Dopage et autotransfusion sanguine en cas d’arthrose
En Suisse, l’arthrose une maladie très répandue. L’arthrose et plus de 200 autres affections de l’appareil locomoteur entrent dans la catégorie des maladies rhumatismales. Pour les traiter, le Dr Marcel Gloyer, orthopédiste, a parfois recours à l’autohémothérapie.
Jusqu’à présent, je connaissais surtout l’autohémothérapie dans le contexte du dopage en cyclisme. Le dopage par transfusion sanguine est une méthode visant à augmenter la concentration d’hémoglobine dans le sang des athlètes. La procédure consiste à prélever du sang quelques semaines en amont d’une compétition, généralement après un camp d’entraînement en altitude. Le sang contient alors plus de globules rouges, ce qui lui permet de transporter plus d’oxygène et, par conséquent, d’améliorer la performance sportive. Puis le sang est réinjecté juste avant la compétition. Cette méthode d’amélioration des performances est interdite depuis 1985.
En plus d’optimiser les performances, cette thérapie peut soulager les maladies de l’appareil locomoteur.
Thérapie sans dopage
Le terme d’autohémothérapie désigne les diverses méthodes qui consistent à prélever du sang à une personne pour le lui réinjecter par la suite. Les premiers essais de cette forme de thérapie remontent à la fin du 19e siècle. Aujourd’hui, la médecine a notamment recours à l’autohémothérapie pour traiter l’arthrose.
Environ deux millions de personnes en Suisse souffrent de douleurs rhumatismales. Le rhumatisme désigne plus de 200 maladies de l’appareil locomoteur. Selon la Ligue suisse contre le rhumatisme, l’arthrite (inflammation des articulations), l’ostéoporose (fragilité accrue des os) et l’arthrose (usure des articulations) comptent parmi les pathologies les plus répandues.
Les lésions articulaires suite à un accident, la génétique, la surcharge des articulations ou leur sollicitation impropre, ou encore une maladie inflammatoire sous-jacente comptent parmi les nombreux facteurs pouvant causer l’arthrose. Les symptômes sont notamment la douleur articulaire, la raideur de l’articulation concernée et la réduction de la mobilité. L’arthrose est considérée comme incurable. Plutôt qu’une guérison, ce sont donc les symptômes que l’on essaye d’atténuer grâce à des thérapies incluant le mouvement ciblé de l’articulation et le traitement médicamenteux ou chirurgical, pouvant aller jusqu’au remplacement de l’articulation.
La théorie de l’autohémothérapie
Il convient d’approfondir le sujet de l’autohémothérapie. Pour faire simple, le médecin prélève le sang des personnes concernées et en réinjecte certains éléments dans l’articulation malade. L’orthopédiste Marcel Gloyer adopte cette approche à l’Alphaclinic de Zurich.
Comment expliqueriez-vous l’autohémothérapie à des non-professionnels ?
Marcel Gloyer : Comme son nom l’indique, il s’agit d’une thérapie consistant à utiliser le sang de la patientèle. Les origines de cette technique remontent à plus de 100 ans. Au début, on essayait de réinjecter le sang tel quel. Nous avons remarqué que cela provoquait des réactions inflammatoires et une augmentation de la douleur. C’est la raison pour laquelle nous filtrons la ponction, de nos jours.
Qu’est-ce que cela signifie ?
Le sang est composé de plusieurs éléments. Dans la centrifugeuse, nous séparons ces composants pendant environ cinq minutes afin d’obtenir trois éléments : le plasma, les thrombocytes (les plaquettes) ainsi que les globules rouges et blancs. Dans la plupart des cas, nous utilisons le plasma et les plaquettes dans le cadre de la thérapie. L’objectif est que les facteurs de croissance du sang attirent les cellules souches, capables de se développer en cellules cartilagineuses. En outre, le plasma autologue a un effet anti-inflammatoire et, contrairement à la cortisone, il n’endommage pas les tissus plus qu’ils ne le sont déjà.
Dans ce contexte, que signifie « plasma riche en plaquettes », ou PRP ?
Selon le traitement du sang dans la centrifugeuse, on obtient un plasma plus ou moins riche en plaquettes. Plus la concentration est élevée, plus l’effet du plasma est grand dans l’articulation. Nous parlons d’une concentration deux à huit fois plus élevée après le passage dans la centrifugeuse. Cependant, une concentration plus élevée implique également des coûts de fabrication plus élevés.
La pratique de l’autohémothérapie
La théorie se transforme soudainement en un vrai cabinet médical lorsque Marcel Gloyer se lève de son bureau et me dit : « Viens, le mieux est que je te montre simplement comment faire. » Aussitôt dit, aussitôt fait. Il se fait prélever du sang, qui est ensuite traité pendant cinq minutes dans la centrifugeuse. Il obtient ainsi un peu de plasma qu’il pourrait s’injecter, par exemple, dans l’articulation du genou.
Source : Patrick Bardelli
Pas de prise en charge par l’assurance maladie
Nous nous rasseyons dans le cabinet de consultation de Marcel Gloyer et parlons de notre ami commun, l’argent.
Pourquoi les assurances maladie ne couvrent pas l’autohémothérapie ?
Un cabinet médical doit d’abord investir dans le matériel. Tu as besoin de la centrifugeuse et des seringues. Les fabricants fixent les prix très haut. Chaque entreprise a son propre système et ceux-ci ne sont pas compatibles entre eux. Un peu comme les capsules de café et les accessoires de smartphones ! On en arrive à des prix plusieurs fois supérieurs à ceux de la cortisone, souvent utilisée aujourd’hui dans le traitement de l’arthrose. Une ampoule de cortisone coûte environ 20 francs suisses. L’ampoule et toutes les prestations liées à l’injection dans l’articulation sont prises en charge, notamment le travail du personnel administratif et médical au cabinet et le matériel (gants, protection, désinfectant, seringue, aiguille, etc.).
