Le son 8-bits : quésaco ?
5/1/2023
Traduction: Stéphanie Casada
D’un point de vue technique, l’appellation « son 8-bits » ne vaut rien. Cela dit, ça n’enlève rien à la fascination pour les sons rétro.
J’adore la musique 8-bits. Les mélodies joyeuses et le son unique de Super Mario Bros et autres sont restés gravés dans ma mémoire à long terme. Grâce aux sons simples de l’ordinateur et à ses mélodies enfantines, cette musique me rappelle mon enfance.
Aujourd’hui encore, on produit du son 8-bits, même plus que jamais. Les remakes d’anciens succès sont par exemple très appréciés. La chaîne Youtube 8 Bit Universe propose de nombreux tubes, de Michael Jackson à Queen, en passant par Gorillaz.
8-bits signifie 256 valeurs
Mais qu’est-ce que c’est au juste, de la musique 8-bits ? C’est loin d’être évident, bien que le 8-bits soit en soi parfaitement défini. 8-bits signifie que 2 puissance 8, soit 256 valeurs différentes, sont possibles. Par exemple, un graphique de 8 bits a 256 nuances par canal de couleur.
Cela signifie-t-il que 256 hauteurs de son différentes sont possibles pour la musique 8-bits ? Pas forcément. Selon l’appareil, il peut y en avoir plus ou moins. Même chose pour la longueur du son ou le volume. Contrairement au graphique, il n’y a pas de lien clair entre la désignation 8-bits et le nombre 256 pour le son.
Il existe également des graphiques 1-bit, des moniteurs 10-bits ou des photos 16-bits. Il s’agit toujours du nombre de couleurs pouvant être affichées simultanément. En revanche, pour la musique, il n’y a que 8-bits. Ou avez-vous déjà entendu parler de musique 10-bits ?
La seule chose qui peut être de 8-bits dans le domaine audio est la profondeur de bits, également appelée profondeur d’échantillonnage. Celle-ci n’a toutefois rien à voir avec la musique 8-bits. La musique des anciens jeux vidéo n’utilise pas l’échantillonnage ; la puce informatique génère elle-même les sons. C’est pourquoi les morceaux en 8-bits sont également appelés chiptunes.
À quoi se réfère le « 8-bits » ?
Ce terme ne fait pas référence à une propriété audio, mais à l’architecture du processeur. La musique 8-bits est donc une musique produite par un ordinateur 8-bits. Ou, du moins, un ordinateur capable de lire la musique 8-bits.
Le Commodore 64 ou la console de jeu NES de Nintendo sont par exemple dotés de tels processeurs. La console suivante, la SNES, fonctionne déjà en 16-bits, tout comme le Commodore Amiga ou les premiers ordinateurs DOS.
Le problème est que l’architecture du processeur ne dit pas grand-chose sur les capacités audio d’un appareil. De nombreux ordinateurs 8-bits ne peuvent rien émettre d’autre qu’un simple bip ou pas de son du tout. À l’autre extrémité de ce spectre se trouve le Commodore 64, qui possède sa propre puce sonore, très performante pour l’époque : le MOS Technology SID.
Celui-ci offre des possibilités similaires à celles d’un synthétiseur analogique polyphonique. Certes, il ne peut jouer que trois voix à la fois, ce qui le place derrière la NES. En revanche, le timbre des trois voix peut être modulé de manière variée. Sur la NES, il y a cinq canaux, mais leur tonalité est fixe. Et seuls trois de ces canaux peuvent jouer des mélodies. Comme le son d’une voix peut être modifié au milieu d’un morceau sur le C64, il est possible de jouer beaucoup plus de trois instruments, même si ce n’est pas en même temps.
Fake & True 8-bits
Aujourd’hui, la musique 8-bits n’est généralement plus produite sur un ordinateur 8-bits. Beaucoup de ces morceaux ne peuvent même pas être lus sur un ordinateur 8-bits. Cela n’est possible que si le musicien ou la musicienne y tient. Autrement, les outils actuels produisent des morceaux de musique trop complexes pour les systèmes 8-bits. Par exemple, lorsque des accords sont utilisés. Le nombre de trois voix est alors dépassé. Même avec des effets sonores comme la réverbération ou l’écho, n’importe quel système 8-bits serait dépassé.
