En coulisse

Ces jeux ont reconquis le cœur des fans après un lancement désastreux

Si un jeu ne convainc pas complètement son public lors de son lancement, il sombre très rapidement dans l’insignifiance. Néanmoins, certains jeux ont tout de même réussi à regagner les faveurs des joueurs malgré un début malheureux.

De nombreux studios de développement publient leurs jeux selon le principe de la banane. Un jeu incomplet est lancé et il continue à mûrir chez les clientes et clients jusqu’à atteindre un état de produit fini. Ce plan ne fonctionne pas toujours. Des jeux de tir au contenu médiocre tels que Anthem ou Evolve et des désastres pleins de bugs comme WWE 2K20 et les remakes de GTA représentent des exemples de bananes vertes jamais devenues mûres.

Cela dit, certains jeux ont vraiment réussi à reconquérir le cœur des fans après un lancement désastreux. Je vous résume ici cinq histoires des retours les plus spectaculaires.

Cyberpunk 2077 : un retour grâce à Netflix

Après tous les éloges des critiques et des fans de The Witcher III : Wild Hunt, les attentes étaient particulièrement grandes pour le prochain jeu du studio de développement polonais CD Projekt Red. Et après la démo de gameplay complète de Cyberpunk 2077 à l’E3 2018 et l’apparition « You’re breathtaking » désormais légendaire de Keanu Reeves à l’E3 2019, les attentes ont atteint des sommets qui ne peuvent être mesurés.

CD Projekt Red a promis à ses fans une expérience de jeu de rôle unique dans un monde ouvert énorme et vivant qui devait reléguer au second plan tout ce qui existait auparavant. Même les nombreux reports n’ont pas affaibli l’engouement, bien au contraire. Ils ont été perçus comme un indice supplémentaire du volume du jeu et des hautes exigences de qualité du studio.

La déception a été d’autant plus grande lorsque Cyberpunk 2077 est sorti en décembre 2020 après quatre reports en tout. Au lieu d’un RPG en monde ouvert et révolutionnaire, les fans ont eu droit à un jeu incomplet avec d’innombrables bugs qui était injouable surtout sur des consoles de dernière génération. Sony a même complètement banni le jeu du Playstation Store environ une semaine après le lancement. La vidéo d’environ 40 minutes du youtubeur Crowbcat donne un bon aperçu de l’état du jeu juste après son lancement :

Hormis les erreurs techniques, Cyberpunk 2077 déçoit aussi pour ce qui est du gameplay. De nombreuses caractéristiques prometteuses n’ont été que partiellement appliquées ou même pas du tout, ce qui selon l’initié du secteur Jason Schreier a surtout été excusé par le processus de développement turbulent (article en anglais) du jeu.

Après un lancement désastreux, CD Projekt Red a réduit sa communication publique au minimum et s’est surtout concentré sur la réparation des erreurs les plus urgentes. Le jeu se trouve désormais dans un état acceptable au niveau technique, quoiqu'encore imparfait.

Son grand retour ne s’est pas fait grâce à la correction des bugs, mais plutôt à la diffusion de la série animée de Netflix Cyberpunk : Edgerunners.

Cyberpunk Edgerunners est un grand succès non seulement en raison de ses chiffres d’audience, il fait aussi partie des séries Netflix les mieux notées sur les portails d’évaluation tels que Metacritic, Rotten Tomatoes et IMDb.

L’écho positif de la série a aussi eu des répercussions sur le jeu. Après la diffusion de la série animée, Cyberpunk 2077 a battu le record de CD Projekt Red de The Witcher III : Wild Hunt avec plus de 130 000 utilisateurs de Steam qui ont joué simultanément. En outre, le jeu a dépassé les 20 millions de ventes.

Malgré ce succès nouveau et les bugs corrigés, le jeu garde un arrière-goût fade. Les grandes ambitions et les concepts révolutionnaires que CD Projekt Red avait présentés au cours de la phrase de développement n’ont pas été mis en œuvre malgré les nombreuses mises à jour. Ce fil de discussion sur Reddit (en anglais) vous donne un bon aperçu de toutes les caractéristiques annoncées, mais pas réalisées. Peut-être que ça marchera avec la première grande extension de l’histoire Phantom Liberty ou son successeur qui porte le mystérieux nom de projet Orion.

GTA Online : du gouffre technique au sommet commercial

Un monde de jeu sans Grand Theft Auto V n’est presque plus imaginable. Le cinquième volet de l’épopée du gangster de Rockstar a été vendu plus de 170 (!) millions de fois depuis son lancement en 2013. GTA V fait partie, après Minecraft, des jeux les plus vendus de tous les temps.

