Un supplément sportif aide à lutter contre la fatigue post-Covid-19
En coulisse

Un supplément sportif aide à lutter contre la fatigue post-Covid-19

Claudio Viecelli
4/12/2023
Traduction: Odile Nerfin

La créatine est l’un des compléments alimentaires les plus appréciés des sportifs pour améliorer leurs performances. Peut-elle également être utile contre le syndrome d’épuisement après une infection au Covid-19 ?

Le syndrome d’épuisement post-viral est une maladie neurologique de longue durée que l’on connaît aussi sous le nom de fatigue chronique. Cette pathologie se caractérise par l’incapacité de participer à des activités quotidiennes qui étaient tout à fait faisables par le passé. Les symptômes persistent parfois pendant plus de six mois. Les personnes concernées ressentent une fatigue intense et ne jouissent pas d’un sommeil réparateur. Ce syndrome peut apparaître après une infection virale [1]. La pandémie causée par un coronavirus a entraîné une augmentation du nombre de personnes souffrant d’un syndrome d’épuisement. Jusqu’à 45 % des personnes ayant souffert du Covid-19 sont touchées par le syndrome d’épuisement [2-5]. La créatine peut-elle y remédier ?

Avant de pouvoir répondre à cette question, je vais vous expliquer ce qu’est la créatine et comment elle fonctionne dans le corps humain.

La créatine, qu’est-ce que c’est exactement ?

En 1832, le chimiste français Michel-Eugène Chevreul a découvert que la créatine était un composant naturel de la viande [6]. La créatine est également présente dans le poisson [7,8] et joue un rôle central dans le métabolisme musculaire. Avec 6,5 à 10 g/kg, c’est le hareng qui fournit le plus de créatine, alors que le saumon en apporte environ 4,5 g/kg. La viande de bœuf contient à peu près la même quantité de créatine que le saumon [6].
Les enzymes nécessaires à la production de créatine se trouvent dans le foie, dans le pancréas et dans les reins. Le processus biochimique est le suivant : la créatine est produite par trois acides aminés et passe dans le sang pour atteindre les muscles, où l’on retrouve plus de 95 % de la créatine disponible. Le reste de la créatine se trouve dans divers tissus, notamment le cerveau, les yeux, les reins, le gros intestin, l’intestin grêle et les testicules [9-12].

Au cours d’une journée, l’organisme humain synthétise et consomme environ 2 g de créatine. Le dépôt de créatine dans les muscles peut atteindre 14 à 20 g/kg de masse musculaire sèche [13]. La dégradation de la créatine conduit à la créatinine qui, comme la créatine, est éliminée de l’organisme par les reins. La créatine est absorbée par le tractus gastro-intestinal. Elle rejoint les tissus correspondants via la circulation sanguine [14]. Le taux d’absorption de la créatine monohydrate (c’est la forme de créatine la plus vendue) est de presque 100 % [15]. Dès 1992, Harris et al. [16] ont montré qu’une supplémentation de 20 à 30 g/jour, administrée par doses de 5 g, permettait d’augmenter jusqu’à 20 % la teneur intramusculaire en créatine chez l’être humain. Aujourd’hui, la créatine fait partie des compléments alimentaires les plus étudiés et les plus scientifiquement fondés du marché [7,17].

Comment la créatine fonctionne-t-elle dans les muscles ?

Dans le muscle, la créatine est phosphorylée [14]. Cela signifie qu’un groupe phosphate est ajouté à la créatine. La créatine phosphorylée qui en résulte est alors appelée phosphocréatine. Elle joue un rôle fondamental dans le métabolisme musculaire. En effet, la phosphocréatine est en mesure de produire et de recycler l’adénosine triphosphate (ATP). Pour qu’un muscle puisse effectuer un travail mécanique, il a besoin d’énergie, qu’il reçoit sous forme d’ATP. L’ATP peut être produit dans le muscle par plusieurs processus métaboliques. Il peut être obtenu par la dégradation des acides gras, des glucides, de la glycolyse ou, précisément, de la phosphocréatine. Or, ces processus métaboliques se déroulent à des rythmes différents. La dégradation des acides gras fournit le plus d’ATP, mais c’est aussi le processus le plus lent [18]. En revanche, la phosphocréatine permet de synthétiser très rapidement de l’ATP, mais elle est moins performante pour dégrader des lipides ou des glucides [18]. Si l’on augmente le taux de phosphocréatine dans le muscle, on accroît la capacité de production et de recyclage de l’ATP. Cela augmente l’apport énergétique pendant l’entraînement et permet de prolonger ce dernier.

