Guérisseurs, ésotérisme et superstitions : quand la spiritualité devient-elle néfaste ?
Les rituels magiques, les pierres salvatrices et les superstitions sont à la mode en ce moment. Pourtant, ils ne sont pas toujours inoffensifs. Dans le pire des cas, ces croyances peuvent même prendre le contrôle de notre vie.
Actuellement, le milieu de l’ésotérisme connaît un véritable boom : herbes, pierres scintillantes ou encore bouilloires magiques, on y trouve de tout et de n’importe quoi. On dirait que la société tout entière s’est mise d’accord pour croire que les réponses à nos questions les plus profondes se trouvent dans l’arrière-cour d’un magasin poussiéreux, sur des sites louches ou dans une boutique à la décoration excentrique.
Les coachs de vie et les concepteurs de rituels ont de plus en plus d’adeptes. Sur les médias sociaux, ils ne vendent pas seulement de « bons conseils », mais aussi tout un tas d’objets bizarres aux propriétés prétendument magiques. Et certaines personnes se font de jolies sommes en profitant de la crédulité et de la naïveté de leurs victimes, leurs clientes et clients. Des sorcières en ligne qui prétendent prédire l’avenir aux chamanes qui communiquent avec le monde des esprits, le marché est inondé d’âmes aux pouvoirs « surnaturels » !
Et puis quoi encore ? Quand les codes-barres veulent vous tuer
Attention, je ne dis pas qu’avoir des aptitudes particulières est impossible, et que les personnes sensibles, sincères et prêtes à aider leur prochain n’existent pas ! Par contre, si vous suivez des théories louches sans vous poser aucune question, vous finirez vite fauché·e, abruti·e... ou les deux à la fois. Si vous commencez à laisser les cartes, cristaux ou autres prédictions diriger votre vie, vous vous exposez à de sérieux problèmes.
Vous ouvrez la porte à des croyances de plus en plus farfelues, comme le complot des codes-barres. Selon cette théorie, les codes-barres placés sur les boîtes de soupe, les bouteilles de bière ou les cartons de pizzas surgelées émettraient des radiations toxiques ou chargeraient les aliments d’« énergie négative ». Des traits et des symboles imprimés, comme le signe de l’infini au-dessus de la barre du code-barre, aideraient à lutter contre ce phénomène.
Faire peur aux gens est bien sûr lucratif, puisqu’on peut acheter en ligne des « stylos neutraliseurs de codes-barres » (en allemand). Je viens de découvrir un objet du genre sur un site intitulé quelque chose du style « Bio Balance Technology » (hein ?) pour la modique somme de 52 euros ! On y trouve aussi d’autres articles pratiques comme un « Vision Booster » ou des puces pour enfants contre l’électrosmog.
Qu’est-ce que l’ésotérisme a de si dangereux ?
L’ésotérisme est une forme de divertissement, pas une religion de substitution ou une philosophie de vie. Katharina Nocun, autrice, est aussi de cet avis. L’année passée, elle a coécrit avec Pia Lamberty le livre « Gefährlicher Glaube - Die radikale Gedankenwelt der Esoterik ». Elle n’y mâche pas ses mots : « Le problème, c’est que ce genre d’offres peut créer une dépendance psychologique. Les personnes qui y croient n’osent plus vraiment prendre de décisions par elles-mêmes. » Au lieu de cela, des gourous « répondent au désir d’une vie meilleure, différente, simple. Il arrive à tout le monde d’avoir de mauvaises phases. Certains courants spirituels nous promettent de tout résoudre, de tout changer. Ils encouragent aussi une vision très enjolivée du bon vieux temps. On y lit qu’autrefois, la médecine était plus naturelle, voire magique. On occulte complètement le fait que l’espérance de vie était bien plus courte, et que les vaccins n’existaient pas, par exemple ».
Pourquoi les femmes adhèrent-elles davantage à l’ésotérisme que les hommes ?
Madame Nocun souligne que les femmes semblent être plus ouvertes à certaines formes d’ésotérisme. Des études confirment ses propos : selon une étude sur l’autoritarisme représentative de la population menée en 2020, 18,4 % des femmes interrogées sont d’accord avec les déclarations sur la superstition.
Des recherches ont également été menées aux États-Unis : « Partout dans le monde, les femmes sont plus susceptibles que les hommes de croire aux phénomènes magiques. C’est fascinant. », explique Sarah Ward, autrice de l’étude et professeure assistante à l’université de l’Illinois. « Les résultats de plusieurs études, qui ont aussi été publiés dans « Psychology Today » (en anglais), ont confirmé ce que je soupçonnais : les femmes ont déclaré se fier davantage à leur intuition. Elles ont obtenu des scores plus faibles à un test de réflexion cognitive qui évalue la tendance d’un individu à ignorer une intuition erronée. Ces deux constats sont liés à une plus grande croyance en la magie. » Cela dit, la croyance des hommes en la magie augmentait lorsque leur confiance en leur intuition était renforcée de manière expérimentale.
Comme s’ils n’étaient pas un peu bêtes aussi de temps en temps ! « Si on suivait les stéréotypes de genre, on pourrait penser que cette popularité auprès des femmes serait la conséquence d’une logique ou d’une intelligence plus faible, mais les données ne le confirment pas, explique Sarah Ward. Les capacités de raisonnement analytique des deux sexes étaient les mêmes dans le cadre des études. »
Restez vigilant envers vous-même
Soyons honnêtes, nous avons presque tous amené un grigri à un examen, ou fait des rituels à certaines occasions, par exemple lorsque nous sommes amoureux ou qu’un animal de compagnie meurt. Où se situe la limite entre les superstitions qui font du bien et celles qui font du mal ? Selon Katharina Nocun, l’ésotérisme devient dangereux lorsque l’on commence à croire en des forces invisibles et que l’on place tous nos espoirs en elles.
Photo d’en-tête : shutterstockVivre hors des sentiers battus : qu'il s'agisse de santé, de sexualité, de sport ou de développement durable, chaque sujet demande à être découvert sans aprioris, mais toujours avec une bonne dose d'attention,d'autodérision et d'humour.