Tradition vs modernité : quel est le pouvoir de guérison des plantes médicinales ?
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Tradition vs modernité : quel est le pouvoir de guérison des plantes médicinales ?

Annalina Jegg
3/1/2023
Traduction: Alassane Ndiaye

Les plantes médicinales sont-elles vraiment une alternative douce, ou tout cela n’est-il de toute façon que de l’absurdité presque homéopathique ? Deux experts apportent des éclaircissements.

Ils sont considérés comme une alternative douce aux médicaments synthétiques : plantes médicinales ou officinales. Il n’est donc pas étonnant que de plus en plus de personnes se tournent vers des préparations à base d’échinacée, de shot gingembre ou de thé au fenouil pour traiter elles-mêmes des troubles légers comme un rhume ou une indigestion.

J’étudie la phytothérapie, c’est-à-dire la médecine par les plantes, dans le cadre d’une formation à distance, car je suis fascinée par l’histoire et l’utilisation des plantes médicinales pour soigner les maux du quotidien. Pour cet article, j’ai également fait appel à deux spécialistes des plantes médicinales qui ont des années d’expérience en phytothérapie.

L’histoire de la phytothérapie : d’où vient la connaissance des plantes médicinales ?

La plus ancienne preuve de l’utilisation de plantes médicinales par l’homme a été trouvée dans la tombe d’un homme de Neandertal en Irak, qui aurait vécu il y a environ 60 000 ans. Dans sa tombe, les chercheurs ont trouvé de grandes quantités de pollen de fleurs. L’homme et la plante ont donc une très longue relation. Ils n’ont pas attendu Paracelse, médecin et philosophe de la nature suisse, Hildegard von Bingen, médecin de monastère, ou le pasteur Sebastian Kneipp pour se rencontrer. Même si ces trois noms bien connus ont bien sûr contribué de manière significative à l’histoire de cette relation.

Grâce à mes études, je sais que les premiers écrits sur la phytothérapie remontent à l’Antiquité. À cette époque, le médecin militaire Pedanius Dioscoride décrivait dans son ouvrage « Materia Medica » plus de 1000 médicaments issus du monde végétal et animal ainsi que des minéraux. Dans l’Antiquité, les herbes étaient administrées dans du vin, de l’eau, du vinaigre ou du miel. L’ouvrage de Dioscoride était considéré comme le manuel standard de la pharmacopée dans de nombreuses universités européennes jusqu’au 16e siècle.

Chez les Celtes et les Germains, les druides et les chamans appliquaient la thérapie ancestrale. Plus tard, la médecine monastique s’est développée et Hildegard von Bingen la pratiquait également. Passionnant : certaines des applications décrites par Hildegard von Bingen ont entre-temps pu être prouvées par la recherche moderne : « Hildegard von Bingen a certes décrit, en tant que mystique, quelques indications de plantes qui n’ont jamais fonctionné. Mais en fait, nous avons également constaté un taux de réussite élevé grâce à des méthodes statistiques. Si élevé que le hasard est exclu », explique Dr Rainer Stange, médecin spécialiste en médecine interne et ancien médecin-chef du département de naturopathie de l’hôpital Immanuel de Berlin.

À la fin du Moyen Âge, Paracelse a réuni dans ses ouvrages les connaissances en matière de phytothérapie de l’Antiquité, de la médecine populaire, des sorcières herboristes et les siennes. Il est certain que tout ce qu’il concoctait n’était pas curatif, supposent aujourd’hui des scientifiques comme Rainer Stange. Pourtant, le mystique, chercheur et scientifique Paracelse, est considéré comme un éminent spécialiste des plantes de son époque. Nous connaissons tous sa citation la plus connue : « Tout est poison et rien n’est sans poison ; la dose seule fait que quelque chose n’est pas un poison. », raccourcie en « C’est la dose qui fait le poison. »

Quelques siècles après Paracelse, au 19e siècle, le prêtre catholique et naturopathe Sebastian Kneipp a fondé l’hydrothérapie et est encore connu aujourd’hui pour sa philosophie des cinq piliers. Grâce à des représentants connus comme Sebastian Kneipp, la phytothérapie moderne a été limitée à des plantes médicinales bien tolérées, mais qui n’ont pas été correctement répertoriées avec les méthodes de recherche grossières du 19e siècle », explique le professeur Dr Bernhard Uehleke (en allemand), médecin et historien de la médecine spécialisé dans la naturopathie et la phytothérapie.

La phytothérapie moderne : quelles sont nos exigences actuelles en matière de plantes médicinales ?