Et maintenant, revenons à la question posée au début : la créatine peut-elle être utilisée comme forme de thérapie contre le syndrome d’épuisement Covid-19 en raison de ses propriétés et de ses fonctions dans l’organisme humain ?

La créatine pour lutter contre le Covid long

Un groupe de recherche guidé par Slankamenac et al. [19] s’est penché sur la question de savoir si la créatine pouvait aider à lutter contre le syndrome d’épuisement après une infection au Covid-19. Dans un essai clinique randomisé en double aveugle, les scientifiques ont comparé ce qui se passait quand les patients prenaient un placebo ou, au contraire, une supplémentation en créatine monohydrate. Pour ce faire, ils ont recruté 12 patients souffrant d’un syndrome d’épuisement apparu après un Covid-19. Le groupe « créatine monohydrate » a reçu 4 g de créatine monohydrate par jour pendant 6 mois. Quant au groupe « placebo », il a absorbé 4 g d’inuline (c’est un prébiotique). L’évaluation a porté sur les éléments suivants : la fatigue ; le taux de créatine dans les tissus ; les rapports des patients ; le temps de marche jusqu’à l’épuisement ; l’apparition et la gravité des effets secondaires. Ces aspects ont été relevés au début de l’étude, après trois mois et après six mois.

Les résultats

Le niveau de créatine dans le muscle vaste médial (il se trouve sur la face médiale de la cuisse) était significativement plus élevé dans le groupe « créatine monohydrate » (P < 0,01) par rapport au groupe « placebo ». C’était également le cas pour la teneur en créatine dans le cerveau (P < 0,01). Par ailleurs, la créatine a réduit les douleurs pulmonaires et corporelles dans le groupe « créatine monohydrate » et a augmenté la concentration de ces personnes. Un patient a signalé de légères nausées passagères après la prise de créatine monohydrate, mais aucun autre effet secondaire n’a été rapporté.

La créatine n’est pas un remède miracle contre le syndrome d’épuisement lié au Covid-19. Cependant, l’étude scientifique a permis de montrer qu’il augmente l’énergie disponible dans les tissus et atténue les symptômes cliniques du syndrome. C’est pourquoi la créatine monohydrate peut apporter un soulagement et être utilisée comme complément alimentaire sûr pour lutter contre le syndrome d’épuisement post Covid-19.

