqu'à l'échec. Étant donné que le recrutement complet des unités motrices peut être obtenu avec des charges élevées (c'est-à-dire > 80 % du 1-RM) [5], l'entraînement jusqu'à l'échec musculaire avec des charges élevées n'est pas nécessairement une condition préalable pour obtenir une augmentation des adaptations fonctionnelles et structurelles/morphologiques [16]. En revanche, à un niveau de charge plus faible, pousser l’exercice jusqu’à l’échec musculaire la défaillance musculaire (c'est-à-dire ≤ 50 % du 1-RM) semble être la condition pour l'augmentation de la force et de la masse musculaires. Voici donc une recommandation pratique : plus la charge est faible, plus l'intensité de l'effort et l’échec musculaire sont importants.
Références
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Claudio Viecelli
Biologe
Biologiste moléculaire et musculaire. Chercheur à l'ETH Zurich. Athlète de force.