Dans les coulisses

« Je n’ai pas besoin de pussyhat, je vis l’égalité »

Sharon Zucker
10/5/2022
Traduction: Sophie Boissonneau
Photos: Thomas Kunz

Johanna Haller est Senior Supply Chain Process Engineer chez Digitec Galaxus. Je ne suis pas la seule à avoir eu du mal à me souvenir de l'intitulé de son poste, Johanna aussi est ravie de ne pas avoir à se présenter trop souvent. Elle m'a parlé de son travail et du rôle important que joue l’éducation dans le choix d’une profession pendant notre interview au centre logistique de Wohlen.

L’intitulé de ton poste est follement compliqué, je n’arrive pas à le mémoriser. Que cache cette appellation ?
Le terme « senior » représente mon âge, parce que je n'ai plus 30 ans (rires)... Non, non, en vrai cela signifie que j'ai beaucoup d'expérience et que je ne suis plus une newbie.
En tant que Supply Chain Process Engineer, je participe à différents projets visant à optimiser les processus liés à la logistique ou à en créer de nouveaux.

Johanna Haller dans la picktower.
Johanna Haller dans la picktower.

Tu peux me donner des exemples ?
Mon domaine c’est le « picking », c’est-à-dire l’endroit où les marchandises sont stockées et préparées pour l’emballage. Nous avons récemment transformé une partie de l'entrepôt, la picktower, en passant de boîtes contenant un seul et unique article à une méthode de stockage chaotique. Ca sonne pire que ça ne l’est vraiment. En fait, ça ne ressemble pas du tout à une table de vide grenier. Nous voulions rendre le picking plus efficace et stockons donc désormais jusqu'à cinq articles différents par contenant. Il nous faut donc déterminer quels produits réunir et comment, afin que les collaborateur·trices de la picktower puissent travailler le plus efficacement possible.

Quel est ton plus gros projet actuellement ?
Actuellement, je travaille presque à plein temps pour le projet qu’on appelle « Space Race » qui consiste à construire deux nouveaux entrepôts à Wohlen. Je suis responsable de la partie IT et processus du projet et je veille à ce que tous les flux de marchandises et processus liés à cette extension aient bien lieu. Par exemple, si quelqu'un commande deux articles, dont l'un se trouve dans la Picktower et l'autre dans le nouvel entrepôt, je dois m'assurer qu'un contenant pour le transport passe de la picktower au nouvel entrepôt, puis au service d'emballage. Le projet sera opérationnel en août 2023.

Le site de construction de Space Race, dont la mise en service est prévue pour août 2023.
Le site de construction de Space Race, dont la mise en service est prévue pour août 2023.

On peut la plupart du temps te joindre en ligne, te trouves-tu souvent à l’entrepôt ?
Au moins toutes les deux semaines. J'ai beaucoup de contacts avec des fournisseurs de différents pays, sans compter les collègues de Zurich. Tout se passe en ligne. Bien sûr, je pourrais aussi travailler au bureau de Wohlen, mais je suis plus tranquille à la maison. J’ai besoin de tranquillité, car mon travail requiert une grande concentration. De plus, à Wohlen, aucun chat ne vient se poser sur mes genoux (rire). Je trouve ça génial d'avoir cette possibilité de travail à domicile. Mais bien sûr, il est très important pour mon travail de me rendre fréquemment sur place.

Tu es l'une des trois femmes du département Process Engineering. La logistique est encore largement entre les mains des hommes. Pourquoi n’y a-t-il pas plus de femmes dans ce secteur ?
Je suis convaincue que l’éducation joue un rôle essentiel. En tout cas, ça a été mon cas.

Alors, tu as eu des parents cools qui t'ont visiblement éduquée différemment !
Ma mère est probablement l'une des femmes les plus émancipées. Non seulement parce qu’elle est souvent intervenue sur l’égalité des chances, mais aussi parce qu'elle nous a toujours montré l'exemple, à moi et à mes sœurs. Et mon père aussi ! Il faut les deux.
Mes parents travaillaient 24 heures sur 24. Ils géraient un hôtel-restaurant et une boulangerie. Peu importe qui faisait quoi, ils étaient absolument égaux. Aussi bien pour la garde des enfants que pour le travail. Avec mes parents, j’ai vu que chacun devait pouvoir tout faire. Ainsi, il ne m’est jamais venu à l’idée qu’en tant que femme, je ne devrais pas étudier le génie mécanique.