La phytothérapie moderne a renoncé aux approches ésotériques et mystiques, explique l’historien de la médecine Uehleke : « Dans le cas de l’homéopathie, les dosages sont si faibles du point de vue des sciences naturelles que l’on ne peut s’attendre à aucun effet, hormis des effets placebo. » Il en va de même pour de nombreuses autres préparations, comme celles issues de l’anthroposophie fondée par le philosophe et scientifique Rudolf Steiner : « Après incinération, celles-ci ne contiennent plus du tout de molécules efficaces et les explications données sur les vibrations, les empreintes et les quanta doivent être rejetées comme étant ésotériques du point de vue des sciences naturelles. »

C’est différent pour la phytothérapie, où l’on exige aujourd’hui que l’effet de tous les remèdes à base de plantes soit testé dans le cadre d’études cliniques. « C’est ce qui se passe depuis les années 1960 environ », affirme Rainer Stange. Mais très lentement. Uehleke devine la raison de cette situation : « Le grand intérêt existant pour la phytothérapie est en net décalage avec l’état de la recherche. En effet, les États européens n’encouragent pas la recherche clinique sur les herbes médicinales dans les hautes écoles, les cliniques et les universités. » Il est également important de mentionner que les plantes ne contiennent pas une seule substance active, mais toute une série de substances différentes. Pour bon nombre de ces ingrédients végétaux, il n’existe à ce jour aucun effet prouvé.

Mais : les études qui ont déjà été menées aboutissent parfois à des résultats étonnants : « Jusqu'à présent, c’est le millepertuis qui a fait l’objet des meilleures recherches, car il a été prouvé qu’il était utilisé avec succès en cas de dépression légère et modérée » (en allemand), déclare Rainer Stange. Et d’ajouter : « On a également appris par au moins un rapport de cas que le millepertuis peut provoquer des interactions avec des médicaments chimiques. Lorsque cela a été constaté, de nombreux médecins, surtout des pharmacologues, ont été étonnés, car ils n’auraient pas cru cela possible d’un remède à base de plantes. »

Phytomédicaments : pas toujours une alternative douce

Plus précisément, voici ce qui s’est passé : après une transplantation rénale, on a administré à une patiente des comprimés de ciclosporine, un immunosuppresseur synthétique souvent prescrit après une transplantation d’organe. Après quelques semaines, son corps a rejeté le rein. Il s’est alors avéré qu’elle avait en outre pris de son propre chef des comprimés de millepertuis. Les scientifiques ont supposé qu’il pouvait y avoir un lien. Ils ont fait des recherches et ont découvert que le millepertuis était responsable de la dégradation plus rapide de la ciclosporine dans le corps (en anglais). Les phytomédicaments, c’est ainsi que l’on appelle les médicaments d’origine végétale, une alternative douce aux médicaments chimiques ? L’exemple du millepertuis montre que ce n’est pas vrai.

Certes, les alternatives à base de plantes ont souvent un effet plus doux, plus durable et moins d’effets secondaires que les préparations chimiques. Mais mal utilisés, ils peuvent faire tout autant de dégâts. Il serait donc d’autant plus important que d’autres études suivent, dans lesquelles les effets et les effets secondaires des plantes médicinales sont étudiés plus précisément.

Mal de ventre, rhume, infection urinaire ? Il y a un remède à cela

En cas de maladies graves, après une opération, pendant la grossesse et si vous n’êtes pas sûr·e de vous, consultez toujours votre médecin et ne prenez en aucun cas des médicaments à base de plantes de votre propre initiative. Rien n’empêche toutefois de soigner soi-même les petits bobos. Il est probable que beaucoup de personnes pensent d’abord au thé. En effet, il n’y a rien de mal à prendre du thé lorsque l’estomac se serre ou que la gorge gratte. Mais les médicaments à base de plantes sont également disponibles en pharmacie sous forme de préparations standardisées prêtes à l’emploi. Il peut s’agir de comprimés, de gélules ou de jus de plantes pressés. L’inhalation ou le bain contre le rhume sont d’autres formes d’application courantes, tout comme les compresses ou les cataplasmes. L’aromathérapie est également souvent classée dans la phytothérapie.

Mais parlons franchement : que dois-je prendre et pour quels troubles ? Rainer Stange conseille : « Si vous avez le ventre qui gargouille, vous pouvez boire du thé à la camomille, au fenouil ou à la menthe, cela aide effectivement souvent en cas de troubles gastro-intestinaux. » En cas d’infections urinaires, dont souffrent surtout les femmes en raison d'un urètre plus court, Rainer Stange conseille les huiles de moutarde. Elles combattent les bactéries dans l’urètre et se trouvent par exemple dans la capucine et le raifort. Vous pouvez aussi agir en cas de rhume : « En cas d'infection des voies respiratoires, telles que le rhume, les mélanges d’huiles essentielles, comme le lierre, mais aussi l’échinacée, sont souvent efficaces. »

Photo d’en-tête : Shutterstock

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Annalina Jegg
Autorin von customize mediahouse

Je me décrirais comme ça : ouverte d'esprit, j'aime prendre le temps de réfléchir, j'ai besoin de me retrouver seule de temps et temps, je suis curieuse, plutôt drôle et, bien sûr, époustouflante.
L'écriture est ma vocation : à 8 ans, j'écrivais des
contes de fées, à 15 ans des paroles de chansons « super cool » (que personne n'a jamais eu l'occasion d'écouter), au milieu de la vingtaine un blog de voyage, et maintenant des poèmes et les meilleurs articles de tous les temps ! 


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