Les promesses de l’industrie cosmétique, que du vent ? Deux chimistes mettent les choses au clair
16/10/2022
Traduction: Sophie Boissonneau
Nos produits cosmétiques nous promettent monts et merveilles. Il n’est pas toujours facile de faire le tri entre promesses en l’air et véritables effets, d’autant que certains mythes ont la peau dure. Gloria Lu et Victoria Fu, toutes les deux chimistes, se sont fixé pour objectif de tordre le cou aux fausses promesses. J’ai eu la chance de m’entretenir avec elles.
Le soleil brille chez Gloria Lu et Victoria Fu, en Californie, alors qu’elles rejoignent notre appel sur Zoom. Elles ont toutes les deux bien plus d’une corde à leur arc : autrices, influenceuses, entrepreneuses. Elles étaient auparavant chimistes pour L’Oréal à San Francisco. Découvrez leur parcours ici. Sur leur site « Chemist Confessions » et dans leur livre Skincare Decoded, elles aident les consommateur·rices à faire le tri entre les promesses marketing et la science.
Elles tordent le cou aux fausses promesses de l’industrie cosmétique, mais donnent également des conseils sur les différents produits et comment en tirer un maximum. Lors d’un entretien, elles m’ont fait part de quelques conseils et nous avons évoqué quelques fausses promesses de l’industrie cosmétique.
Aujourd'hui, nous allons parler des mythes du monde de la beauté. Commençons directement avec une idée qui a la peau dure : les silicones sont-ils vraiment mauvais pour notre peau ?
Gloria : c’est un mythe ! Les silicones constituent un vaste groupe d'ingrédients aux propriétés diverses. On ne peut pas tous les mettre dans le même panier. On les utilise si souvent en cosmétique parce qu’il laissent une sensation agréable sur la peau. Il suffit d’ajouter 1 % de silicone à un produit pour améliorer la sensation qu’il procure sur la peau. En outre, les silicones sont purs du point de vue chimique, la probabilité qu’ils soient irritants pour la peau est très faible.
Ce qui me conduit directement à l’idée reçue suivante. Les peaux grasses n'ont pas besoin d’hydratation. Est-ce vrai ?
Victoria : c’est encore une grossière erreur ! Les soins hydratants sont tout aussi bénéfiques pour les peaux grasses. Un bon soin hydratant doit combiner base aqueuse et base huileuse. Cette dernière aide à emprisonner l’humidité dans la peau. Il est certes désagréable d’appliquer de l’huile sur une peau déjà grasse pour beaucoup, mais ces dernières contribuent par exemple au processus de guérison de l’acné.
Beaucoup craignent qu’un soin pour le visage à base huileuse obstrue les pores. Est-ce aussi une fausse croyance ?
Gloria : oui et non. Cela dépend du type d’huile utilisé. Les pores obstrués ne sont pas une science en soi, mais plutôt une question de probabilité. L’huile de coco pure a tendance à obstruer les pores, alors que l’huile de squalane aura moins de chances d’avoir cet effet. C’est une huile provenant des olives qui n’a pas d’odeur et est bien moins grasse.
Dans votre livre, vous insistez sur l'effet positif des peelings chimiques ou acides. Or dans de nombreuses salles de bains, on trouve plus fréquemment des gommages classiques composés de particules abrasives qui éliminent les peaux mortes par une action mécanique. Lequel est le mieux, le peeling chimique ou mécanique ?
Gloria : il faut limiter les gommages classiques à un par semaine, car l’exfoliation mécanique est très irritante pour la peau. Les peelings chimiques peuvent en revanche être utilisés au quotidien. La desquamation de la vieille peau est très importante pour la santé de la peau et réduit, en outre, les signes de vieillissement de la peau. C’est pour cela qu’il nous a paru important de consacrer tout un chapitre au thème du peeling dans notre livre. Qu’il s’agisse d’un gommage classique ou d’un peeling chimique, l’important est d’y avoir recours avec modération et toujours dans un but précis. Si vous avez le visage rouge ou irrité après le soin, c’est que quelque chose ne va pas.
La protection solaire est aussi un sujet sensible. Une rumeur circule que les protections avec un indice SPF inférieur à 50 seraient inutiles. Quelle est la part de vérité là-dedans ?