Ces études n’ont cependant rien à voir avec la profession de tes parents ?
Non, mais le fait d’avoir toujours vu mes parents sur un pied d’égalité, travailler tous les deux et partager la garde des enfants m'a marqué et m'a conduite à être ouverte à tout type de profession, qu'elle soit connotée masculine ou féminine. En outre, j'étais dès mon plus jeune âge très attirée par les mathématiques, choisir une filière technique était donc une évidence pour moi.

Le fait que j’apprécie une personne ou qu’on s’entende bien au travail n’a rien à voir avec le genre ou le sexe.
Johanna Haller

Tu as donc toujours eu plus affaire à des hommes qu’à des femmes ?
Oui, mais cela n'a jamais eu d'importance pour moi. Le fait que j’apprécie une personne ou qu’on s’entende bien au travail n’a rien à voir avec le genre ou le sexe.

Quelle attitude remarquable ! Les femmes sont pourtant encore bien rares dans ta profession. Comment recruter plus de femmes ?
Dans mes emplois précédents, j’étais la seule femme. Chez Digitec Galaxus c’est déjà beaucoup mieux. Les personnes qui se réorientent professionnellement sont les bienvenues chez nous. Il faut pouvoir comprendre et organiser des processus, on s’en sort même sans avoir fait d’études techniques. Et bien sûr, plus il y aura de femmes dans les métiers techniques et plus elles seront visibles, plus les jeunes filles seront attirées par ces métiers. Il s’agit, là encore, de montrer l’exemple. Je n’ai pas de pussyhat à la maison (rires), mais je suis ingénieure en mécanique et je travaille comme ingénieure de processus. Je montre dans la pratique que les femmes peuvent exercer un tel travail aussi bien que les hommes. Nous devons malgré tout continuer à nous battre pour l'égalité, et ce aussi fort et longtemps que nécessaire, jusqu'à ce que chacun et chacune l'ait compris. Nous sommes malheureusement encore loin du but.

As-tu l’impression que parce que tu es une femme, tu dois en faire deux fois plus pour être prise au sérieux dans ton travail ?
Ca a pu être le cas avant, mais plus aujourd’hui. Bien sûr, le fait que je sois très compétente dans mon domaine, que j'aie d'énormes connaissances et que je sois aussi plus âgée que la plupart de mes collaborateur·trices et même que mon chef joue en ma faveur. Mais que je sois une femme ou un homme n'a absolument aucune importance. Ce qui compte, c’est moi en tant que personne et le travail que j’accomplis.

Cette attitude est-elle donc spécifique à Digitec-Galaxus ?
Difficile à dire. La moyenne d’âge assez basse de 32 ans y est certainement pour quelque chose. Mes collègues qui ont 30 ans et sont pères travaillent tout naturellement à temps partiel et mènent une vie de couple égalitaire, y compris s’agissant la garde des enfants. Cela contribue à ce que l’on soit tous égaux dans l’entreprise, quels que soient le sexe et la fonction.

Le stockage totalement chaotique de la picktower.
Le stockage totalement chaotique de la picktower.

Qu'est-ce qui est le plus important pour toi dans le travail, en plus de l’égalité ?
L'enseignement et l'apprentissage sont nos plus grands leviers d’action pour changer les choses. Et ici, je peux justement faire profiter des collaborateurs et des collaboratrices de mon expérience tout en apprenant d’eux. Cela me donne la possibilité de me développer et de me perfectionner, d'élargir mes horizons et d'apporter mes idées et de les mettre en œuvre. Nous profitons d’un espace incroyable pour être créatifs et essayer de nouvelles choses, ce que j'apprécie énormément. Enfin, nous rions beaucoup et c’est très important à mes yeux ! (rire)

Parlons encore des femmes. Aimerais-tu que votre équipe accueille plus de femmes ?
Non ! (rire) Si, bien sûr, mais finalement, je veux surtout avoir de bonnes personnes dans l'équipe.

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Les histoires et les gens me fascinent, je suis donc à la recherche des meilleures histoires de l'univers Digitec Galaxus. Dans ma deuxième vie, je foule les planches – parfois installées dans un cimetière – en tant que comédienne et modératrice et j'ai déjà doublé une citrouille et une vache pour des films publicitaires. 

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