Musculation : combien de séries ?
En coulisse

Musculation : combien de séries ?

Claudio Viecelli
20/1/2022
Collaboration: Patrick Bardelli

Les muscles ne comptent pas, qu'il s'agisse de répétitions ou de séries. Les muscles réagissent au stress mécanique et métabolique qui leur est imposé. Ni plus ni moins.

L'évolution des muscles a permis l'interaction avec notre environnement
. Ils stockent l'énergie et peuvent produire de la force. Leur unique but ? Soulever.
Lors d'une séance de musculation, ils ne comptent ni le nombre de répétitions ni le nombre de séries.

Qu'est-ce qu'une série ?

Une série est le nombre de cycles de répétitions effectués. À l'instar du nombre de répétitions, il existe de nombreuses recommandations concernant le nombre de séries, allant de 2 à 6 séries pour une hypertrophie musculaire et une force maximales [1-3].

L'hypertrophie signifie un accroissement de la section transversale des fibres musculaires. Pour faciliter l'évaluation et la comparaison de protocoles de musculation, on a introduit la notion de volume de charge (en anglais volume load) reflétant la charge x le nombre de répétitions x le nombre de séries.

Par exemple, un entraînement des biceps avec un haltère de 10 kilos suivant trois séries de 12 répétitions correspondrait à un volume de charge de 360 kilos.

Dans l'approche suivante, on part du principe que l'objectif de l'entraînement est l'hypertrophie.
Le but ? L'augmentation de la masse de l'un des tissus les plus précieux du corps : les muscles.
Posons maintenant la question suivante : pour l'hypertrophie, qu'est-ce qui est plus efficace, une ou plusieurs séries ?
Comment démontrer, dans le cadre d'une expérience scientifique, une telle hypothèse ?

Un examen critique

En 2010, Burd et ses collègues [4] ont étudié la relation entre la synthèse des protéines musculaires lors d'une séance de musculation à une série et à trois séries chez huit jeunes hommes expérimentés en musculation.

Pour ce faire, les jambes des participants ont au hasard été « réparties » selon deux groupes (1 série ou 3 séries).
L'entraînement consistait en un exercice d'extension des jambes (en anglais leg extension), effectué à 70 % du 1RM pour les deux groupes, et ce, jusqu'à épuisement complet.

La durée d'une répétition était de 2 secondes (1 sec. concentrique, 1 sec. excentrique).
Le groupe, qui ne s'est entraîné qu'avec une seule série, a effectué 14 ± 2 répétitions, tandis que l'autre groupe, 14 ± 1, 11 ± 1 et 9 ± 1 répétitions pour les séries 1, 2 et 3

Pour les deux groupes, le volume de charge était de 942 ± 97 kg et de 2183 ± 154 kg.
La durée de tension était significativement différente entre les deux groupes, avec 34 ± 3 s et 84 ± 3 s respectivement.
5 heures après la séance de musculation, la synthèse de protéines était plus importante chez les deux groupes.
L'effet est cependant plus fort dans le groupe avec 3 séries.
Après 29 heures, la synthèse de protéines est revenue à sa valeur initiale dans le groupe avec une série.
Dans l'autre groupe, la synthèse de protéines était toujours élevée après 29 heures.

Photo : Shutterstock
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Cette étude permet-elle de répondre définitivement à notre hypothèse ? Non, car cette conception d'étude n'est pas valide pour clarifier la question relative à l'efficacité entre une et plusieurs séries.

Sur quoi repose donc l'effet observé de l'augmentation de la synthèse des protéines ?
Est-elle due à une durée de tension prolongée à un travail mécanique plus important ?
L'attribution claire d'un des facteurs étant impossible, une telle conception d'étude n'est pas valide pour répondre à la question du nombre approprié de séries.

Dans une autre étude, Burd et al. [5] ont soumis 15 jeunes hommes expérimentés en musculation à un protocole d'étude similaire.
Là encore, les jambes des sujets ont été « réparties » au hasard selon trois groupes pour l'exercice d'extension.

  • 4 séries à 90 % du 1RM jusqu'à épuisement complet.
  • 4 séries à 30 % du 1RM avec même volume de charge que le groupe précédent s'entraînant à 90 % du 1RM.
  • 4 séries à 30 % du 1RM jusqu'à épuisement complet.
    La pause entre les séries était de 3 minutes et la durée d'une répétition, de 2 secondes.
    Au total, les volumes de charge et les durées de contrainte suivantes ont été mesurés par série pour les trois cas de figure précités :

  • 90 % du 1RM : volume de charge : 710 ± 30 kg, durée de tension : 16,3 ± 1,1 sec
  • 30 % du 1RM avec le même volume de charge que 90 % du 1RM : volume de charge : 632 ± 28,4 kg,

durée de tension : 27,1 ± 1,85 sec.

  • 30 % du 1RM : volume de charge : 1073 ± 69,9 kg, durée de tension : 43.3 ± 1,9 sec.
    À l'issue de la séance de musculation, on a examiné l'accumulation de protéines au bout de 4 et 24 heures. Chez tous les groupes, la séance de musculation a fortement augmenté la synthèse de protéines au bout de 4 heures, l'effet étant plus important chez les deux groupes s'étant entraînés jusqu'à épuisement.

    24 heures après l'entraînement de musculation, seul le groupe à 30 % du 1RM, lequel s'est entraîné jusqu'à épuisement, présentait encore une augmentation significative par rapport aux deux autres groupes.

    Ce qui est intéressant dans les deux études, c'est l'examen de la durée de la tension. Dans le cas des deux études, la synthèse de protéines au bout de 24 à 29 heures à l'issue de la séance de musculation était toujours significativement plus élevée chez les groupes présentant les durées de tension les plus longues.

