En coulisse
OLED vs. QLED: combat technologique
par Luca Fontana
Samsung tente un grand retour dans l’OLED avec sa technologie QD OLED, mais, étrangement, l’entreprise n’est pas très bavarde à ce sujet. Voici donc l’essentiel en quelques questions et réponses.
Les rumeurs disent vrai : le fabricant de téléviseurs Samsung devrait lancer son premier téléviseur OLED commercialisable cette année, comme l’a montré son apparition à la CES 2022. Cette annonce n’a rien de surprenant. En 2019 déjà, des fuites révélaient que le géant sud-coréen de la tech planifiait secrètement son retour. Il est cependant étrange que les responsables restent si discrets à ce propos.
L’OLED de Samsung semble pourtant très prometteuse. LG Display pourrait même perdre son monopole sur la fabrication de la technologie d’écran la plus avancée. En effet, contrairement à LG, Samsung combine l’OLED avec les nanoparticules connues sous le nom de Quantum Dot, qui ne sont pour le moment utilisées que dans les téléviseurs LCD.
Clarifions donc les principales questions.
Chaque pixel OLED est en fait une LED contenant du carbone. La particularité de ces pixels est qu'ils produisent ainsi non seulement l'image, mais aussi la lumière. Les pixels LCD n’en sont pas capables ; ils se contentent de produire l’image et ont besoin d’un rétroéclairage LED pour la luminosité. Or, on ne sait pas (encore) faire des LED de rétroéclairage aussi petites que les pixels. La luminosité ne peut donc pas être ajustée au pixel près et cela joue sur la qualité de l’image.
J’en parlais plus en détail dans un article précédent :
Chacune de ces deux technologies a ses avantages et ses inconvénients. L'avantage décisif des écrans OLED sur les écrans LCD réside dans l'affichage du noir absolu grâce au contrôle de la luminosité au pixel près. En résultent également de bien meilleurs contrastes. En revanche, les pixels OLED sont moins lumineux que les LED traditionnelles : Si les téléviseurs OLED fournissaient plus d'énergie à leurs pixels, c’est-à-dire plus de luminosité, ceux-ci chaufferaient plus et plus rapidement. À son tour, la chaleur accélérerait l’usure du matériel et conduirait plus rapidement à des burn-in, soit des résidus d'images fantomatiques et inesthétiques.
Dans le secteur, les avis sont néanmoins unanimes : les téléviseurs OLED produisent actuellement la meilleure image du marché et surpassent donc les téléviseurs LCD, comme l'explique l'expert CNET David Katzmaier ici. Et bien que de nombreuses marques vendent des TV OLED, toutes les dalles sont actuellement produites par un seul et même fabricant : LG.
Samsung et LG se disputent la couronne depuis des années : qui offre la meilleure technologie d’image ? LG Display est une filiale de LG et détient un véritable monopole sur les dalles OLED pour téléviseurs. En effet, contrairement à ses concurrents, LG Display a trouvé un moyen d'améliorer la luminosité de ses écrans sans augmenter de manière significative le risque de burn-in il y a plusieurs années déjà. Voici comment ça marche :
chaque téléviseur est composé de millions de pixels, disposés selon une grille. Chaque pixel individuel contient trois minuscules sous-pixels :
LG Display a ajouté un sous-pixel blanc supplémentaire à la trame RVB. Sa seule fonction est d’apporter plus de luminosité. Ainsi, la charge énergétique par sous-pixel est nettement réduite. Et donc le risque de burn-in. Le nom de cette technologie : WOLED.
Aucun autre fabricant n'a exploré la technologie WOLED aussi rapidement et efficacement que LG Display. Pas même Samsung Display, la filiale de Samsung qui fabrique des dalles TV. Et comme les coûts de recherche et de développement sont exorbitants, il est tout simplement plus facile pour tout le monde d'acheter des dalles OLED à LG Display et ainsi, de s’épargner la recherche, le développement et la fabrication. Même si aucun fabricant ne l’admet, le fait que Sony, Philips et Panasonic achètent leurs dalles OLED à LG Display est un secret de polichinelle.
