![Ronja Magdziak Ronja Magdziak](/im/Files/7/6/5/3/0/0/1/8/IMG_383421.png?impolicy=teaser&resizeWidth=700&resizeHeight=350)
Bonnes habitudes santé : j’ai passé 10 jours dans le silence de la Vipassana
Passer 10 jours en silence dans un centre de méditation semble être une tendance pour les personnes en quête de spiritualité, de sens, ou en pleine crise de la quarantaine. L’offre s’adresse à tout le monde, quelle que soit sa foi ou son expérience de la méditation. J’ai testé, souffert et apprécié.
Enseignée par S.N. Goenka, la méditation Vipassana aurait déjà été pratiquée par Bouddha il y a 2500 ans. Selon l’association Vipassana e.V., elle est proposée actuellement dans 245 centres de méditation dans le monde. Le cours d’introduction typique dure 10 jours pendant lesquels on médite environ 10 heures par jour en respectant un « noble silence ».
Le thème de la méditation m’intéresse depuis longtemps. J’ai essayé à plusieurs reprises de mettre en place une pratique régulière à l’aide de diverses applis, sans véritable succès. La première fois que j’ai entendu parler de Vipassana, j’ai tout de suite accroché. J’avais à la fois envie de relever le défi et de calmer mes ruminations permanentes.
Étape 1 : trouver une place !
J’ai contacté plusieurs centres à différents endroits dans le monde. L’offre basée sur les dons est en effet très appréciée. Les listes d’inscription ouvrent parfois au milieu de la nuit et sont déjà complètes au petit matin. Après avoir indiqué mes restrictions de santé et exposé mes aptitudes et ma motivation, il ne restait plus qu’à croiser les doigts pour obtenir une place. La chance a fini par me sourire au Népal. Le 1er juillet 2024 commençait mon cours de 10 jours à Katmandou.
![Le centre Dhamma Kitti Vipassana est l’un des 245 centres de méditation dans le monde. C’est ici que j’ai suivi mon cours de 10 jours.](/im/Files/7/6/5/3/1/3/4/8/meditationszentrum.jpg?impolicy=resize&resizeWidth=430)
Source : Ronja Magdziak
Jour 0 : et le silence fut
Le moins qu’on puisse dire, c’est que je suis stressée. En parcourant l’Inde avant d’arriver au Népal, j’ai rencontré plusieurs personnes qui avaient déjà suivi un cours Vipassana. « C’est très intense », m’a-t-on dit. « Pire qu’être en prison ». Certains voulaient s’évader. Pourtant, tout le monde me conseillait de le faire, car « ça change la vie ».
Une fois arrivée, je donne mon téléphone portable, mon matériel d’écriture et mes livres. Aucune distraction n’est permise. Au début, il est encore possible de parler. Si quelques-uns des 30 participants en sont déjà à leur deuxième ou troisième cours, la plupart sont, comme moi, là pour la première fois. Une fois les femmes et les hommes séparés, nous nous installons dans nos lits dans un grand dortoir. Le dîner est suivi par un moment de méditation où le silence règne.
Le respect de ce que l’on appelle le « noble silence » au niveau physique et mental doit aider à garder l’esprit aussi « pur » que possible pendant le cours et à éviter les nouvelles pensées positives ou négatives. Dans des cas exceptionnels et justifiés, il est toutefois permis de parler aux responsables de cours et enseignants.
Jour 1 : le gong sonne à 4 heures
Le son du gong ne nous quitte plus. Se lever, commencer et terminer la méditation, manger, dormir : le gong donne le rythme et communique avec nous. À 4 heures du matin, il nous appelle à sortir du lit pour la méditation matinale. Je me lève assez facilement, mais une fois assise dans la salle de méditation, ma lutte contre le sommeil commence. Un calvaire de deux heures pendant lequel je gigote sur mon coussin, dérive constamment vers la rêverie et manque de littéralement tomber de sommeil. L’enregistrement bruyant du chant guttural de S.N. Goenka annonce la fin de la torture et m’amène à me demander ce que je suis venue faire ici.
Tête baissée et en silence, nous marchons vers le petit-déjeuner. Les places sont disposées de manière à ne pas se faire face afin d’éviter que les regards se croisent. On mange en silence, on fait la vaisselle, puis on reprend la méditation. Une partie des trois prochaines heures de méditation peut se faire dans le dortoir. Je m’endors directement. Les cinq heures de méditation restantes de la journée se déroulent de la même manière. C’est frustrant.
Chaque soir, nous regardons des conférences enregistrées de S.N. Goenka, dans lesquelles il explique plus en détail la philosophie derrière Vipassana et sa technique. Ses paroles appelant au sérieux et à l’application tout en étant pleines de compréhension et d’humour me remotivent et me poussent à être plus conciliante.
Jour 2 : on réessaye
« Aujourd’hui, ça va aller mieux », me dis-je en m’asseyant sur mon coussin de méditation à 4h30 du matin. À 4h32, ma tête tombe de fatigue. Super. Le deuxième jour se déroule presque aussi mal que le premier. Je suis pleine de motivation au début, mais je finis toujours par perdre ma concentration au bout de quelques minutes ou par laisser la fatigue l’emporter. Les pauses repas me font du bien. Je me suis liée d’amitié avec une participante dès notre arrivée. Elle a l’air de galérer autant que moi. J’aimerais la réconforter, c’est étrange de ne pas pouvoir le faire.
Jour 3 : on touche le fond
Les choses ne s’arrangent toujours pas. Je suis moins fatiguée, mais je n’arrive pas à rester en place ni à empêcher mes pensées de dériver. Je commence à comprendre pourquoi d’autres ont comparé cette expérience à un séjour en prison et ont voulu s’échapper. Je ne pense pas à abandonner, mais je commence à compter le temps qu’il me reste : plus que 70 heures de méditation...
