Pourquoi est-ce si dur de mettre un·e enfant au lit ?
15/11/2023
Traduction: Stéphanie Casada
Avec l’arrivée de bébé, un thème récurrent s’impose dans votre vie : le sommeil. Et ce, pendant des années. Pourquoi coucher un enfant relève-t-il souvent d’une tâche herculéenne pour les parents et pourquoi certains problèmes de sommeil ne peuvent-ils pas être résolus ? La coach du sommeil Tilja Tanner nous répond.
Avec les enfants, rien n’est plus angoissant que les dernières minutes de la journée : iels sont fatigué·es et veulent encore faire des milliers de choses. Tous les prétextes sont bons pour retarder l’heure du coucher.
Vous pensiez pourtant être tiré·e d’affaire avec vos enfants en bas âge. Après tout, vous avez survécu à la privation aiguë de sommeil de la phase bébé. Que nenni ! À peine cette phase d’insomnie est-elle terminée que la suivante est déjà sur le point de commencer. Tilja Tanner, coach du sommeil, nous explique pourquoi. Elle donne également quelques conseils pour que vous, parent, puissiez passer des soirées et des nuits un peu plus détendues.
Tilja, tu es conseillère en sommeil pour enfants, tes enfants doivent dormir comme des dieux.
Tilja Tanner : (rires) J’aimerais bien... Mais ils dorment comme les enfants dorment. Pendant trois ans, avec notre aîné, nous avons eu un énorme problème de sommeil, c’était difficile et pesant. Nous avons essayé beaucoup de choses et cherché de l’aide, mais à l’époque, le coaching du sommeil n’était pas encore très répandu en Suisse. Pour le plus jeune, je me suis informée très tôt et j’ai ensuite suivi une formation de coach du sommeil ; ce qui nous a beaucoup aidés. Je dirais que nous dormons mieux aujourd’hui que jamais auparavant.
Cela signifie que c’est le problème de sommeil de ton enfant qui t’a motivée à suivre cette formation de coach ?
Exactement. Et aussi parce que j’ai remarqué que de nombreuses familles n’avaient pas assez de connaissances en matière de sommeil des enfants. Le savoir fait une énorme différence. Je n’avais, par exemple, aucune idée des phases d’éveil dépendant de l’âge de l’enfant. Je ne savais pas à quel point les routines et les procédures étaient importantes et combien l’influence du jour sur la nuit était grande. Mon aîné a maintenant cinq ans. Dormir n’est certes pas son activité préférée et il a toujours besoin de plus de sécurité que son frère de deux ans et demi. Mais nous avons trouvé des moyens pour que tout le monde passe de bonnes nuits. Une conseillère en sommeil ne peut pas résoudre tous les problèmes, mais peut influencer un certain nombre de choses afin de détendre considérablement la situation de sommeil.
Que peux-tu influencer ?
Je peux faire prendre conscience de la façon dont les enfants dorment. Cela aide à comprendre le contexte. Et je peux créer la meilleure base possible pour un sommeil détendu : par exemple avec des rituels, des structures et la satisfaction des besoins au quotidien. Ou en instaurant un rythme adapté à l’âge des jeunes enfants. Cela permet déjà souvent de résoudre certains problèmes. Chez les enfants plus âgé·es, à partir de trois ans, la relation parent-enfant joue souvent aussi un rôle : les problèmes de sommeil peuvent être dus à des besoins non satisfaits au quotidien ou à un manque de clarté des parents lorsqu’il s’agit d’aller se coucher. Il faut le savoir pour pouvoir agir en conséquence.
Qu’est-ce que tu ne peux pas résoudre en tant que coach du sommeil ?
Il existe des facteurs qu’on ne peut tout simplement pas influencer et qui entraînent une détérioration temporaire du sommeil chez de nombreux enfants. Par exemple, les sauts de développement, les phases de transition comme le début de la crèche ou encore les poussées dentaires. Et il y a des enfants qui ont besoin d’un peu plus d’accompagnement et de soutien de la part de leurs parents en matière de sommeil.
Comme mon aînée : elle a sept ans et a encore du mal à s’endormir aujourd’hui. Elle met beaucoup de temps et lutte pour ne pas sombrer dans le sommeil.
C’est aussi le cas de mes enfants par moments. Et cela demande parfois des nerfs d’acier.
Pourquoi est-ce tellement dur de mettre un enfant au lit ?
