« Ara: History Untold » devrait plaire aux fans de « Civilization »
23/9/2024
Traduction: Rose-Hélène Moquet
Si « Ara: History Untold » ressemble beaucoup à « Civilization » à première vue, ce jeu de stratégie s’en distingue par son système de production complexe et les aspects uniques de son gameplay.
Le titanesque projet de construction de la Grande pyramide de Gizeh me nargue depuis longtemps. Mais il me manque toujours quelques outils en pierre, sans lesquels je ne peux pas ordonner la construction. J’injecte donc un peu d’argent du Trésor public dans mes ateliers pour accélérer la production des pièces manquantes. La construction de cette pyramide m’apporterait beaucoup de prestige.
Je me présente, je suis la glorieuse Zénobie, souveraine de l’Empire palmyrénien depuis les pauvres huttes de la protohistoire jusqu’au futur lointain. J’ordonne quand et où notre peuple fonde de nouvelles villes, je décide du type de gouvernement et des technologies que nos scientifiques doivent étudier, et je choisis de tolérer ou non les villes nulles de mon voisin, les États-Unis d’Amérique. Et lorsque la pyramide située juste à côté de Palmyre, ma capitale, est achevée, mes sujets et moi-même nous en réjouissons.
Si le principe du jeu vous dit quelque chose, c’est normal.
« Ara » est-il un énième clone de « Civilization » ?
Difficile d’écrire un article sur Ara sans évoquer Civilization. Ma description du jeu jusqu’à maintenant correspond peu ou prou à celle du premier Civilization, sorti en 1991. Depuis, la série domine totalement les jeux de grande stratégie au tour par tour.
À première vue, Ara ressemble comme deux gouttes d’eau à Civilization. Selon une estimation subjective, 75 % du gameplay, de l’interface, de l’habillage visuel et sonore d’Ara reprennent les codes de Civilization. Ayant moi-même joué à tous les Civilization, je ne peux pas être impartiale. Dans cet article, nous nous intéresserons surtout à ce qui rend Ara différent.
Deux grandes différences me sautent immédiatement aux yeux. Premièrement, la carte n’est pas divisée en cases hexagonales, mais en régions. Elle donne ainsi l’impression d’un « vrai » paysage et non d’un plateau de jeu artificiel. Ça change ! Deuxièmement, Ara utilise des chaînes de production. Une idée étonnante et très bien mise en œuvre.
Fonctionnement des régions et des zones
Dans Ara, les régions servent à diviser la carte. Elles peuvent avoir des formes et des tailles différentes, comme les pièces d’un puzzle. Chaque région que j’incorpore à mon empire me rapporte par défaut de zéro à quatre unités de nourriture, de bois, de matériaux de construction et de pièces à chaque tour. Les villes se développent lorsqu’elles produisent un surplus de nourriture qui est alors redirigé vers d’autres villes entourées de régions moins fertiles.
Les régions sont divisées en deux à six zones. Chaque zone dispose d’espace pour un bâtiment, par exemple une ferme, une scierie ou un atelier. Les bâtiments me permettent d’augmenter le rendement de base de la région où sont fabriqués de nouveaux produits. Dans certaines zones se trouvent également d’autres matières premières (moutons, pierres précieuses, épices...) dont je vais également avoir besoin et que j’exploite dans les bâtiments correspondants.
Des chaînes de production dans un jeu de grande stratégie ?
Dans Ara, les matières premières et les produits ont beaucoup plus d’importance que dans Civilization. Comme dans Civilization, j’ai besoin de métal pour produire certaines unités. Mais extraire du minerai de fer ne suffit pas, il faut ensuite le transformer en lingots.
Pour cela, je construis une forge qui fonctionne malheureusement très lentement. Pour qu’elle aille plus vite, je dois l’équiper de « provisions » (outils, électricité), qui doivent être fabriquées ailleurs. Il est également possible d’accélérer la fabrication des produits en utilisant d’autres matériaux, comme la farine et le sel pour le pain. Pour d’autres produits, je peux aussi glisser un petit billet. Les provisions et matériaux sont facultatifs, mais utiles pour assurer une production efficace.
