Allergie au soleil : une personne sur dix est concernée, et la tendance est à la hausse
En coulisse

Allergie au soleil : une personne sur dix est concernée, et la tendance est à la hausse

Daniela Schuster
4/7/2023
Traduction: Elvina Tran

Se laisser caresser par le soleil ? Certaines personnes préfèrent y renoncer. En effet, leur peau photosensible réagit aux rayons UV par des démangeaisons. À l’origine de ce phénomène se trouve une allergie qui dans 90 % des cas n’en est pas une au sens strict du terme.

Imaginez que vous soyez un mannequin en train de faire un shooting sous les palmiers. Mais au lieu d’une belle peau bronzée, ce sont des pustules qui démangent, des plaques qui brûlent, des rougeurs, des gonflements et des cloques qui apparaissent sur les photos. C’est exactement ce qui est arrivé à David Koch, l’un des mannequins allemands les plus célèbres sur la scène internationale. Il souffre de ce que l’on appelle une lucite polymorphe (LP). Elle représente environ 90 % de toutes les photodermatoses et lucites, et compte ainsi parmi les maladies de la peau les plus fréquemment déclenchées par la lumière du soleil.

Pas une allergie, mais une réaction excessive

Dans le langage populaire, on parle d’allergie au soleil pour désigner des symptômes tels que ceux présentés par David Koch. « La LP n’a toutefois rien à voir avec une allergie au sens classique du terme, dans laquelle le corps réagit à un corps étranger en produisant des anticorps », explique le professeur Ichiro Okamoto, médecin-chef à l’hôpital universitaire de dermatologie de Vienne. La peau ne réagit pas de manière allergique – en tout cas, aucun allergène qui se forme dans le corps suite à l’exposition au soleil n’a pu être identifié jusqu’à présent – il s’agit « seulement » d’une réaction excessive aux rayons UV, en particulier aux UVA (longueur d’onde 340-400 nm).

Normalement, la peau se modifie sous l’effet du soleil : elle bronze et s’épaissit, ce qui est toléré par les défenses naturelles de l’organisme. Les raisons pour lesquelles il en va autrement chez les personnes atteintes de LP et ce qui se cache exactement derrière la réaction excessive du système immunitaire n’ont pas encore été suffisamment étudiées. « Il est possible que le stress oxydatif joue un rôle. En effet, les rayons UVA entraînent la formation de radicaux libres agressifs dans la peau, qui jouent un rôle important dans les réactions inflammatoires », explique le professeur. « On pense que les mécanismes de défense des cellules sont altérés chez les personnes atteintes de LP, contrairement aux personnes en bonne santé, ce qui explique pourquoi la peau ne peut pas se défendre contre les radicaux libres. »

Quand les vacances à la plage ne sont pas un plaisir

Pour la plupart des personnes concernées, la lucite polymorphe ne met pas en danger leur carrière, comme c’est le cas pour David Koch. En effet, comme l’indique l’adjectif « polymorphe » (multiforme), les symptômes peuvent être très différents d’une personne à l’autre, et leur intensité varie également.

« Beaucoup s’en accommodent, seules 5 % consultent un médecin », explique le dermatologue Dr Dierk Steinmann de Trèves. Elles sont toutefois nombreuses à redouter les vacances à la plage ou la pause de midi en plein air. « Les manifestations cutanées inesthétiques et surtout les démangeaisons peuvent fortement nuire à la qualité de vie des personnes concernées », confirme le professeur Dr Ichiro Okamoto.

Au moins une personne sur dix est concernée

D’après le service d’immunologie de Zurich, 10 à 20 % de la population souffrent d’une LP sous nos latitudes, et la tendance est à la hausse. Dans neuf cas sur dix, elle touche les femmes, la plupart du temps pour la première fois avant l’âge de trente ans, et ce, lorsque la peau est à nouveau exposée à un rayonnement solaire intense après une longue période d’abstinence.

« C’est pourquoi le pic d’apparition de la LP se situe au printemps et au début de l’été », explique le Dr Steinmann. En dehors de cette saison, elle touche les voyageurs qui se rendent dans des régions ensoleillées de l’hémisphère sud. Quelques heures à quelques jours après les premiers bains de soleil prolongés, les personnes concernées développent sur les parties du corps déshabituées au soleil des rougeurs qui démangent avec des boutons ou des vésicules. Et si, chez les adultes, la LP se manifeste souvent au niveau du cou, des mains, des bras, du décolleté et des jambes, chez les enfants, le visage est souvent touché lui aussi.