Références

  1. Morris G, Berk M, Walder K, Maes M. The Putative Role of Viruses, Bacteria, and Chronic Fungal Biotoxin Exposure in the Genesis of Intractable Fatigue Accompanied by Cognitive and Physical Disability. Mol Neurobiol 2015 534. Springer; 2015;53: 2550–2571. doi:10.1007/S12035-015-9262-7
  2. Alkodaymi MS, Omrani OA, Fawzy NA, Shaar BA, Almamlouk R, Riaz M, et al. Prevalence of post-acute COVID-19 syndrome symptoms at different follow-up periods: a systematic review and meta-analysis. Clin Microbiol Infect. Elsevier; 2022;28: 657–666. doi:10.1016/J.CMI.2022.01.014
  3. Komaroff AL, Bateman L. Will COVID-19 Lead to Myalgic Encephalomyelitis/Chronic Fatigue Syndrome? Front Med. Frontiers Media S.A.; 2021;7: 606824. doi:10.3389/FMED.2020.606824/BIBTEX
  4. Premraj L, Kannapadi N V., Briggs J, Seal SM, Battaglini D, Fanning J, et al. Mid and long-term neurological and neuropsychiatric manifestations of post-COVID-19 syndrome: A meta-analysis. J Neurol Sci. Elsevier; 2022;434: 120162. doi:10.1016/J.JNS.2022.120162
  5. Simani L, Ramezani M, Darazam IA, Sagharichi M, Aalipour MA, Ghorbani F, et al. Prevalence and correlates of chronic fatigue syndrome and post-traumatic stress disorder after the outbreak of the COVID-19. J Neurovirol. Springer Science and Business Media Deutschland GmbH; 2021;27: 154–159. doi:10.1007/S13365-021-00949-1/TABLES/2
  6. Balsom PD, Söderlund K, Ekblom B. Creatine in Humans with Special Reference to Creatine Supplementation. Sport Med. 1994;18: 268–280. doi:10.2165/00007256-199418040-00005
  7. Kerksick CM, Arent S, Schoenfeld BJ, Stout JR, Campbell B, Wilborn CD, et al. International society of sports nutrition position stand: Nutrient timing. J Int Soc Sports Nutr. Journal of the International Society of Sports Nutrition; 2017;14: 1–21. doi:10.1186/s12970-017-0189-4
  8. Kreider RB, Kalman DS, Antonio J, Ziegenfuss TN, Wildman R, Collins R, et al. International Society of Sports Nutrition position stand: safety and efficacy of creatine supplementation in exercise, sport, and medicine. J Int Soc Sport Nutr 2017 141. BioMed Central; 2017;14: 1–18. doi:10.1186/S12970-017-0173-Z
  9. Walker JB. Creatine: Biosynthesis, Regulation, and Function. Adv Enzymol Relat Areas Mol Biol. John Wiley & Sons, Ltd; 1979;50: 177–242. doi:10.1002/9780470122952.CH4
  10. Nash SR, Giros B, Kingsmore SF, Rochelle JM, Suter ST, Gregor P, et al. Cloning, pharmacological characterization, and genomic localization of the human creatine transporter. Receptors Channels. 1994;2: 165–174. Available: https://europepmc.org/article/med/7953292
  11. Sora I, Richman J, Santoro G, Wei H, Wang Y, Vanderah T, et al. The Cloning and Expression of a Human Creatine Transporter. Biochem Biophys Res Commun. Academic Press; 1994;204: 419–427. doi:10.1006/BBRC.1994.2475
  12. Guimbal C, Kilimann MW. A Na(+)-dependent creatine transporter in rabbit brain, muscle, heart, and kidney. cDNA cloning and functional expression. J Biol Chem. Elsevier; 1993;268: 8418–8421. doi:10.1016/S0021-9258(18)52891-X
  13. Harris RC, Hultman E, Nordesjö LO. Glycogen, glycolytic intermediates and high-energy phosphates determined in biopsy samples of musculus quadriceps femoris of man at rest. Methods and variance of values. Scand J Clin Lab Invest. Informa Healthcare; 1974;33: 109–120. doi:10.1080/00365517409082477
  14. Persky AM, Brazeau GA, Hochhaus G. Pharmacokinetics of the dietary supplement creatine. Clin Pharmacokinet. Adis International Ltd; 2003;42: 557–574. doi:10.2165/00003088-200342060-00005
  15. Rawson ES, Clarkson PM, Price TB, Miles MP. Differential response of muscle phosphocreatine to creatine supplementation in young and old subjects. Acta Physiol Scand. John Wiley & Sons, Ltd; 2002;174: 57–65. doi:10.1046/J.1365-201X.2002.00924.X
  16. Harris RC, Soderlund K, Hultman E. Elevation of creatine in resting and exercised muscle of normal subjects by creatine supplementation. Clin Sci. Portland Press; 1992;83: 367–374. doi:10.1042/CS0830367
  17. Maughan RJ, Burke LM, Dvorak J, Larson-Meyer DE, Peeling P, Phillips SM, et al. IOC Consensus Statement: Dietary Supplements and the High-Performance Athlete. Int J Sport Nutr Exerc Metab. Human Kinetics; 2018;28: 104–125. doi:10.1123/IJSNEM.2018-0020
  18. Sahlin K, Tonkonogi M, Söderlund K. Energy supply and muscle fatigue in humans. Acta Physiol Scand. John Wiley & Sons, Ltd; 1998;162: 261–266. doi:10.1046/J.1365-201X.1998.0298F.X
  19. Slankamenac J, Ranisavljev M, Todorovic N, Ostojic J, Stajer V, Ostojic SM. Effects of six-month creatine supplementation on patient- and clinician-reported outcomes, and tissue creatine levels in patients with post-COVID-19 fatigue syndrome. Food Sci Nutr. John Wiley & Sons, Ltd; 2023; doi:10.1002/FSN3.3597

Cet article plaît à 179 personne(s)


User Avatar
User Avatar

Biologiste moléculaire et musculaire. Chercheur à l'ETH Zurich. Athlète de force.


Ces articles pourraient aussi vous intéresser

Commentaire(s)

Avatar