    Il semble donc que la durée de tension ait une influence importante.
    Cependant, le travail mécanique et la durée de tension sommative étant significativement différents dans les études qui examinent l'efficacité d'une série par rapport à plusieurs séries, les conclusions de telles études doivent être considérées avec beaucoup de prudence.

Photo : Shutterstock
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Une ou plusieurs séries ? Une question dénuée de sens...

Comme le démontre notre dernier article sur les modèles animal [6] et humain [7], nous connaissons les profils de fatigue et de force de différentes unités motrices.

Dans le muscle du mollet humain, Garnett et al. [7] ont montré que les unités motrices de type S perdent moins de 15 % de leur force après 150 secondes.
Toutefois, pour les unités de type FR, la perte de force est supérieure à 18 %.
Ce sont toutefois les unités motrices de type FF qui enregistrent la plus grande perte de force, de 37 à 100 % notamment.

Les études ci-dessus relatives au métabolisme et à la fatigue musculaire permettent la déduction de la durée de tension qui déclenche une forte réaction anabolique dans le muscle.

Le recrutement s'effectue selon le principe de la taille et, par conséquent, les unités motrices de type S sont recrutées en premier, suivies des unités de type FR et, enfin, de type FF.

La fatigue métabolique des unités de FF survenant après 120 secondes environ, l'intégrale du temps de recrutement des unités FF (c'est-à-dire la durée effective de la tension) doit être maximisée.

Il s'agit de maximiser le temps dans le cas d'un recrutement complet.

En choisissant une charge d'entraînement élevée (> 85 % du 1RM), toutes les unités motrices sont immédiatement recrutées.
Si le temps de tension, lors d'un effort maximal, n'est que de 20 secondes avant la repose du poids, cela signifie que les unités motrices de type FF ont subi un stress métabolique de 20 secondes.

Cela ne signifie toutefois pas que les unités de type FF ont subi une fatigue métabolique complète.
Pour cela, la durée effective de la tension devrait être environ six fois plus longue.
Il faudrait donc effectuer plusieurs séries.
L'inefficacité et la charge biomécanique élevée sur les articulations sont alors évidentes.

Un recrutement complet de toutes les unités motrices peut également être obtenu par la fatigue.
Pour une charge d'entraînement inférieure à 85 % du 1RM, toutes les unités ne sont pas recrutées au départ.
Au cours de l'exercice, des unités avec seuil de recrutement élevé (type FR et FF) sont toutefois ajoutées jusqu'à ce que toutes les unités motrices aient été recrutées.

Il s'agit de maximiser la durée effective de la tension à partir du moment où le recrutement est complet.

Photo : Shutterstock
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… qui reste sans réponse

À ce jour, il n'existe pas de modèle d'étude scientifiquement valable ayant permis de répondre définitivement à la question posée.
Étant donné que les études, lesquelles examinent l'influence de différents travaux mécaniques (différents nombres de séries et/ou différentes répétitions) sur la synthèse des protéines, suivent toujours plusieurs variables (travail mécanique et durée de la tension), il est impossible d'attribuer clairement un effet observé.

Il faut également préciser qu'il n'existe aucune preuve scientifique permettant la conclusion selon laquelle plusieurs séries provoquent a priori une réponse anabolique plus forte par rapport à une seule série.

Un muscle ne possède pas de registre de comptage interne et ne se soucie pas du nombre de séries.
Il réagit au stress mécanique et métabolique imposé, le stress métabolique ayant un poids bien plus important.

Références

  1. Kraemer WJ, Adams K, Cafarelli E, Dudley GA, Dooly C, Feigenbaum MS, et al. Progression models in resistance training for healthy adults. Med Sci Sports Exerc. United States; 2002;34: 364–380. doi:10.1097/00005768-200202000-00027
  2. ACSM, American College of Sports Medicine. Progression models in resistance training for healthy adults. Med Sci Sports Exerc. United States; 2009;41: 687–708. doi:10.1249/MSS.0b013e3181915670
  3. G. Gregory Haff, PhD F, N. Travis Triplett, PhD F. Essentials of Strength & Conditioning Fourth Edition. Human Kinetics. 2016.
  4. Burd NA, Holwerda AM, Selby KC, West DWD, Staples AW, Cain NE, et al. Resistance exercise volume affects myofibrillar protein synthesis and anabolic signalling molecule phosphorylation in young men. J Physiol. 2010;588: 3119–3130. doi:10.1113/jphysiol.2010.192856
  5. Burd NA, West DWD, Staples AW, Atherton PJ, Baker JM, Moore DR, et al. Low-Load High Volume Resistance Exercise Stimulates Muscle Protein Synthesis More Than High-Load Low Volume Resistance Exercise in Young Men. Lucia A, editor. PLoS One. Public Library of Science; 2010;5: e12033. doi:10.1371/journal.pone.0012033
  6. Burke RE, Levine DN, Tsairis P, Zajac FE. Physiological types and histochemical profiles in motor units of the cat gastrocnemius. J Physiol. John Wiley & Sons, Ltd; 1973;234: 723–748. doi:10.1113/jphysiol.1973.sp010369
  7. Garnett RA, O’Donovan MJ, Stephens JA, Taylor A. Motor unit organization of human medial gastrocnemius. J Physiol. John Wiley & Sons, Ltd; 1979;287: 33–43. doi:10.1113/jphysiol.1979.sp012643
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Biologiste moléculaire et musculaire. Chercheur à l'ETH Zurich. Athlète de force.


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