Choisir la protection solaire qui convient

La bonne nouvelle, c’est que contrairement aux coups de soleil, il n’y a pas de dommages cutanés permanents. Dans de nombreux cas, l’exposition répétée au soleil entraîne en outre un effet d’accoutumance, avec une diminution des symptômes. Malheureusement, cet effet ne dure qu’une saison. Une nouvelle poussée a généralement lieu l’année suivante.

Ne serait-ce que pour l’éviter ou du moins la maîtriser, la LP doit être diagnostiquée. En effet, après avoir établi le diagnostic, le dermatologue vous donne également des conseils de prévention et de comportement appropriés pour vous protéger du soleil si vous ne pouvez ou ne voulez pas l’éviter. « Pour une protection normale contre les coups de soleil, les filtres UVB suffisent.Les personnes atteintes de LP doivent toutefois utiliser des protections physiques qui contiennent également des filtres UVA très efficaces avec un facteur 30 au minimum », conseille le Dr Steinmann.

On recommande surtout les produits contenant par exemple de l’alpha-glucosylrutine. « Pour prévenir par exemple l’acné de Majorque (voir ci-dessous), il faut en outre privilégier les produits non parfumés et, pour les adultes, les gels. Les produits doivent également être appliqués à temps. Il leur faut 30 minutes pour être efficaces. Et si vous nagez ou faites du snorkeling, vous avez bien sûr besoin de produits résistants à l’eau. »

Se préparer au soleil

Il est également important d’augmenter progressivement l’exposition au soleil, par exemple en faisant la sieste à l’ombre l’après-midi lors des premiers jours de vacances au bord de la mer ou en portant des vêtements légers et un chapeau à larges bords pendant les heures les plus ensoleillées. « Pour certains cas très graves, la luminothérapie peut également être utile », explique le Dr Steinmann. « Il s’agit de préparer la peau à une exposition solaire prononcée, par exemple quatre semaines avant des vacances à la mer, en exposant le corps à des doses croissantes de rayons UVA ou UVB, en fonction de la composante du rayonnement solaire qui provoque la lucite, ce que l’on peut déterminer grâce à un test. Pour éviter tout surdosage, le traitement doit être effectué par un dermatologue. »

Il est également possible de se constituer au moins une petite protection solaire de l’intérieur, en prenant régulièrement des capsules de bêta-carotène, environ quatre à cinq semaines avant le début des vacances. « Ce colorant végétal se dépose dans la peau, certaines parties du rayonnement UV sont ainsi déjà interceptées dans les couches supérieures de la peau. Effet supplémentaire : il intercepte en outre ce que l’on appelle les radicaux libres dans la peau, qui se forment à chaque exposition au soleil. »

Si, malgré toutes ces précautions, les symptômes apparaissent tout de même, on peut se faire prescrire par son médecin une pommade anti-démangeaison et anti-inflammatoire ou encore des antihistaminiques. Des compresses rafraîchissantes et des corticostéroïdes légers peuvent également soulager les symptômes aigus.

Déterminer rapidement la cause des symptômes

Si vous constatez pour la toute première fois une éruption cutanée après une exposition au soleil, le Dr Okamoto vous conseille « d’éviter immédiatement le contact avec le soleil et de consulter sans tarder un·e dermatologue afin que le bon diagnostic soit posé sur la base des manifestations cutanées caractéristiques au stade aigu. » En effet, lorsque les symptômes ont déjà quelque peu ou totalement disparu, il devient également plus difficile de trouver la cause et donc de faire la distinction avec d’autres réactions plus graves liées à la lumière, comme une réaction photoallergique ou une urticaire solaire.

Pour les exclure, le ou la dermatologue se renseigne sur les maladies antérieures, la prise de médicaments et la protection solaire utilisée, et demande quand et quels symptômes sont apparus.

Forme particulière de LP : l’acné de Majorque

L’acné de Majorque (acné estivale) est une variante encore relativement bénigne de la LP. Comme son nom le laisse supposer, « des nodules ressemblant à des pustules d’acné qui démangent apparaissent quelques jours après l’exposition au soleil », explique le Dr Okamoto. La faute aux émulsifiants contenus dans les protections solaires à base d’huile. En interaction avec les rayons UVA, ils forment des substances qui entraînent une inflammation des follicules pileux. Le décolleté, les bras, les épaules, la nuque et le dos sont particulièrement touchés. Les femmes de 20 à 40 ans sont les plus à risque.

