Nintendo Un autre code : Recollection
Switch, DE, FR, IT
Avec « Another Code: Recollection », Nintendo ressort deux jeux d’aventure de l’époque DS/Wii. Les remakes de ces secrets bien gardés sont réussis, mais pas parfaits.
L’existence même d’Another Code: Recollection relève du quasi-miracle. Ce double remake renferme deux gemmes d’aventure tombées dans l’oubli. Another Code: Mémoires doubles était sorti en 2005 sur Nintendo DS, tandis que sa suite *Another Code : R – Les Portes de la mémoire * était sorti en 2009 sur Wii. Les deux jeux s’étaient mal vendus et la critique n’avait pas été dithyrambique. D’ailleurs, le studio de développement Cing avait déclaré faillite en 2010 et Nintendo avait donc logiquement enterré la série Another Code.
Au fil des ans, les jeux d’énigmes se sont construit une solide base de fans et sont désormais considérés comme des secrets d’initiés sous-cotés et cultes pour les amateurs d’aventure. Another Code: Recollection offre donc une seconde chance à ces deux jeux. Le diptyque a été entièrement remanié et marque des points avec des nouveautés substantielles, mais ne parvient pas à reproduire le charme des jeux originaux.
Le premier, Mémoires doubles, compte parmi mes jeux Nintendo DS préférés, en grande partie grâce à l’histoire empreinte de mélancolie. On y incarne une orpheline de 13 ans, Ashley Mizuki Robins, qui reçoit peu avant son quatorzième anniversaire une lettre de son père qu’elle croyait mort et dans laquelle il l’invite sur une île déserte. Sceptique, Ashley décide malgré tout de répondre à l’appel de son père.
Mais une fois sur l’île, aucune trace de lui. Quelque chose cloche. À un moment, Ashley fait la connaissance d’un fantôme dans une immense villa abandonnée. Celui-ci est mort dans cette demeure lorsqu’il était adolescent il y a bien longtemps. Depuis, son âme est bloquée sur l’île et il n’a aucun souvenir des circonstances de son décès.
On découvre en jouant ce qu’il est arrivé au père d’Ashley porté disparu et au jeune garçon. C’est une histoire mélancolique merveilleusement bien racontée sur le pouvoir des souvenirs, le deuil et l’amitié.
La suite Another Code : R se déroule environ deux ans après les événements sur l’île des fantômes. Ashley séjourne dans la pittoresque station touristique de Lake Juliet. Là, des souvenirs dérangeants sur sa mère décédée reviennent la hanter. Cherchant à faire sens de ces bribes de souvenirs, elle va se retrouver impliquée dans un immense complot autour du lac Juliet.
L’intrigue du second volet est plus longue, plus ambitieuse et plus complexe, mais ne réussit pas à me captiver autant que la première partie. Il y a trop de personnages ennuyeux et des dialogues bancals. Mon exploration est constamment interrompue par des cinématiques sans importance. La mélancolie intime ressentie lors de la découverte de l’immense manoir sur l’île des fantômes me manque. C’est peut-être la nostalgie en moi qui s’exprime, car contrairement au premier volet, je n’ai jamais joué à la suite sur Wii.
Les deux jeux mélangent le visual novel, le jeu d’aventure et d’énigmes. Ne vous attendez pas à un gameplay bourré d’action, ici, tout tourne autour de l’histoire. On passe le plus clair de son temps à explorer l’univers de jeu ou à discuter.
De temps à autre, il faut résoudre une énigme classique de type point-and-click pour progresser. Un levier à actionner par ici, un interrupteur à enclencher par là, un mot de passe à donner, et ainsi de suite. Les énigmes sont suffisamment simples pour ne pas nous frustrer. Elles sont tout de même assez complexes pour que leur résolution provoque un effet de surprise et que je me prenne pour un génie.
Les énigmes ont été en partie révisées pour le remake, une nécessité puisqu’elles étaient faites sur mesure pour le matériel de la DS ou de la Wii. Certaines brisaient très intelligemment le quatrième mur. Par exemple, dans Mémoires doubles, j’ai dû replier un peu le DS pour que l’écran du bas se reflète sur l’écran du haut, révélant ainsi un mot de passe. C’était génial. L’opus sur Wii exploitait aussi entièrement les capacités uniques de la manette Wii.
