Pourquoi « La Ronde de nuit » de Rembrandt mesure 717 gigapixels ?
11/1/2022
Traduction: Sophie Boissonneau
À première vue, le tableau numérisé dans une résolution vertigineuse n’a rien de spectaculaire. Les détails microscopiques se révèlent toutefois utiles pour la recherche.
Le Rijksmuseum, musée néerlandais, a numérisé un tableau à la résolution extrêmement élevée de 717 gigapixels, soit 717 000 mégapixels). Selon le musée, il se compose de 8439 photos individuelles de 100 mégapixels chacune. Celles-ci ont été prises avec un Hasselblad H6D 400C et assemblées en une seule image à l'aide de l'intelligence artificielle.
Le tableau en question est La Ronde de nuit du peintre néerlandais Rembrandt. Le tableau date de 1642 et affiche des dimensions pour le moins imposantes avec 363 × 437 centimètres.
Vous pouvez observer le résultat depuis votre navigateur web. Le zoom est moins spectaculaire que sur les photos panoramiques de l'ordre du gigapixel, où il permet de découvrir de nouvelles maisons ou colline. Dans La Ronde de nuit, les niveaux de zoom élevés ne révèlent pas grand-chose de nouveau.
Objectif de la numérisation : recherche et conservation
Cette image très haute résolution de l’oeuvre n’a pas été créée pour les spectateurs ordinaires. L’image sera surtout utilisée pour la recherche iconographique et la restauration.
Des réseaux neuronaux permettent d'identifier rapidement des pigments de couleur similaires, écrit le musée. Il serait également possible d'identifier le savon de plomb ; une substance qui accélère la détérioration des peintures.
La prise de vue en gigapixels est l'un des nombreux projets lancés depuis 2019 sous le nom « Opération Nightwatch ». Tous ont pour objectif d'étudier La Ronde de nuit et de la conserver le plus fidèlement possible. C’est une tâche particulièrement exigeante en l’occurrence.
Le tableau est trop grand ? On coupe !
Autrefois, la conservation des oeuvres n'était pas une préoccupation majeure. Ainsi, La Ronde de nuit de Rembrandt était nettement plus grande avant 1715, elle faisait effectivement plus de cinq mètres de large. Le tableau a alors été exposé dans une salle de l'hôtel de ville d'Amsterdam, entre deux portes, où il n'avait pas vraiment sa place. On a donc rogné les bords du tableau en coupant des bandes.
Conséquence du recadrage, les deux figures principales ne se trouvent plus légèrement à droite du tableau, mais au centre. On perd l’impression qu’ils se déplacent dans la scène. La composition minutieuse pensée par Rembrandt est ainsi détruite par le recadrage.
Sans compter que deux mousquetaires et un jeune enfant ont été tout simplement coupés à gauche du tableau. Ce sont des personnes qui ont réellement existé, au moins pour ce qui est des adultes. Ils n’étaient malheureusement plus de ce monde en 1715 et n’ont pas pu s’opposer à leur suppression. Rembrandt aussi était décédé quelques décennies plus tôt.
Les parties manquantes du tableau n’ont jamais été retrouvées. Ce n'est que grâce à une copie très ancienne du tableau que l'on sait à quoi la version originale ressemblait.
Reconstruction des parties manquantes
Le peintre de la copie n'a pas su copier parfaitement Rembrandt ; les deux tableaux présentent des différences de proportions et de style. Malgré cela, des spécialistes ont utilisé le machine learning pour reconstituer les parties manquantes de l’oeuvre. Dans un premier temps, les différences de proportions ont été ajustées à l'original, de sorte que les deux tableaux se superposent parfaitement. Un réseau neuronal a ensuite été entraîné à peindre dans le style de Rembrandt. Pour ce faire, les chercheurs ont décomposé le tableau en petites cases et l'IA a dû créer une nouvelle case se rapprochant le plus de l’original de Rembrandt pour chacune des cases de la copie. Ce processus est répété jusqu'à ce qu’on obtienne un comportement satisfaisant.
Dans la vidéo du musée, vous pouvez toutefois voir que le résultat n'est pas parfait. La reconstitution sera peut-être encore plus fidèle avec la nouvelle image de 717 gigapixels.
David Lee
Senior Editor
David.Lee@digitecgalaxus.chMon intéret pour l'informatique et l'écriture m'a mené relativement tôt (2000) au journalisme technique. Comment utiliser la technologie sans se faire soi-même utiliser m'intéresse. Dans mon temps libre, j'aime faire de la musique où je compense mon talent moyen avec une passion immense.