Les modifications de la peau disparaissent spontanément et sans laisser de cicatrices. En attendant, des compresses froides ou des gels rafraîchissants ont une action apaisante. En cas de besoin, il est possible de recourir à un traitement léger contre l’acné ou à une crème contenant de la cortisone. Dans les cas graves, la prise d’antihistaminiques peut s’avérer utile.« Sur le plan de la prévention, il vaut mieux éviter les protections solaires à base d’huile. L’idéal est d’utiliser des produits de protection solaire sous forme de gel, sans corps gras ni émulsifiant. »

Photoallergique ? Identifier les allergènes !

Outre la DPP, il existe d’autres formes d’affections cutanées liées à la lumière qui sont beaucoup plus rares, mais pour lesquelles le terme « allergie au soleil » est beaucoup plus approprié : les réactions photoallergiques, par exemple. Là encore, ce n’est pas le soleil lui-même qui déclenche l’allergie, mais une substance qui arrive sur ou dans la peau depuis l’extérieur ou l’intérieur et qui y modifie sa structure en raison de l’exposition au soleil.

Il peut s’agir par exemple d’ingrédients contenus dans des produits cosmétiques ou des médicaments tels que des antibiotiques ou des antidépresseurs. La substance, d’abord inoffensive, devient un allergène en raison de l’exposition aux UV qui est combattu par le système immunitaire.

« Une réaction photoallergique se produit un à trois jours après l’exposition au soleil et se manifeste par des vésicules et des démangeaisons, éventuellement aussi par des œdèmes, des rougeurs, une desquamation et des nodules », explique le Dr Okamoto. Le photopatch-test, qui consiste à appliquer les déclencheurs potentiels sur le dos et à les exposer ensuite à la lumière UV, permet d’identifier la substance en cause et de l’éviter par la suite. « Mais comme l’arrêt des médicaments n’est pas toujours possible, voire dangereux, c’est justement dans ces cas qu’une protection solaire adéquate est particulièrement importante. »

Réactions phototoxiques

Les réactions phototoxiques sont beaucoup plus fréquentes. Elles se développent sans la participation du système immunitaire. Les composés chimiques ou naturels contenus dans les parfums, les médicaments, les cosmétiques ou les produits de soin réagissent alors avec les cellules de la peau sous l’influence des rayons UVA. Il se forme des radicaux libres qui provoquent des dommages cutanés.

« Ce sont surtout le jus de certaines plantes ou les huiles essentielles d’agrumes, de millepertuis et de bergamote qui peuvent déclencher cette réaction. Elle ressemble à un coup de soleil très sévère, et des œdèmes et des cloques se forment souvent », explique le Dr Okamoto. L’intensité de la réaction phototoxique dépend de l’intensité et de la durée de l’exposition au soleil et de la dose de la substance déclenchante. Les troubles ne s’atténuent que lentement malgré l’évitement du soleil.

« Outre l’arrêt de l’exposition au soleil, les pommades à base de cortisone et les compresses rafraîchissantes peuvent apaiser les zones concernées. » En prévention, il faut éviter les produits parfumés et photosensibilisants (lire la notice d’emballage). « Il est préférable d’utiliser également un écran solaire sans parfum. »

Urticaire solaire : rare mais dangereuse

Alors que les réactions cutanées évoquées plus haut prennent du temps avant de se manifester, l’urticaire solaire est très rapide : « Dans les minutes qui suivent l’exposition au soleil, des papules et des rougeurs apparaissent, souvent accompagnées de violentes démangeaisons. Les cellules libèrent de l’histamine qui déclenche ces symptômes typiques », explique le Dr Okamoto.

Les papules disparaissent généralement au bout de quelques heures si l’on évite le soleil. En attendant, la fraîcheur apporte un soulagement. Mais dans de rares cas, lorsque de grandes zones de la peau sont touchées par l’urticaire, une chute de la tension artérielle peut également se produire, ce qui entraîne un collapse.

Un mal pour un bien

En règle générale, une « allergie au soleil » n’est pas dangereuse. Certains experts considèrent même qu’il est avantageux pour les personnes concernées d’éviter les bains de soleil prolongés et de veiller à une bonne protection solaire. Elles réduisent ainsi potentiellement le risque de cancer de la peau.

Photo d’en-tête : Joseph Barriento via unsplash

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Daniela Schuster
Autorin von customize mediahouse

Si mon travail n'existait pas, je l'inventerais. Écrire, c'est se donner la possibilité de mener plusieurs vies en parallèle. Aujourd'hui, je suis dans un laboratoire avec une scientifique, demain je partirai en expédition au pôle Sud avec un explorateur. Chaque jour, je découvre le monde, j'apprends de nouvelles choses et je rencontre des gens passionnants. Mais ne soyez pas jaloux·se : la lecture a le même effet !

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