Combien coûte une injection de sang autologue ?
Environ 250 francs suisses, en fonction de la préparation. Ces coûts comprennent toutes les prestations prises en charge par l’assurance pour l’injection de cortisone, plus le matériel pour le sang autologue. Il s’agit légalement d’une activité privée et aucune facture ne peut être adressée à l’assurance pour l’autohémothérapie. Cela signifie que tous les coûts sont actuellement à la charge de la patientèle.
J’ai eu une lésion du cartilage du genou en 2019. Lors de l’opération, on m’a diagnostiqué une arthrose légère à modérée. L’autohémothérapie serait-elle une solution à mes douleurs ?
Absolument. En règle générale, pour le genou, je t’administerais trois injections avec ton propre sang. Cela te coûterait donc 750 francs suisses. Le traitement n’est toutefois effectué qu’en cas de douleurs. Une thérapie préventive n’est pas recommandée.
C’est pareil pour les autres articulations ?
C’est le même principe. Il est possible de préparer de très petites quantités de sang. En revanche, l’injecter dans une petite articulation, je pense aux orteils, est quasiment impossible. Plus l’articulation est grande, mieux c’est.
La guérison étant impossible, quels sont les effets sur les douleurs ?
La probabilité que l’autohémothérapie soit efficace se situe entre 80 et 95 pour cent. Actuellement, les scientifiques cherchent à déterminer quelles sont les meilleures préparations selon les personnes. En règle générale, un traitement de trois injections atténue les douleurs pendant trois à douze mois. Moins l’arthrose est avancée, plus les chances de succès de l’autohémothérapie sont grandes.
Source : Patrick Bardelli
La thérapie par le sang autologue n’a pas seulement sa place en médecine.
Elle est commercialisée comme un produit miracle dans le secteur de la beauté. On entend souvent parler de solutions anti-âge. Pour rester poli, je dirais que la recherche dans ce domaine bénéficie d’une marge de progression intéressante. Il me semble que le coût monte à 250 francs suisses par seringue, alors que la préparation du sang est exactement la même que dans l’application médicale. En tout cas, je ne traiterai pas ma calvitie avec du sang autologue.
Dans le dopage
Passons au sujet sensible du dopage. Tu es notamment médecin de l’équipe suisse Q36.5 Pro Cycling Team. Est-ce que l’époque du dopage sanguin est révolue ?
Dans le cyclisme, on applique ce que l’on appelle la « politique zéro injection ». Si j’injecte quoi que ce soit aux cyclistes, même en cas d’urgence, je dois le signaler à Antidoping Suisse. Si je ne le faisais pas, l’athlète pourrait en subir les répercussions. Au final, c’est toujours l’athlète qui est responsable de ce qui entre dans son corps.
Est-il facile de détecter le dopage sanguin en laboratoire de nos jours ?
Oui.
Depuis l’affaire Festina du Tour de France 1998, le cyclisme est accusé de tous les maux.
Les cyclistes font face à une pression énorme. Le cyclisme est leur gagne-pain. Sans vouloir excuser ce comportement, je peux vous fournir l’explication suivante. Selon les profils, si la performance n’est pas au rendez-vous, la tentation peut être grande de recourir à des moyens illicites. Je tiens à souligner que quasiment aucun sport n’est aussi strictement contrôlé que le cyclisme. Les athlètes doivent faire très attention à leur nutrition.
Tu pourrais nous donner un exemple ?
Tous les médicaments et compléments alimentaires que les cyclistes prennent sont contrôlés. Des listes sont publiées chaque année par l’Union cycliste internationale (UCI) et l’Agence mondiale antidopage (AMA). Avant de prescrire ne serait-ce que de la vitamine C aux athlètes, je dois m’assurer qu’elle est autorisée et non contaminée. Dans le pire des cas, un simple défaut de fabrication peut causer un test antidopage positif et mettre fin à une carrière.
Tout va donc pour le mieux dans le cyclisme ?
Ce serait probablement un peu naïf de dire ça. Les personnes qui veulent tricher trouveront toujours des moyens de le faire. Malheureusement. Le dopage systématique d’antan n’existe plus aujourd’hui. Nous, médecins d’équipes, faisons ce travail par passion pour le sport. Nous sommes à notre compte en cabinet ou en clinique. Notre carrière est donc également en jeu.
La thérapie médicale nécessite plus de recherche
Selon Marcel Gloyer, il faudra encore des années avant que les caisses d’assurance maladie ne prennent en charge le traitement de l’arthrose par le sang autologue. D’où la nécessité de poursuivre les études dans ce domaine. En attendant, les personnes concernées n’ont d’autre choix que de payer elles-mêmes le coût de leur autohémothérapie.
Selon l’orthopédiste, si l’effet du traitement dure moins de trois mois, la patientèle doit envisager une autre option. Question coût, parlons peu, mais parlons bien. Si les douleurs sont importantes, une injection de cortisone dans l’articulation peut avoir l’effet anti-inflammatoire désiré. Pour Marcel Gloyer, l’opération chirurgicale représente la solution de dernier recours. Il mise le plus possible sur des techniques peu invasives et sur le maintien de l’articulation. Si cela n’est pas possible, on peut fabriquer des implants sur mesure, notamment pour le genou.
Cet article a été rédigé dans le cadre de notre semaine « rouge ». Sept jours, sept articles. Pour en savoir plus sur cet article et sur tous les autres publiés jusqu’à présent, cliquez ici :
Ancien journaliste radio devenu fan de story telling. Coureur confirmé, adepte du gravel bike et débutant en haltères de toutes tailles. Quelle sera ma prochaine étape ?