Enfin, ça, c'était avant.
Non pas que Samsung n'ait jamais essayé les dalles OLED. Cependant, après une série de prototypes ratés, l'entreprise a annoncé en 2014 qu'elle se retirait du secteur des téléviseurs OLED.
Depuis lors, le fabricant s'est toujours prononcé avec véhémence contre l'OLED pour les téléviseurs, précisément en raison du risque de burn-in. Il ne serait jamais venu à l'idée du groupe sud-coréen d'admettre sa défaite et d'acheter la technologie de dalle tant convoitée à son rival LG. Au lieu de cela, Samsung a choisi de vendre ses TV LCD avec les technologies nanoparticules et mini LED comme les meilleures technologies du marché. En bref : la Neo QLED.
Mais, en dehors des cercles de Samsung et chez TCL, partenaire QLED, cette affirmation ne s’est jamais imposée. Les milieux spécialisés soupçonnent régulièrement Samsung de regretter secrètement son abandon de l'OLED, bien que la firme sud-coréenne reste le plus grand fabricant de téléviseurs du monde.
Part de marché des TV en termes de livraisons
Depuis, les améliorations technologiques en question semblent avoir été mises en place avec succès. La présence de Samsung et la présentation de sa première TV OLED commercialisable à la dernière CES a donc tout d’un événement historique. La TV n’a pas encore de nom officiel, mais, dans le milieu, on parle généralement de Quantum Dot OLED, aussi abrégé QD OLED.
LG a introduit le sous-pixel blanc afin de produire une image encore plus lumineuse sans risquer davantage de burn-in. Samsung mise, quant à elle, sur les nanoparticules déjà utilisées pour ses téléviseurs LCD afin d'obtenir une lumière particulièrement pure. Cela rend les téléviseurs à nanoparticules meilleurs que les téléviseurs LCD normaux. Samsung veut maintenant appliquer le même principe aux téléviseurs OLED.
Comment ? Déja, Samsung n'utilisera que des OLED bleues. Au lieu de miser sur les classiques filtres de couleur comme LG, Samsung intègre une couche de nanoparticules qui absorbe la lumière bleue des OLED et la recolore. La technologie tire parti d’un phénomène physique qui joue sur la taille des nanoparticules pour créer de nouvelles vibrations ciblées que nous percevons comme des couleurs. Le tout, sans perte de luminosité. Cette couche a été baptisée « quantum dot color converter », soit QDCC.
C'est juste un petit changement dans l'architecture d'un pixel OLED, mais l’impact potentiel est énorme.
En théorie, oui. Samsung veut combiner le meilleur des deux mondes dans ses écrans QD OLED. Concrètement :
L'idée d'utiliser des nanoparticules pour remplacer les filtres de couleur n'est pas simplement bonne, elle est géniale. Les filtres de couleur de LG présentent en effet un inconvénient technologique. Petit rappel : un pixel WOLED se compose de quatre sous-pixels. Dans chaque sous-pixel, les OLED rouges, vertes et bleues rayonnent avec la même intensité, ce que nous percevons comme du « blanc ». Les filtres placés au-dessus bloquent ensuite les couleurs indésirables. Par exemple, vert et bleu si le sous-pixel doit être rouge. Chaque sous-pixel reçoit ainsi la couleur qui lui est attribuée.
Voici une représentation visuelle du fonctionnement :
Le problème ? À chaque filtre, la luminosité des couleurs est également réduite. D'où le sous-pixel blanc supplémentaire de LG. Cela rend certes l'image plus lumineuse, mais a aussi tendance à légèrement décolorer les autres couleurs. Non pas que les couleurs OLED soient mauvaises pour autant, bien au contraire. Mais cela n’exploite pas tout leur potentiel. J’explique la physique derrière tout ça dans cet article (en allemand) :
Les nanoparticules, quant à elles, ne filtrent pas la lumière, mais colorent la lumière OLED bleutée. C’est une différence capitale, car ça signifie qu’avec les pixels QD OLED, les couleurs ne perdent pas en luminance ou justement, en luminosité. Les nanoparticules permettent ainsi d’exploiter tout le potentiel des OLED. Concrètement :
Rappelons que le risque de burn-in augmente avec l’augmentation de l’apport d’énergie et donc de la chaleur. Sa nouvelle architecture permet à Samsung de contourner tout cela. Du moins en théorie.
