
Crise des opioïdes : un nouvel antidouleur peut-il être la solution ?
Pour la première fois depuis vingt ans, un antidouleur doté d’un nouveau mécanisme d’action est mis sur le marché. Il promet un soulagement important de la douleur sans le risque de dépendance aux opioïdes. Comment le médicament agit-il, sera-t-il disponible en Europe et à qui s’adresse-t-il ?
En janvier, l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) (page en anglais) a autorisé un médicament agissant contre la douleur doté d’un nouveau mécanisme d’action : la suzétrigine. Sa particularité : il ne présente aucun risque de dépendance, un avantage décisif par rapport aux opioïdes, souvent prescrits en cas de fortes douleurs. Certes, les opioïdes soulagent efficacement la douleur, mais leur action sur le cerveau peut rapidement déboucher sur une dépendance en raison de leurs effets sur l’humeur. Les conséquences sont effrayantes aux États-Unis, car chaque année, des dizaines de milliers de personnes (page en allemand) y meurent d’une surdose d’antidouleurs puissants comme le fentanyl.
Comment agissent les antidouleurs et les opioïdes ?
Les antidouleurs traditionnels tels que l’ibuprofène, utilisés en cas de douleurs légères à modérées, ne présentent pas de risque de dépendance. Leur action repose sur l’inhibition de certaines enzymes (page en allemand), les cyclooxygénases, ce qui réduit la production de substances pro-inflammatoires.
Si ces moyens ne suffisent pas, les opioïdes sont également utilisés en Allemagne et en Suisse en cas de fortes douleurs (dues par exemple au cancer ou à des maladies chroniques). Les opioïdes se fixent sur les récepteurs du système nerveux central (page en allemand), bloquent la transmission de la douleur et déclenchent l’euphorie. Une prise répétée entraîne rapidement une tolérance du corps et présente donc un fort potentiel de dépendance.
Le mécanisme d’action inédit de la suzétrigine
La suzétrigine s’attaque en revanche directement aux cellules nerveuses (page en anglais) qui transmettent les signaux de la douleur. Elle bloque de manière ciblée le canal sodique Nav1.8, qui joue un rôle clé dans la transmission des signaux de douleur. Ainsi, la suzétrigine intervient exclusivement dans la transmission de la douleur, sans influencer les autres fonctions de l’organisme. Cela devrait permettre de soulager plus efficacement la douleur avec moins d’effets secondaires.
La différence essentielle avec les opioïdes réside donc dans le fait que la suzétrigine n’agit pas sur le système nerveux central. Elle contourne l’effet de dépendance en agissant exclusivement sur les cellules nerveuses périphériques.
L’autorisation de la suzétrigine intervient en pleine crise dévastatrice des opioïdes aux États-Unis, qui fait des milliers de morts chaque année. La FDA a accéléré l’approbation afin de « permettre des alternatives sûres et efficaces aux opioïdes pour le traitement de la douleur », a expliqué Jacqueline Corrigan-Curay (page en anglais), directrice actuelle du Centre d’évaluation et de recherche sur les médicaments de la FDA.

Source : Statista 2025
Quand la suzétrigine arrivera-t-elle en Europe ?
Alors que la suzétrigine est déjà autorisée aux États-Unis, elle n’est pas encore disponible sur le marché européen. Jusqu’à présent, il n’y a pas encore d’informations concrètes sur l’autorisation de mise sur le marché en Suisse et le processus d’autorisation des médicaments par l’Agence européenne des médicaments (EMA) peut prendre plusieurs années.
L’accélération de l’autorisation de mise sur le marché aux États-Unis laisse toutefois présager que les autorités compétentes surveilleront de près le développement de la suzétrigine et envisageront peut-être là aussi un processus d’autorisation plus rapide.
À qui la suzétrigine pourrait-elle convenir ?
Actuellement, la suzétrigine est autorisée aux États-Unis pour le traitement des douleurs aiguës modérées à sévères. Cela concerne par exemple les douleurs après une opération ou en cas de blessure. Les personnes atteintes de tumeurs avancées pourraient également en bénéficier.
Effets secondaires et précautions
Comme pour tout médicament, il y a certaines choses à prendre en compte pour la suzétrigine. Les effets secondaires les plus fréquents sont des démangeaisons, des éruptions cutanées et des crampes musculaires. Les femmes enceintes ou qui allaitent ne doivent prendre ce médicament qu’après avoir consulté leur médecin. Les personnes souffrant de problèmes hépatiques doivent également faire preuve de prudence et recevoir éventuellement une dose plus faible.
Une lueur d’espoir à l’horizon
La suzétrigine pourrait marquer un tournant dans le traitement de la douleur. Il offre la perspective d’un soulagement efficace de la douleur sans les effets secondaires redoutés des opioïdes. Mais des recherches supplémentaires sont encore nécessaires pour comprendre son plein potentiel et ses éventuels effets secondaires à long terme. Pour les patientes et patients en Allemagne et en Suisse, il ne reste pour l’instant qu’à attendre.
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Rédactrice scientifique et biologiste. J'aime les animaux et je suis fascinée par les plantes, leurs capacités et tout ce que l'on peut faire avec et à partir d'elles. C'est pourquoi mon endroit préféré est toujours à l'extérieur - quelque part dans la nature, volontiers dans mon jardin sauvage.