Des fonctions de ce genre sont hélas inexistantes sur la version Switch. Les remakes perdent ainsi le charme singulier des énigmes présentes dans les jeux originaux. Que ce soit l’écran tactile, la fonction HD Rumble ou encore la caméra infrarouge, rien de tout ça n’est exploité… Le jeu utilise la commande par mouvement dans deux ou trois énigmes, mais c’est tout.
Les fans des jeux originaux remarqueront en outre de gros changements dans l’intrigue. Le contexte et les personnages de Another Code: R ont notamment subi d’importantes modifications. Certaines sont compréhensibles (le jeu est plus court et plus punchy), mais d’autres sont tout à fait farfelues et bouleversent complètement la fin du jeu.
Une partie de ces modifications concerne également les gadgets qu’Ashley obtient de la part de son père qu’elle pensait mort. Dans les jeux originaux, ils ressemblaient à la Nintendo DS et à la manette Wii. Dans le remake, ils sont remplacés par une Switch futuriste et un bracelet générique, emportant là encore une part du charme originel. Au moins, les gadgets se dotent de nouvelles fonctions qui me facilitent un peu la résolution des énigmes.
L'exploration en point-and-click des jeux originaux cède la place à une commande moderne à la troisième personne. Les niveaux s’apparentent ainsi plus à de vraies régions et non plus à des portions d’un jeu vidéo. Si jamais je perds mon chemin dans ce monde 3D, le jeu propose une aide à la navigation qui me mène à la prochaine énigme. On y trouve aussi un système d’aide qui fournit des astuces précieuses.
Côté graphisme, cette nouvelle édition oscille entre splendeur et manque de modernité. Le diptyque séduit par un environnement sublime rappelant les peintures à l’huile, notamment dans le remake du premier volet. Une douce musique de piano et des mélodies entêtantes soulignent merveilleusement ce décor enchanteur.
En comparaison, les niveaux plus étoffés de la deuxième partie sont très inférieurs et semblent inachevés par endroits. Il est aussi dommage que les remakes soient parsemés d’énervants écrans de chargement, d’autant plus que ce problème était beaucoup moins présent sur les jeux originaux.
Les modélisations détaillées des personnages sont très bien conçues, mais mal animées. Par rapport à Ashley, de nombreux personnages adultes se déplacent de façon étrange et ouvrent à peine la bouche lorsqu’ils parlent. Ça me déconcentre régulièrement.
Les protagonistes des jeux originaux étaient muets et une grande partie des dialogues ont été doublés pour les remakes. Les prestations des acteurs rappellent les doublages moyens des animes. Au fil du temps, je me suis habitué au jeu d’acteur exagéré et aux onomatopées agaçantes à la résolution d’énigmes (« Hmmmmm », « Oh ! », « Aaaaah ! ».
Another Code: Recollection est un remake complet de deux gemmes oubliées du jeu d’aventure. Les nouveautés substantielles sont convaincantes, mais cette réinterprétation ne parvient pas à capturer toute la magie des premiers jeux, notamment à cause des modifications apportées aux énigmes. La présentation audiovisuelle n’est pas parfaite non plus.
Malgré ces points négatifs, je me suis bien amusé pendant une quinzaine d’heures. J’adore l’univers mélancolique des jeux Another Code et je suis ravi qu’ils bénéficient d’une seconde chance, même si l’exécution n’est pas irréprochable. Si vous aimez les visual novels, les jeux d’aventure et les histoires d’apprentissage mélancoliques de type Life is Strange, n’hésitez pas à tester ce double jeu.
Et maintenant, il ne me reste plus qu’à croiser les doigts pour un remake des Hotel Dusk de Cing.
« Another Code: Recollection » est disponible dès le 19 janvier sur Nintendo Switch. Le jeu m’a été mis à disposition par Nintendo pour ce test.
Ma passion pour les jeux vidéo s'est éveillée au jeune âge de cinq ans avec la Gameboy originale et a grandi à pas de géant au fil des ans.