Rémunération sur Spotify : des musiciens protestent
Dès 2024, Spotify ne rémunérera plus les morceaux streamés moins de mille fois par année. Certains artistes perdront ainsi 40 millions de dollars chaque année. Coup de projecteur sur leurs protestations.
Fin novembre, Spotify modifiait le système de rémunération en dissimulant cette réforme dans toute une série de mesures. L’une d’entre elles vise à lutter contre le streaming artificiel, c’est-à-dire la lecture par des bots dans l’unique but d’augmenter le nombre de lectures. Quant aux sons de baleine ou de vagues, par exemple, ils ne seront rémunérés qu’après deux minutes de lecture.
Ces deux idées ont été largement approuvées par les partenaires de Spotify. Quant au troisième changement, il est très controversé : un morceau ne sera rémunéré que s’il enregistre au moins mille écoutes par année.
L’argument de Spotify : ces petits paiements ne parviennent pas aux artistes, mais s’évaporent en raison des frais bancaires et autres coûts de transaction. Concrètement, 40 millions de dollars seront ainsi redistribués à des titres streamés plus de mille fois par année.
Les artistes protestent violemment
Les artistes ont sévèrement critiqué Spotify pour cette décision. L’association allemande des créateurs de musique indépendants (Pro Musik) a lancé une pétition en ligne qui a déjà enregistré environ 15 000 signatures dans tout l’espace germanophone. La pétition critique non seulement la redistribution de 40 millions de dollars à des morceaux populaires, mais aussi les obstacles supplémentaires imposés aux artistes moins connus et aux nouveaux venus.
De fait, ils n’auront droit à une rémunération que lorsque leur morceau aura atteint mille écoutes pour la première fois à partir de 2024. Les mois précédents ne compteront pas. Par ailleurs, ils ne seront payés que s’ils ont un nombre minimum d’auditeurs et d’auditrices. Spotify ne révèle pas quel est ce nombre.
Pro Musik réfute également l’argument selon lequel l’argent s’évaporerait. De nos jours, il existe assez de possibilités de micropaiements. Pro Musik ajoute que ces petits montants s’expliquent par la politique de Spotify et que le système est injuste par définition.
L’association critique aussi le délai très bref, quelques semaines seulement avant la mise en œuvre. Sans oublier le fait que l’on n’a pas demandé l’avis des artistes et des organisations.
« Le modèle commercial de Spotify n’est plus acceptable »
La pétition émet une critique globale envers Spotify. Selon les pétitionnaires, le système creuse l’écart entre les artistes à succès et les autres au lieu de permettre une rémunération équitable des artistes. Cependant, l’entreprise suédoise possédant une position dominante sur le marché, les musiciens n’ont pas le choix, car ils se doivent d’être présents sur Spotify.
L’association Pro Musik et plus de 50 autres organisations et artistes demandent à Spotify de ne pas mettre en œuvre ces modifications et de revoir la grille des rémunérations. « Le modèle économique de Spotify fait déjà l’objet de critiques justifiées depuis des années ; mais aujourd’hui, nous avons atteint un niveau inacceptable », peut-on lire dans la pétition. Les pétitionnaires soulignent que le leader suédois rétribue nettement moins bien que ses concurrents.
Pro Musik renvoie à une page web consacrée au calcul de la rémunération. On y constate par exemple que Spotify paie environ 44 dollars pour 10 000 écoutes, alors que d’autres services de streaming proposent beaucoup plus (Deezer 64 dollars, Apple Music 78 dollars, Tidal 128 dollars et Napster 190 dollars). Seuls Amazon Music (40 dollars) et YouTube Music (20 dollars) sont encore plus pingres.
Les interprètes suisses se joignent à la critique
La Coopérative suisse des artistes interprètes SIG a confirmé que les nouvelles règles de Spotify préoccupent la branche. « Spécialement dans un marché aussi petit que la Suisse, il ne faut pas sous-estimer les effets de ces décisions », déclare Christoph Trummer, président de la SIG et lui-même musicien. Avec la nouvelle réglementation, même des groupes plus connus ne seraient plus rémunérés pour certains titres.
« Spotify agit contre les abus. En soi, c’est louable. Mais il ne s’y prend pas de la bonne manière » regrette-t-il. Selon lui, il existe d’autres moyens de distinguer les artistes véritables des comptes frauduleux. Il mentionne la demande exprimée par l’association européenne Independent Music Companies Association (Impala).
L’Impala souhaite stopper ces changements et entamer des discussions avec Spotify afin de protéger les artistes indépendants, les petits marchés et les nouveaux venus. Créer une whitelist pour les labels et les créateurs de musique, prendre en compte les écoutes au cours des dernières années, et l’ensemble de l’œuvre artistique pour définir la rémunération. L’Impala demande également à Spotify d’être transparent dans ses calculs et de régler toutes les questions en suspens avant de mettre en œuvre les nouvelles règles du jeu.
Photo d’en-tête : ShutterstockCet article plaît à 74 personne(s)
Les gadgets sont ma passion - qu'ils soient utilisés pour le bureau à domicile, pour le ménage, pour le sport et le divertissement ou pour la maison intelligente. Ou bien sûr aussi pour le grand hobby en dehors de la famille, à savoir la pêche.