Guide
Je l'ai fait : mon premier examen urologique
par Martin Rupf
Le jet d’urine faiblissant, le vieillissement en général et la tentative de prendre la vie avec humour.
Récemment, notre collègue Martin Rupf abordait dans un de ses articles sa visite préventive chez l’urologue et le fait que beaucoup d’hommes ne se rendent chez le médecin qu’en cas d’urgence vitale. J’ai également consulté un spécialiste il y a quelques mois. Pas par bon sens prophylactique, mais en raison d’un problème réel.
Maman, je sais que d’habitude, tu lis tous mes articles, mais est-ce que tu veux bien faire une exception pour celui-ci ? Occupe-toi de tes... affaires !
Les changements physiques liés à l’âge sont généralement très lents. Pendant longtemps, on ne les remarque pas du tout, puis on les remarque de plus en plus souvent, et on finit par les remarquer chez les autres aussi.
« Tu ne peux pas faire pipi quand je suis à côté de toi ? », me demanda un soir ma partenaire en se brossant les dents. J’étais assis sur les toilettes, apparemment totalement inactif à ses yeux, alors que j’étais bel et bien en train d’uriner. Effectivement, la pression était si faible que cela ne s’entendait pas. Et ce pendant plus d’une minute.
« Je crois que je ne peux plus faire pipi correctement », répondis-je, plein d’honnêteté. Le fait que mon jet d’urine s’affaiblissait ne m’avait pas échappé. Mais là, il n’était pas juste affaibli, il était clairement faible. Le lendemain matin, j’ai pris rendez-vous chez le médecin.
« Regardez. Généralement, la courbe ressemble à ceci », commence l’urologue quelques jours plus tard en dessinant une parabole sur une feuille en papier. Par « ceci », il entendait la quantité d’urine qu’une personne émet en urinant en un temps donné. En temps normal, la courbe monte rapidement, reste brièvement à un niveau élevé et redescend rapidement. Et par « généralement », il entendait le cas des personnes qui n’avaient pas besoin de voir un urologue.
« Et chez vous, ça ressemble à cela. » Le médecin pointa du doigt les résultats de l’appareil qui venait de mesurer mon débit d’urine. Sur le papier s’étirait une longue ligne tremblotante. Cela ressemblait à l’évolution du cours d’une action certes stable, mais pas particulièrement performante.
Il me prescrit un alpha-bloquant pour détendre ma prostate « Le bloquant qui détend ! » plaisanta le moi intérieur en se rappelant ses antécédents de publicitaire. L’urologue avait attesté pendant l’examen que tout était en ordre « comme chez un jeune homme ». La « jeune pro », comme j’appelle affectueusement cet organe depuis lors, n’était pas envahie par la végétation, mais restreignait tout de même la fonction de l’urètre. Je reçus également un puissant analgésique. Si quelqu’un vous a déjà enfoncé une caméra dans le pénis, vous savez pourquoi j’en fus reconnaissant.
Quelques jours plus tard, je faisais une randonnée avec un proche. Il avait une quinzaine d’années de moins que moi, la trentaine donc, et comme il pissait là, bruyamment, décrivant une parabole parfaite dans la forêt d’automne ensoleillée, j’ai fait une nouvelle expérience intéressante. J’ai, pour la première fois de ma vie, envié le jet d’urine d’un homme. « Au moins, toi, tu n’as pas de calvitie », rétorqua mon ami après que je lui ai parlé de mon problème.
Nous continuâmes notre promenade en discutant. Il voulait savoir si je ne perdais vraiment pas mes cheveux. « Non, ai-je répondu, au contraire, le coiffeur les désépaissit chaque fois parce qu’il y en a trop. Avec des ciseaux à volume », précisai-je malicieusement, non mécontent de ma petite revanche. « T’es qu’un trou de balle, toi et tes cheveux ! » s’exclama mon compagnon de promenade. « Trou de balle toi-même, avec ton jet ! » lui répliquai-je. Nous rîmes de bon cœur.
Au bout de trois semaines, je retournai voir l’urologue pour une visite de contrôle. Il me compara de nouveau à un jeune homme, mais cette fois-ci, son compliment portait sur les 35 millilitres que j’émettais en moyenne par seconde. Je peux arrêter de prendre le médicament et je ne dois y revenir qu’en cas de besoin. La boîte est suffisamment grande pour durer un moment.
Ou pas. Récemment, j’ai passé la nuit avec ma partenaire dans la jolie auberge de Sternenberg, dans l’Oberland zurichois. Elle se brossait les dents, je me tenais devant l’urinoir. Apparemment, cela a duré si longtemps qu’elle a prudemment demandé si je devais reprendre mon médicament.
Ingérer un médicament tous les jours parce qu’une partie du corps est tombée en désuétude, c’est nouveau pour moi. Je sais que mon père doit faire baisser sa tension. Moi, je dois faire monter mon débit urinaire. Et puis j’ai récemment remarqué une tache noire sous mon œil gauche en regardant une vidéo. Je l’ai prise pour une tache de saleté sur l’écran et j’ai essayé de l’essuyer, mais elle n’a fait que se déplacer sur mon visage. C’était une ride d’expression. Euphémisme pour désigner un morceau de peau flétrie.
Bref, je vieillis. La pilule est dure à avaler. J’ai la maturité d’un homme de 35 ans et mon humour est celui d’un enfant de huit ans. « Comment les pets peuvent-ils te rendre aussi heureux, à chaque fois ?! », s’est récemment exclamée ma partenaire, sachant pertinemment que cette remarque allait redoubler l'intensité de mon hilarité. Je considère la gaieté comme l’état d’esprit le plus élevé qui soit et j’accueille avec gratitude toute occasion pouvant y contribuer. Pour ce qui est d’inclure le vieillissement dans cette catégorie, je vais devoir faire des efforts. Ce texte constitue ma première tentative à cette fin. Cordialement, le trou du balle à la chevelure abondante.
Photo d’en-tête : Jasmin Sessler, UnsplashNé à Zurich en 1974, Thomas Meyer est écrivain. Il a travaillé comme rédacteur publicitaire jusqu'en 2012, date à laquelle son premier roman, « Le formidable envol de Motti Wolkenbruch », a été publié. Papa d'un garçon, il a toujours une bonne excuse pour acheter des Lego. Pour en savoir plus sur lui : www.thomasmeyer.ch.