Ce système se retrouve tout au long du jeu, par exemple avec le « café infusé » qui augmente la vitesse de recherche dans l’observatoire. De plus, de nombreux produits fabriqués influencent directement le bien-être des habitants de ma ville. Si je mets des pains à leur disposition, le rendement alimentaire sera meilleur. Les décorations florales augmentent la satisfaction et les livres améliorent les connaissances des citoyens, ce qui leur permet de faire des recherches plus rapidement. Si je construis des bâtiments résidentiels pour mes sujets, je peux les équiper de meubles, de bougies et de consoles de jeux, ce qui a également un impact sur leur satisfaction.
Ces productions ramifiées rendent Ara plus complexe que Civilization. J’apprécie le système de production du jeu, et notamment le fait que tout soit facultatif. Je ne suis pas obligée de fabriquer tous les objets, mais je suis récompensée pour ce que je fabrique.
Le prestige, rien que le prestige
Dans Civilization, la victoire peut être militaire, culturelle ou religieuse. Dans Ara, elle se mesure uniquement aux points de prestige que j’accumule tout au long du jeu. J’en gagne quand j’augmente la taille de ma population, recherche certaines technologies et, bien sûr, sur le champ de bataille.
Ara est divisé en trois actes comprenant chacun quatre époques technologiques. Si trois nations atteignent l’acte suivant, une hécatombe décime les peuples restants dans le jeu. Ceux qui n’ont pas assez de prestige s’éteignent littéralement et ne peuvent plus être joués. Il ne reste que les ruines de leurs anciennes villes que je peux visiter et piller.
Le fait de ne pas devoir se fixer dès le départ sur un mode de victoire en particulier (culturelle, militaire...) me rend plus libre dans la conception de mon jeu. En contrepartie, cela veut dire que je joue parfois sans véritable objectif. Ara me propose une infinité de technologies différentes que je peux choisir d’explorer ou non : ne pas faire de recherches ne m’empêche pas de gagner la partie. À noter cependant qu’en passant à une nouvelle ère, je perdrai définitivement l’accès à mes recherches de l’époque précédente. Je me retrouve ainsi confrontée à des dilemmes : ai-je encore besoin de bougies ou ne vaudrait-il mieux pas passer rapidement à une nouvelle ère qui me donnera accès à de nouvelles technologies ?
Sans compter que les recherches sont mélangées et qu’elles ne sont pas toutes disponibles à chaque partie. Si je peux produire des vitraux peints lors d’une session de jeu, il n’est pas dit que ce sera également possible à la suivante. Les technologies me semblent peu pertinentes et inutiles, mais je dois avouer qu’elles donnent une véritable valeur de « rejouabilité » au jeu.
La guerre anéantit tout sur son passage
Dans Ara, je regroupe mes unités militaires en formations qui peuvent donner des avantages tactiques. Je peux aisément combiner plusieurs formations et parcourir ainsi mes terres avec une armée très puissante. Selon la puissance des armées, les escarmouches peuvent également durer plusieurs tours.
En revanche, j’ai appris à mes dépens que la conquête des villes se faisait relativement rapidement. Pour déclencher une guerre, il me faut un motif. Mon détestable voisin, le président Washington des États-Unis d’Amérique, m’ayant déjà envahie une fois, une guerre de représailles serait justifiée. Comme objectif, je dois indiquer une ville qu’il me faudra conquérir en un certain nombre de tours.
Pour embêter Monsieur Washington, j’annonce vouloir prendre la capitale qui porte son nom. Pendant que je joue à la guerre à Washington, la ville, Washington, le président, fait passer en douce une catapulte et l’installe dans l’une de mes plus grandes villes, Karrhai. Mes remparts sont détruits en un tour. Au tour d’après, la ville tombe aux mains de mon ennemi.
Je regarde mon écran, incrédule. Vraiment, si vite ? Avec une seule machine de siège ? Civilization, m’avait habituée à des prises de ville compliquées ou même les petites villes peuvent se défendre pendant un certain temps. Mais dans Ara, je n’ai même pas eu le temps d’envoyer les secours. Hors de moi, je jure devant tous les dieux de réparer mon erreur et de libérer ma ville au plus vite.