Le succès durable du jeu est surtout dû au mode multijoueur en ligne GTA Online. Même dix ans après le lancement, Rockstar continue de passionner ses fans grâce aux nouvelles mises à jour pour le monde ouvert chaotique.

Au lancement de GTA Online le monde des gangsters n’était pas aussi rose qu’aujourd’hui. Le mode multijoueur a été livré environ deux semaines après le lancement de GTA 5 via une mise à jour gratuite. Durant les premiers jours et semaines, ce mode était presque injouable.

En raison de l’immense affluence, les serveurs de Rockstar étaient surchargés, ce qui a mené à des temps d’attente interminables dans le lobby de jeu et à des plantages. Les personnes qui ont vraiment réussi à entrer dans le jeu ont dû se battre avec la version alpha du jeu pleine de bugs qui non seulement comprenait des bugs d’images énervants, mais pouvait aussi réduire à néant des scores complets.

Beaucoup de joueuses et joueurs ont signalé que leur personnage de jeu avait été effacé de manière permanente sans explication. Certaines personnes ont « seulement » perdu leurs véhicules ou les réserves d’argent dans le jeu. Étant donné que ces objets avaient été achetés avec du véritable argent, Rockstar Games a dû suspendre temporairement toutes les microtransactions.

Rockstar a géré cette mauvaise passe de manière transparente sur son blog (en anglais) et sur Twitter. Grâce à sa communication transparente et à des corrections de bugs régulières ainsi que de grandes mises à jour de contenu, Rockstar est parvenu petit à petit à gagner les faveurs de son public en ligne. Et au plus tard avec la mise à jour « braquages » au début de l’année 2015, Rockstar a réussi à convaincre même les plus sceptiques.

Grâce à la mise à jour « braquages », les joueuses et joueurs de GTA ont pu planifier et exécuter pour la première fois des braquages de banque complexes. Une sacrée étape dans l’histoire des mises à jour du jeu.
Grâce à la mise à jour « braquages », les joueuses et joueurs de GTA ont pu planifier et exécuter pour la première fois des braquages de banque complexes. Une sacrée étape dans l’histoire des mises à jour du jeu.
Source : Rockstar

Le retour de GTA Online a été plus qu’un come-back. Au fil du temps, le mode en ligne a réussi à développer sa propre vie. Il est devenu si populaire que Rockstar a complètement renoncé au DLC à un joueur (en anglais) prévu. Le travail sur Grand Theft Auto VI a aussi perdu la priorité. Pourquoi devrait-on travailler sur un jeu complètement nouveau quand le mode en ligne d’un ancien jeu rapporte autant de bénéfices ? Selon des estimations (en anglais), Rockstar Games réalise presque un milliard de bénéfice par année avec GTA Online. Je suis curieux de savoir combien de temps ils peuvent encore traire leur vache à lait et j’espère que nous ne devrons néanmoins pas attendre trop longtemps le sixième volet.

Final Fantasy XIV : une réinitialisation complète

Actuellement, Final Fantasy XIV fait partie des MMO les plus joués et bat avec chaque mise à jour de nouveaux records de joueurs. Des millions de fans de Final Fantasy se connectent quotidiennement pour vivre de nouvelles aventures à Eorzea. Il s’agit d’ailleurs déjà d’un petit miracle que le jeu existe.

La version d’origine du jeu de rôle en ligne a été lancée pour Windows en 2010 et peu après pour PlayStation 3. Sur les deux plateformes, le jeu a été littéralement descendu tant par les critiques que par les fans de Final Fantasy. Les réactions au jeu étaient si mauvaises que les serveurs ont été complètement éteints après seulement deux ans.

Un an après sa mort, la saga de Fantasy renaît de ses cendres comme Final Fantasy XIV : A Realm Reborn avec un nouveau moteur, une nouvelle équipe de développement et un nouveau directeur de jeu : Naoki Yoshida.

En plus des serveurs instables – aux heures de pointe on signalait jusqu’à 400 plantages de serveur par jour – selon Yoshida (en anglais), le jeu original souffrait surtout des grandes ambitions graphiques que nourrissait l’équipe de développement. Des caractéristiques insignifiantes telles que les vases à fleurs tristement célèbres étaient modelées de manière si détaillée que d’autres aspects du jeu en ont souffert. Ainsi, le nombre d’objets de l’univers du jeu a dû être réduit au minimum et seulement vingt personnages au maximum pouvaient être représentés en même temps, ce qui est définitivement trop peu pour un MMO.