Oui, notamment par Linus Tech Tips. Il semble confirmer la théorie, même si ses rapports sont pour l'instant à prendre avec des pincettes. Linus a été invité à tester la technologie par Samsung et il affirme lui-même que Samsung a financé sa vidéo.
Linus est toutefois reconnu comme expert dans le domaine et son opinion a du poids. De plus, Linus ajoute que Samsung n’aurait jamais laissé un testeur externe essayer une nouvelle technologie à l'avance, et encore moins avec du matériel et des contenus externes et des appareils appartenant au testeur et pas à Samsung. Si cela est avéré, ça témoigne de la grande confiance qu’a Samsung dans sa technologie.
Les chiffres que Linus présente dans sa vidéo sont en tout cas impressionnants. Intéressons-nous d’abord à la luminosité en comparant avec l’Evo-OLED de LG et la Neo-QLED de Samsung de l'année dernière. J’ai trouvé les chiffres relatifs à ces deux TV sur rtings.com. Les colonnes indiquent la proportion de la zone d’écran mesurée, c’est-à-dire 2 %, 50 % et 100 % de l’écran.
CPI | Tatsächlich gemessen CPI | prozentuale Abweichung |
---|---|---|
400 | 401 | +0,5 |
800 | 819 | +2,5 |
1600 | 1611 | +0,5 |
3200 | 3196 | 0 |
La luminosité générale du téléviseur (100 % de l’écran) nous indique qu’il n'y a guère de différence entre les dalles QD OLED et WOLED ; dans les pièces lumineuses, les téléviseurs LCD seront toujours gagnants. En revanche, la comparaison d’une zone équivalent à 2 % de la surface totale est plus impressionnante. Tel un lièvre pris dans les phares d’une voiture, je reste bouche bée devant les chiffres : la QD OLED surpasse même la LCD. Les TV QD OLED peuvent en outre émettre ponctuellement un rayonnement nettement plus lumineux que les téléviseurs WOLED. Et ce, sans sous-pixel blanc supplémentaire. Cela signifie plus de luminance, de meilleurs contrastes et donc des couleurs plus vives.
Ces chiffres sont justement certifiés par SGS, l'un des principaux groupes internationaux de vérification des biens, comme l’a indiqué Samsung dans un communiqué de presse. La couverture de deux espaces chromatiques a été mesurée : d'une part, l'espace colorimétrique DCI-P3, actuellement le plus utilisé pour les contenus HDR et Dolby Vision. D'autre part, le BT.2020, également connu sous le nom de Rec.2020, qui est considéré comme l'espace colorimétrique du futur. Voici encore une fois les valeurs de la TV QD OLED, avec celles de l’Evo OLED et de la Neo QLED à titre comparatif.
DCI-P3 | BT.2020 / Rec.2020 | |
---|---|---|
WOLED
(LG G1 Evo OLED) | 99,79 % | 77,17 % |
Neo QLED
(Samsung QN90A) | 95,52 % | 76,49 % |
QD-OLED | >120 % | >90 % |
La QD OLED surpasse de loin les autres technologies. Elle les envoie littéralement au tapis. Il ne sera sans doute pas nécessaire d’effectuer plus de tests pour prédire dès maintenant que la QD OLED produira la meilleure qualité d’image dans les prochaines années.
Oui, mais pas dans un avenir immédiat. La position de monopole actuelle de LG Display est trop forte pour cela. Sans oublier que LG Display est encore le seul producteur de dalles OLED pour les téléviseurs. Enfin, Sony va couper l’herbe sous le pied de Samsung et lancera le premier téléviseur QD OLED.