Aujourd’hui, le son 8-bits peut être utilisé en combinaison avec des instruments acoustiques ou des synthétiseurs modernes. Dans ce contexte, le 8-bits est plus un instrument qu’un genre de musique.
Pour distinguer la musique comme dans la vidéo ci-dessus, on parle parfois de « true 8 bit », c’est-à-dire de vrai 8-bits. Ce que cela signifie n’est pas non plus très clair. D’après ce que j’ai compris, il s’agit de chiptunes qui pourraient théoriquement être lus par un système 8-bits. Cela exclut certes les formes mixtes et les morceaux manifestement trop complexes, mais le tout reste flou. Car, comme nous l’avons dit, chaque système 8-bits a ses particularités. De plus, la limitation à trois voix ne signifie pas que le C64 peut jouer ce morceau. Pour ce faire, il doit être converti dans un format compréhensible pour l’ordinateur.
Un style de musique avec des caractéristiques typiques
L’appellation de musique 8-bits n’a donc plus de sens ? Non. Car malgré leurs grandes différences, les sons des appareils 8-bits ont aussi des points communs. Le plus important : aucun enregistrement stocké n’est joué comme sur les ordinateurs plus modernes, mais des sons sont générés par le processeur.
Le son typique des anciens jeux vidéo est obtenu en générant de simples ondes sonores, comme un vieux synthétiseur. Chaque forme d’onde sonne un peu différemment, les formes habituelles sont le triangle, la dent de scie, le carré et le pouls. Ce dernier est un carré raccourci. Il est également possible de jouer du bruit, ce qui est important pour les effets de percussions.
Les sons qui naissent de ces formes d’ondes simples sont donc caractéristiques de la musique 8-bits. Dans la variante puriste, c’est-à-dire le « true 8 bit », il n’y a que ces sons. Il manque par conséquent des voix, des sons d’instruments réalistes et des effets de synthétiseur modernes.
La deuxième caractéristique stylistique la plus importante est l’utilisation fréquente d’arpèges ou, plus brièvement, d’arps. Un arpège est un accord dont les notes ne sont pas jouées simultanément, mais l’une après l’autre. Un bon exemple est le Prélude de Jean-Sébastien Bach en do majeur, qui ne contient pratiquement que des arpèges. Ici, sa version 8-bits.
Dans les années 70, même les synthétiseurs les plus chers ne pouvaient jouer qu’un seul son à la fois. À l’origine, les arpèges étaient une astuce utilisée dans la musique électronique pour contourner les restrictions de la polyphonie. La succession rapide de sons isolés est toutefois devenue une figure de style de la musique électronique et est utilisée même lorsque cela n’est pas techniquement nécessaire. Le terme « arp » désigne souvent la reproduction automatique d’un même son sur différentes octaves.
Pour obtenir le son de gargouillement bien connu des anciens jeux vidéo, les arpèges sont joués très rapidement. Voici un exemple tiré de l’application iPad Korg Gadget. Il s’agit d’arpèges en octaves.
La musique 8-bits va avec n’importe quel style de musique, mais certains genres se prêtent plus que d’autres. Le hip-hop et la musique sphérique ne fonctionnent en principe que lorsqu’ils sont mélangés à des sons étrangers à la puce. La musique baroque convient très bien, comme le montre l’exemple de Bach ci-dessus. Les morceaux funk s’y prêtent également bien, car les notes n’y sont souvent pas jouées simultanément, mais en décalage rythmique.
Le 8-bits est un style, pas une caractéristique technique
Le terme de musique 8-bits désigne davantage une esthétique particulière qu’un procédé technique. C’est un style. Il s’agit de reproduire le son typique d’une époque donnée, et parfois de le mélanger de manière créative avec d’autres éléments musicaux.
Le fait que les sons soient produits aujourd’hui de manière très différente que dans les années 80 peut être techniquement intéressant, mais cela ne joue aucun rôle pour les émotions. Les mixages modernes m’émeuvent encore plus que les sons originaux des jeux vidéo.
David Lee
Senior Editor
David.Lee@digitecgalaxus.chMon intéret pour l'informatique et l'écriture m'a mené relativement tôt (2000) au journalisme technique. Comment utiliser la technologie sans se faire soi-même utiliser m'intéresse. Dans mon temps libre, j'aime faire de la musique où je compense mon talent moyen avec une passion immense.