Des vases à fleurs étaient programmés avec jusqu’à 1000 polygones et 150 lignes de code Shader. Ainsi, ils nécessitaient autant de ressources que des personnages entiers.
Des vases à fleurs étaient programmés avec jusqu’à 1000 polygones et 150 lignes de code Shader. Ainsi, ils nécessitaient autant de ressources que des personnages entiers.
Source : Capture d’écran : Channel Speakers (Youtube)

Pour ce qui est du gameplay technique, le jeu constituait aussi une déception. Dans la version 1.0 de Final Fantasy XVI, on cherchait en vain des histoires, des quêtes ou un monde vraiment captivants invitant à la découverte. Le système de combat était aussi un chaos inachevé qui semblait avoir été créé par des gens n’ayant encore jamais joué à un MMO.

Lorsque Yoshida a été chargé de sauver le jeu en décembre 2010, il ne voyait qu’une solution : le jeu devait être reconçu entièrement. Grâce à une priorisation des aspects importants du jeu, d’une communication ouverte avec le public cible et de la mise en œuvre des retours des joueuses et joueurs, l’équipe de Yoshida est parvenue à réaliser ce chef-d’œuvre en un peu moins de trois ans. Cela représente très peu de temps pour un MMO aussi ambitieux, en particulier si on considère qu’ils ont dû fournir des mises à jour pour la version originale en parallèle jusqu’à l’extinction des serveurs.

Le canal YouTube Speakers Network résume parfaitement l’incroyable histoire de la mort et de la renaissance de Final Fantasy XIV dans une série de dix vidéos :

No Man’s Sky : le travail assidu paie

Comme dans le cas de Cyberpunk 2077, No Man’s Sky a été victime de son propre engouement. Ici aussi, des caractéristiques et des concepts trop ambitieux ont été annoncés au préalable et n’ont, finalement, pas pu être mis en œuvre au lancement du jeu. Contrairement à Cyberpunk 2077, le désastre du lancement n’est pas seulement la faute du studio de développement.

Avant No Man’s Sky, le petit studio indépendant Hello Games était surtout connu pour la série de jeu de course 2,5D Arcade Joe Danger. J’ai joué au premier jeu en 2010 sur la PS3. Un petit jeu rigolo pour passer le temps. Rien de spécial. Je suis d’autant plus tombé des nues lorsque Hello Games a présenté la première bande-annonce de No Man’s Sky aux VGX Awards 2013.

La bande-annonce promettait un monde de jeu quasi infini, généré de manière procédurale dans lequel il devait y avoir énormément de choses à découvrir sur plus de 18 trillions (!) de planètes. Même Sony s’est montré impressionné par cette vision ambitieuse. Peu après l’annonce, Sony s’est assuré les droits de publication exclusifs pour consoles. Le petit jeu du studio indépendant était dorénavant traité comme un jeu de classe AAA de ses studios first party.

Dans de grandes conférences de presse telles que l’E3 2014 et l’E3 2015, No Man’s Sky a obtenu une grande présence scénique dans le programme de Sony. Le fondateur de Hello Games, Sean Murray, se trouvait souvent sous le feu des projecteurs et annonçait régulièrement de nouvelles caractéristiques et des faits impressionnants au sujet du jeu.

Tout comme dans le cas de Cyberpunk 2077, le lancement du jeu a été un énorme désastre. Les personnes qui sont parvenues à se frayer un chemin à travers les bugs énervants et les plantages complets ont vite remarqué que le jeu était tout simplement inachevé. Les caractéristiques annoncées en grande pompe telles que la possibilité de jouer et d’interagir avec d’autres gens manquaient complètement. Sean Murray a surtout été celui qui a subi la colère et la déception du public. Il a été traité de menteur et d’imposteur.

Le youtubeur Crowbcat résume magnifiquement bien l’état du jeu juste après son lancement :

Après le lancement, c’était silence radio pendant longtemps du côté de Hello Games. Il n’y a eu aucune déclaration, excuses officielles ou apparition publique de la part de Sean Murray. L’équipe de développement a rassemblé ses forces pour travailler sur une série de mises à jour substantielles pour le jeu. Et elle avait de quoi faire.

En janvier 2023, le nombre de grandes mises à jour complètes que Hello Games a fourni à son épopée spatiale s’élève à pas moins de 23 (!). Et il n’y a pas de fin en vue. Contrairement à CD Projekt Red, Hello Games ne s’est pas contenté de résoudre des bugs, mais a investi beaucoup de temps et d’argent pour mettre en œuvre la vision d’origine de Sean Murray. Et le succès leur donne raison – No Man’s Sky a désormais été vendu plus de dix millions de fois.