N’oublions pas que les enfants apprennent tous les jours de nouvelles choses, qu’iels se développent et qu’iels vivent des expériences incroyables. Tout cela doit être assimilé. Iels peuvent donc mettre un peu plus de temps à s’endormir. À cela s’ajoute la fatigue, qui active ce besoin qu’ont les enfants de passer du temps avec leurs parents. L’enfant a peut-être aussi eu une journée fatigante à la crèche et veut rattraper le temps perdu le soir, alors que c’est le moment où de nombreux parents aimeraient se reposer et passer du temps à deux après une longue journée. Leur but est de coucher l’enfant le plus tôt possible, ce qui conduit à un conflit d’intérêts.
En tant que parent, j’ai aussi des besoins. Je suis fatiguée et je veux encore un peu de temps pour moi.
Oui, et ce besoin est important. Tous les besoins doivent être reconnus. C’est souvent un exercice d’équilibre qui ne fonctionne pas sans compromis. S’endormir a aussi beaucoup à voir avec la détente. Si les parents sont stressé·es parce qu’iels craignent que leur me-time soit mis en danger à cause du temps d’endormissement prolongé, les enfants le ressentent.
Comment satisfaire tout le monde ?
Comme rituel, je conseille de passer consciemment du temps en tête-à-tête avec l’enfant pendant la journée et surtout avant l’heure du coucher. Des rituels d’endormissement avec un déroulement clair signalent en outre à l’enfant qu’il est temps d’aller dormir. Ce que je trouve très important, c’est que le fait de pouvoir prendre du temps pour soi ne doit pas dépendre du fait que l’enfant s’endorme rapidement, mais doit être planifié fermement d’une manière ou d’une autre. Les parents doivent donc s’entraider et se relayer pour le coucherr. Les pauses personnelles sont importantes. Je conseille aux familles monoparentales de demander activement de l’aide aux grands-parents ou à des connaissances, ou de s’associer à d’autres papas ou mamans.
Comment se déroule un coaching du sommeil avec toi ?
Pendant cinq jours, la famille rédige un protocole détaillé. Ce dernier me donne déjà un bon aperçu du sujet et des raisons possibles de chaque problème. Ensuite, nous procédons à une analyse détaillée et à un entretien ciblé, au cours duquel nous voyons où se situe le problème et quels sont les objectifs, les valeurs et les souhaits individuels de la famille. Après, nous établissons un rythme approprié et les parents le font respecter par l’enfant. Lors d’un autre entretien, nous parlons de la biologie du sommeil et établissons un plan pour que la famille atteigne son objectif. Et, le plus important : nous discutons de la manière dont les parents vont accompagner leur enfant durant cette phase de transition. Je suis très étroitement les familles pendant trois mois lors de la mise en pratique.
Instagram est l’un de tes centres d’intérêt. Tu as 2000 abonné·es. Quelle est l’importance de ce réseau social pour ton travail ?
Pour être honnête, tout a commencé un peu par hasard sur Insta. Pour moi, Instagram est un bon moyen de rendre les connaissances sur le sommeil des enfants accessibles à un large public et de dissiper les vieux mythes. Je peux ainsi atteindre des parents qui ne peuvent peut-être pas se permettre un coaching personnalisé.
Chaque enfant et chaque comportement de sommeil est individuel. Y a-t-il malgré tout quelque chose que tu peux transmettre à toutes les familles ?
Les enfants ont tous·tes besoin d’un rythme veille-sommeil équilibré. Ce qui vaut également pour tous·tes et que je trouve ultra-important : il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Une situation de sommeil doit avant tout convenir à la famille concernée. Il est aussi tout à fait normal de demander de l’aide lorsqu’on a du mal avec le sommeil de son enfant. Personne ne devrait avoir mauvaise conscience dans ce contexte.
Tilja Tanner (37) est coach du sommeil certifiée Bianca Niermann® et éducatrice de la petite enfance avec des années d’expérience en crèche. Elle vit avec son mari et ses deux fils dans le canton de Berne.
Cet article est le premier d’une série d’interviews avec Tilja Tanner qui seront consacrées au sommeil des enfants. Vous avez des remarques ou des questions auxquelles vous aimeriez avoir des réponses dans le prochain article ? Dites-le-nous dans les commentaires ou envoyez-moi un e-mail.
Photo d’en-tête : ShutterstockKatja Fischer
Senior Editor
Katja.Fischer@digitecgalaxus.chMaman d'Anna et d'Elsa, experte en apéritifs, passionnée de fitness en groupe, aspirante ballerine et amatrice de potins. Souvent multitâche de haut niveau et désireuse de tout avoir, parfois chef en chocolat et héroïne de canapé.