Gloria : S’agissant de la protection solaire, nous avons deux règles : « Plus c'est plus » et « la texture compte ». Le produit que vous avez envie d’appliquer plusieurs fois par jour est celui qui vous convient. L’idéal est de ne pas passer sous la barre des SPF 30. Un SPF 30 qui vous semble agréable et que vous appliquez volontiers sera plus efficace qu’in SPF 50 que vous n’avez pas envie de porter et n’appliquez pas correctement. L’échelle SPF n’est pas linéaire, une crème SPF 50 n’est pas deux fois plus efficace qu’une SPF 25. L’indice 50 repousse 98 % des rayons UV.
Source : Illustration extraite de « Skincare decoded »
La protection solaire joue un rôle important dans la prévention anti-âge. Soyez franches : la crème solaire est-elle véritablement un soin miracle qui peut m’éviter les rides ?
Victoria : si une telle chose existait, quelqu’un en aurait déjà fait son business. La peau vieillit, c’est la vie. La santé de la peau n’est pas uniquement dépendante des influences extérieures, mais aussi de ce qui peut se passer à l’intérieur. Nos modes de vie, notre environnement et nos gènes influencent aussi le vieillissement de notre peau.
Gloria : En science, on fait la distinction entre le vieillissement de la peau lié à l’âge et le photovieillissement. Ce dernier est influencé par des facteurs externes, comme le soleil. On ne peut que minimiser les effets du photovieillissement en appliquant une protection solaire, en hydratant la peau ou encore en arrêtant de fumer. Des alliés anti-âge comme le rétinol peuvent également aider à minimiser les effets du photovieillissement. Il reste cependant impossible d’arrêter le temps, nous vieillissons toutes et tous, c’est le lot de l’espèce humaine.
On se réjouit tous·tes lorsque l’on trouve LA crème qui nous convient. Mais pouvons-nous réellement trouver une crème qui nous convienne tout au long de l’année ?
Gloria : c’est ce que nous souhaitons tous·tes. Mais cela dépend du degré des changements qui s’opèrent dans votre environnement au fil des saisons. Si vous avez trouvé un soin hydratant qui convient à votre peau, c’est déjà une bonne base. Ensuite, il vous suffira d’adapter votre routine en fonction des saisons. Parfois, votre peau aura besoin de substances occlusives, c’est-à-dire d’ingrédients qui emprisonnent l’humidité dans la peau et l’y maintiennent plus longtemps. Vous pouvez alors ajouter un baume gras à votre routine.
Vérité ou mensonge : le pH est-il si important que ce que les produits cosmétiques nous portent à croire ?
Gloria : vous n’avez pas à vous en soucier outre mesure. PH neutre pour la peau signifie simplement que le pH du produit correspond à celui de la peau, soit environ 5. Mais la plupart des produits de soin sont de toute façon adaptés au pH de la peau.
Victoria : lorsque vous avez la peau irritée, il peut être intéressant de se pencher sur le pH des soins utilisés, mais pour une peau en bonne santé, cela n’est pas nécessaire. N’oubliez pas : votre peau est capable d’autoréguler son pH.
Vous n'avez pas toujours été des expertes en soins de la peau : dans quels pièges êtes-vous tombées ?
Gloria : quelques-uns ! J’ai la peau très sèche, j’ai donc dépensé beaucoup d’argent dans des soins hydratants pendant mes études. J’achetais sans plus réfléchir tous les produits qui me promettaient des effets rapides. Un peu selon le principe que plus c’est cher, plus c’est efficace. La plupart de ces produits n’avaient qu’une base aqueuse et ne contenaient aucun ingrédient permettant d’emprisonner l’humidité dans la peau. Résultat des courses, ma peau restait sèche.
Victoria : je pensais aussi que « si c’est cher, c’est efficace ». Grossière erreur de jugement. Pour venir à bout de ma peau grasse, j’ai dépensé beaucoup d'argent dans toute sorte de produits et j’ai fait plus de mal que de bien à ma peau. Je ne soignais pas mon acné correctement, au point de laisser ma peau partir en lambeaux. Heureusement, aujourd’hui je sais que, pour une peau saine, le mieux est l’ennemi du bien !
Olivia Leimpeters-Leth
Autorin von customize mediahouse
J'aime les formulations fleuries et le langage symbolique. Les métaphores bien tournées sont ma kryptonite, même si parfois, il vaut mieux aller droit au but. Tous mes textes sont rédigés par mes chats : ce n'est pas une métaphore, mais je crois à « l'humanisation de l'animal de compagnie ». En dehors du bureau, j'aime faire des randonnées, jouer de la musique autour d'un feu de camp ou faire du sport, voir parfois même aller à une fête.