J’ai entre-temps conquis la ville de Washington en deux tours également, ce qui veut dire que j’ai gagné la guerre. Malheureusement, cela signifie que je n’ai plus de raison valable pour initier des batailles. À Washington, la ville, je pleure la perte de Karrhai que je ne pourrais récupérer auprès de Washington, le président, qu’à la fin de la trêve qui dure 20 tours.
Quelques petits couacs
La version finale d’Ara: History Untold est déjà sortie, mais quelques points semblent encore inachevés. Par exemple, l’aperçu ne propose aucune liste de toutes les scieries ou de tous les gisements de matières premières. Je dois les chercher dans chaque ville ou en regardant les symboles de la carte, ce qui est pour le moins fastidieux.
L’aperçu des constructions s’avère lui aussi chaotique à mesure que je progresse dans le jeu. Comme j’explore de plus en plus de nouveaux bâtiments et de variantes améliorées, je dois faire défiler une liste interminable de bâtiments classés par ordre alphabétique lorsque je suis en mode construction. Des options de filtrage, permettant par exemple d’afficher uniquement les bâtiments qui améliorent la satisfaction, seraient les bienvenues.
Les guerres me semblent également trop déséquilibrées. Comme je n’ai pas trouvé de moyen d’améliorer les unités plus anciennes, les archers et cavaliers de mes formations sont encore présents à l’âge atomique. Mais ça ne fait rien, car en y ajoutant des mousquetaires et des trébuchets, j’obtiens une valeur de force totale correcte. Et c’est bien ce qui semble être le plus important. Les formations ne semblent pas non plus pouvoir être dissoutes, ce qui m’empêche de redéployer mes unités. Quand on se met en formation, on y reste. C’est bien dommage.
Jusqu’à présent, la diplomatie semble peu présente dans le jeu. Je n’ai quasiment jamais à faire avec les autres souverains. Les options classiques existent, comme l’accord d’ouverture des frontières ou de recherche, mais il n’y a pas d’action simple ou de demande d’aide. Les règles de la diplomatie sont malheureusement très strictes. Certains événements me permettent parfois d’améliorer ma réputation auprès des autres nations, mais ils semblent totalement aléatoires.
Autre problème : l’utilité des chefs-d’œuvre, les œuvres spéciales que créent mes artistes et chercheurs. Elles sont dévoilées avec une animation spéciale, mais il n’y a aucune information à leur sujet et elles ne semblent pas pertinentes. Elles me donnent un peu de prestige et finiront exposées dans mes musées. Malheureusement, il semblerait que j’ai manqué la séance « création de musées », car je me retrouve avec une énorme pile de chefs-d’œuvre sur les bras.
« Ara: History Untold » est sorti le 24 septembre 2024 sur Steam et est inclus dans le PC Game Pass. Le jeu m’a été mis à disposition par Microsoft pour ce test.
Bilan
Un jeu rafraîchissant, mais qui a besoin d’être peaufiné
Malgré ses imperfections, Ara: History Untold a su me garder captivée pendant un total de 21 heures. J’ai passé de bons moments devant ce jeu semblable à Civilization, mais qui se joue différemment.
Ara brille également par ses graphismes. L’absence de division en hexagones rend la carte beaucoup plus réelle. Lorsque je la fais défiler, des nuées d’oiseaux apparaissent. Dans les faubourgs, les maisons brûlent et les habitants courent dans tous les sens en criant lorsque des troupes ennemies se trouvent dans la région.
Avec quatre étoiles, je donne au jeu quelques bons points d’avance au jeu en espérant que le studio en profitera pour travailler sur ses points faibles.
Pro
- très beaux graphismes
- belle réalisation des régions et zones
- beaucoup de profondeur grâce aux chaînes de production
- différentes recherches à chaque partie
- pas de victoire sans prestige
Contre
- aperçu parfois manquant
- aucune diplomatie
- manque de développement de l’armée et des guerres
Photo d’en-tête : Debora Pape
Aussi à l'aise devant un PC gaming que dans un hamac au fond du jardin. Aime l'Empire romain, les porte-conteneurs et les livres de science-fiction. Traque surtout les news dans le domaine de l'informatique et des objets connectés.