Constructions de base, véhicules, nouveaux angles de la caméra, multijoueur jusqu’à 32 joueurs, etc. Comparé à la version de 2016, « No Man’s Sky » est un jeu complètement nouveau.
Constructions de base, véhicules, nouveaux angles de la caméra, multijoueur jusqu’à 32 joueurs, etc. Comparé à la version de 2016, « No Man’s Sky » est un jeu complètement nouveau.
Source : Capture d’écran : Hello Games

Le mieux dans l’histoire : désormais le jeu est disponible partout et peut même être joué en VR et en portable sur une Nintendo Switch.

Pour ce qui est de leur nouveau jeu, Hello Games et en particulier Sean Murray restent secrets pour éviter d’annoncer trop tôt (en anglais) le jeu et de répéter l’erreur de No Man’s Sky.

Destiny : d’abord l’ennui, puis une suite

Destiny a été le premier produit du studio de développement Bungie après que ce dernier s’est séparé de Microsoft en 2007. Les attentes pour ce jeu de monde partagé étaient immenses, il s’agit après tout du studio qui, avec les jeux Halo, a produit peut-être la trilogie de jeu de tir la plus légendaire de tous les temps.

L’engouement était donc grand avant le lancement. Destiny a battu des records (en anglais), aucun jeu d’une franchise complètement nouvelle n’avait été autant précommandé que le jeu de tir avec butin de Bungie. L’engouement de prélancement a vite été remplacé par la dépression postlancement.

Tant les fans que les critiques n’ont pas été pleinement convaincus par le jeu de tir en ligne. Le jeu n’a eu droit qu’à des critiques médiocres sur des sites d’agrégateur de critiques tels que metacritic.com. Destiny n’était pas mauvais, mais ne représentait pas non plus le prochain Halo.

Tirer, looter, répéter. « Destiny » manquait surtout de diversité.
Tirer, looter, répéter. « Destiny » manquait surtout de diversité.
Source : Capture d’écran : Bungie

L’histoire ennuyeuse et la boucle de gameplay ont surtout été critiquées. Ainsi, Destiny a végété dans la médiocrité durant plusieurs mois malgré des mises à jour avec de nouvelles armes, raids et histoires. Les premières joueuses et les premiers joueurs hardcore avaient gentiment abandonné le jeu.

Avec le lancement de la troisième grande extension The Taken King, Bungie est parvenu à renverser la vapeur environ un an après la sortie de Destiny et à tenir ses promesses d’origine. Le studio de développement a pris en compte les retours de sa communauté et a enfin livré aux fans une histoire plus profonde et des changements fondamentaux dans la boucle de gameplay. Les scènes cinématiques et les voix off ont été remises à neuf. Même le célèbre Peter Dinklage de Game of Thrones a été complètement supprimé (en anglais) du jeu en raison de ses performances insuffisantes et de conflits de dates.

The Taken King est parvenu à battre quelques records (en anglais) et a ravivé la passion de nombreux fans pour cet univers de science-fiction unique. L’extension a donné un nouveau souffle au jeu. J’irai jusqu’à prétendre que sans l’immense succès de cette extension Destiny 2 n’existerait pas. La suite est sortie en 2017 et continue de jouir d’une grande popularité.

L’avenir de la franchise semble prometteur. La fin des mises à jour pour Destiny 2 n’est pas pour demain. En outre, Bungie a été racheté (article en anglais) par Sony l’année dernière. Cette acquisition devrait permettre au studio de grandir et de consacrer encore plus de ressources financières et humaines au développement de Destiny 2 et d’autres nouveaux jeux.

Image de couverture : CD Projekt Red

Cet article plaît à 63 personne(s)


User Avatar
User Avatar

Ma passion pour les jeux vidéo s'est éveillée au jeune âge de cinq ans avec la Gameboy originale et a grandi à pas de géant au fil des ans.

Ces articles pourraient aussi vous intéresser

  • En coulisse

    Ces jeux n’ont pas survécu à l’engouement pour la battle royale

    par Domagoj Belancic

  • En coulisse

    Les 21 plus grandes entreprises du jeu vidéo

    par Philipp Rüegg

  • En coulisse

    Jouer à « God of War : Ragnarök » avec une déficience visuelle

    par Domagoj Belancic

Commentaire(s)

Avatar