Minute, minute...
Le fabricant japonais Sony est, en effet, le seul à ce jour à avoir déjà annoncé un modèle concret, le Sony Bravia A95K, dans la photo d’en-tête. La TV pourrait être lancée dès le mois de mai. Interrogé par la rédaction, le fabricant n'a pas souhaité dire où Sony se procurait sa dalle QD OLED. Il est toutefois évident que Sony se fournit chez Samsung Display.
Samsung elle-même prévoit de lancer son premier téléviseur QD OLED dans l’année, mais Samsung Suisse n’a pas su préciser la date.
Selon des sources bien informées du secteur, la commercialisation pourrait bien avoir été retardée à cause de querelles internes entre Samsung et Samsung Display. Pourrait. La rumeur n’a pas été confirmée.
Samsung Display fera probablement tourner ses usines de dalles QD OLED en fonction de la demande du marché. Cette dernière dépendra à son tour du prix des téléviseurs. Pour le moment, ce prix n’est connu de personne, pas même de Sony. On peut donc douter que la technologie QD OLED provoque à court terme de grands bouleversements sur le marché des téléviseurs.
Non, les experts du secteur, dont Caleb Denison de digital Trends, estiment que les premiers téléviseurs QD OLED seront encore bien trop chers pour la plupart d'entre nous dans les années à venir. Cela correspond à ce que des sources bien informées m'ont dit jusqu'à présent : le prix de vente d'un modèle de 65 pouces devrait se situer entre 4500 et 5000 francs environ. Grosso modo.
LG Display a, en revanche, consolidé la position de la technologie WOLED sur le marché au cours des dernières années : la technologie est plus sophistiquée, plus efficace et moins chère à produire que jamais. De plus en plus de personnes peuvent s'offrir les téléviseurs OLED, autrefois si chers. En outre, tant que la QD OLED ne sera pas plus largement disponible, l’OLED restera la technologie produisant la meilleure image du marché.
La déclaration suivante de Sony va d’ailleurs dans ce sens :
Cela pourrait également être une des raisons pour lesquelles Samsung s'est montré jusqu'à présent si étrangement discret en ce qui concerne sa propre nouvelle technologie QD OLED : elle est encore trop chère pour mettre rapidement un terme à la WOLED. C’est d’ailleurs pour la même raison que Samsung travaille depuis des années sur la MicroLED, une technologie LCD censée détrôner définitivement l’OLED. Prochainement. L’année prochaine. Ou peut-être la suivante. La firme sud-coréenne repousse le lancement sur le marché de la MicroLED pour les particuliers depuis des années déjà. Comment vendre et où caser la QD OLED ? Cette question doit hanter les nuits du département marketing de Samsung.
LG Display a donc encore le temps de répondre avec sa propre TV QD OLED, elle n’aura pas le choix. LG n'achètera pas plus de dalles à son rival que Samsung n'en a acheté à LG Display pendant toutes ces années. C'est tout à notre avantage, à nous les consommateurs. La concurrence stimule non seulement les affaires, mais fait aussi baisser les prix.
LG Suisse n’a pas souhaité commenter ou répondre à nos questions sur la technologie QD OLED.
Mise à jour du 18 mars, 13h55:
Heise Online affirme avoir découvert des faiblesses flagrantes dans le QD-OLED de Samsung. Qu'en est-il ?
[[page marketing : 23137]]
Merci à la section des commentaires de nous l'avoir signalé !
Vivre des aventures et faire du sport dans la nature et me pousser jusqu’à ce que les battements du cœur deviennent mon rythme – voilà ma zone de confort. Je profite aussi des moments de calme avec un bon livre sur des intrigues dangereuses et des assassins de roi. Parfois, je m’exalte de musiques de film durant plusieurs minutes. Cela est certainement dû à ma passion pour le cinéma. Ce que j’ai toujours voulu dire: «Je s’appelle Groot.»