Jour 4 : nouvelle technique, nouvelle chance
Jusqu’à présent, nous avons été amenés à nous concentrer uniquement sur notre inspiration et expiration. Aujourd’hui, nous allons découvrir la « véritable » méditation Vipassana : balayer la moindre partie de notre corps, de la tête aux pieds, et observer attentivement nos sensations sans y réagir. Expérimenter cette méditation avancée me fait du bien et donne une nouvelle mission à mon cerveau. Même si mon esprit continue de s’égarer, cette journée réussit à me remotiver.
![Méditer, c’est comme apprendre à marcher, m’explique une enseignante : avec beaucoup de pratique, on finit par y arriver tout seul. Pour moi, ça reste très compliqué.](/im/Files/7/6/5/3/0/0/6/2/IMG_3797.jpg?impolicy=resize&resizeWidth=430)
Source : Ronja Magdziak
Jour 5 : vous avez dit « motivation » ?
La méditation matinale est devenue ma préférée et je résiste de mieux en mieux à l’envie constante de bouger, mais je ne suis pas entièrement satisfaite de moi. Pourquoi je me retrouve à passer deux heures à me demander si j’ai besoin d’une nouvelle robe d’été au lieu de me concentrer sur les sensations de mon corps ?
Jour 6 : travailler consciencieusement
Lors des conférences du soir, S.N. Goenka souligne à quel point ce temps est précieux et que nous devrions tirer le meilleur parti de ce cours. Et moi, qu’est-ce que je fais ? Je prépare un article pour un mariage auquel je vais bientôt assister. Je pensais que des pensées vitales et profondes m’occuperaient pendant ces dix jours. Et j’avoue que certaines séances me permettent d’analyser ma relation avec ma famille ou une dispute avec une amie. Mais je n’ai pas encore vécu ces grands moments qui « ouvrent les yeux ».
Jour 7 : je suis forte
J’arrive de mieux en mieux à regarder mes pensées et mes sentiments avec plus de distance, à les laisser passer et à rester dans le moment présent. Cela n’aura peut-être représenté que trois heures sur dix, mais ça aura été trois très bonnes heures. J’ai eu l’impression de réussir une véritable avancée. Après ces séances, je suis comme sur un nuage et je me sens forte. Serait-ce donc cette fameuse « paix intérieure » qui m’envahit ? En tout cas, c’est prometteur.
Jour 8 : qui est là pour nous quand tout change ?
Après avoir enfin évacué péniblement les pensées quotidiennes, des pensées plus difficiles me viennent à l’esprit. Dans ses conférences, S.N. Goenka insiste toujours sur le fait que tout est éphémère, donc s’accrocher aux choses, aux personnes ou aux sentiments ne fait que créer de la souffrance. Et finalement, c’est la révélation : pourquoi faire tous ces efforts ? Que me restera-t-il ? Et qui sera là pour moi ? Une petite voix intérieure me répond : « Je suis là pour moi. » Soudain, je me sens rassurée et pleine de confiance.
Jour 9 : ça n’aurait pas pu arriver plus tôt ?
Ça y est, je m’en sors vraiment bien. Je reste assise sans bouger pendant les séances de méditation. Je n’ai pas le temps de m’ennuyer que le gong sonne déjà. Je tombe parfois dans la rêverie, mais ce n’est pas grave, du moins à mon avis. Méditer deux à trois heures d’affilée en restant totalement présent est un véritable travail de forçat. Pendant les pauses, je fais toujours la même promenade. Tout est routinier et paisible. Et personnellement, j’aimerais bien que ça dure.
Jour 10 : ramenez-moi le silence !
C’est la fin du vœu de silence. Je cours professer mon amour à la cuisinière dont la nourriture a été un véritable rayon de soleil dans le dur quotidien de la méditation. Elle ne parle pas anglais, mais je suis sûre que ça ne l’a pas empêchée de me comprendre.
Autour de moi, tout se met à bourdonner. Toutes ces voix, ces gestes, ces regards : c’est trop. Au bout de 10 minutes, je le silence me manque déjà. Je me sens obligée d’avoir mon mot à dire, de partager mes réussites et mes échecs avec les autres. Pourtant, je préfèrerais me retirer et faire barrage à cette agitation. J’ai envie de silence.
Jour 11 : le bilan
C’est l’heure de partir et de retrouver la réalité. Une fois le silence rompu, impossible de penser à la méditation. Avec le retour de l’agitation autour de moi, je n’arrivais plus à trouver le calme. Alors, est-ce que ces 10 jours de silence m’ont apporté quelque chose ?
Une fois le cours terminé, S.N. Goenka recommande de pratiquer Vipassana au moins deux heures par jour. Les plus ambitieux y arrivent, je n’en fais malheureusement pas partie. Pourtant, deux mois après mon retour en Allemagne, je réalise la profondeur de l’impact que ce cours a eu sur moi. Je suis nettement plus calme et plus en contrôle. Le chaos de la gare ou mon voisin peu aimable ne m’énervent plus aussi facilement.
Si l’on m’avait demandé le cinquième jour si cela en valait la peine, ma réponse aurait clairement été « absolument pas ». Aujourd’hui, j’espère pouvoir resuivre un cours dans un an ou deux.
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Rédactrice indépendante, biologiste et prof de yoga, j'entretiens une certaine fascination pour la nature, le corps et l'esprit. J'adore le grand air, bouger et écrire sur tout ce qui nous fait du bien !